Chapitre 19

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CASSIOPEE

Liam ne s'est toujours pas réveillé. Voilà maintenant deux jours que je suis prostrée à l'hôpital, que je ne bouge pas, respirant à peine, meurtrie et n'étant rien d'autre que l'ombre de moi-même. Je ne dors plus, j'attends désespérément qu'il ouvre enfin les yeux – j'espère vraiment très fort que ça finisse par arriver. A mes côtés, Aubrey semble elle aussi contrariée. Elle s'humecte les lèvres et jette un coup d'œil dans ma direction.

Elle non plus n'a pas dit grand-chose depuis le drame. C'est elle qui nous a trouvé, et je sais qu'elle n'arrête pas de se demander ce qui serait arrivé sans elle et si tout ça n'est pas justement de sa faute. Elle culpabilise certainement, mais au fond elle doit très bien savoir qu'en nous trouvant, elle nous a sauvé la vie. Mais la douleur est trop présente pour penser à ça, à comprendre et respirer.

En fait, personne ne sait quoi dire. Personne ne s'attendait à ce que tout parte en vrille, ni au fait que Liam serait la cible d'Hadriel et qu'il ne reculerait devant rien pour assouvir son besoin bestial. On sait qu'Hadriel voulait se venger, il nous a prouvé qu'il ne voulait plus de Liam dans sa vie. Sauf que nous, nous tous, ce n'est pas ce que l'on voulait. Et maintenant, la crainte qu'il ne se réveille pas me donne envie de fermer les yeux pour ne plus jamais les rouvrir. Les médecins sont pourtant optimistes, malgré la situation, mais mon cœur ne s'est pas desserré depuis que nous avons quitté l'ancienne maison. Tant que je ne verrai pas ses yeux verts face à moi, rien de ce qu'on me dira ne pourra me rassurer.

— Il a fait ça pour tous nous sauver, mais il n'aurait pas dû. Liam est comme ça, je le sais, il fait toujours passer les autres avant lui. Mais parfois... Parfois à force de penser aux autres on oublie sa propre douleur...

Sa phrase se meure dans un murmure. Je prends sa main dans la mienne et la lui serre pour lui montrer que je pense la même chose et qu'elle n'est pas seule face à cette horreur. Elle me sourit faiblement, désemparée et affaiblie par le chagrin. Je sais qu'elle a raison, et pourtant je suis quand même mal. Je ne pensais pas que les choses iraient aussi loin, ni qu'elles seraient si immondes, dévastatrices, sombres comme tout ce sang échoué sur nos corps et à jamais dans nos souvenirs. Quand Liam s'est fait tirer dessus, quelque chose s'est brisé en moi. Je crois ne jamais avoir eu aussi peur de toute ma vie.

Mon cœur est tombé à mes pieds.

Et je n'ai toujours pas eu la force de le ramasser.

Lorsque les secouristes ont dit qu'il s'en sortirait, car la balle n'avait touché aucun organe vital, j'ai respiré un grand coup. Pour autant, je savais déjà que nous n'étions pas au bout de nos peines. Liam a pris un grand risque en prenant cette balle, en défiant Hadriel, et je ne sais même pas s'il s'en est rendu compte. Je me doute bien qu'il voulait sauver sa tante, et qu'il n'a sans doute pas réfléchis, mais il a aussi plongé dans l'arène pour moi, je le sais. Ça m'effraie. Mon cœur s'est gonflé d'amour, et c'est aussi pour ça que ça rend les choses encore plus compliquées. Ce qu'il a fait, je lui en serai à jamais reconnaissante.

Il ne s'est à aucun moment rendu compte – ou alors, justement, il savait très bien ce qu'il faisait et a tout fait pour nous protéger – d'à quel point menacer Hadriel était dangereux. Quand bien même il avait eu un couteau en main, face au fusil d'Hadriel, ça ne faisait rien. Les armes et les visages n'étaient pas les mêmes. L'un était effrayé mais déterminé, seul le couteau tremblant dans sa main pouvait le trahir. L'autre était plus brut, noir, amer, et maniait son fusil à la perfection, comme s'il avait fait ça toute sa vie. Et c'est bien ce qui me faisait peur. Ces deux-là se regardaient en chien de faïence, comme deux gladiateurs, prêts à se montrer le plus fort devant l'autre. Ce combat de coqs avait eu une fin terrible. Tragique. Liam avait été blessé. Pour Hadriel, c'était lui le gagnant.

Des espoirs |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant