Chapitre 7

164 14 27
                                    

CASSIOPEE

Je suis assise sur le canapé, Naomi devant moi, la femme qui m'a ouvert la porte tout à l'heure. Nous échangeons de temps à autre des regards gênés. Franchement, je ne sais pas ce qui est le pire. Le fait que mon père ne m'ait pas parlé d'elle ou la petite fille assise sur ses genoux qui me dévisage d'un air complétement terrorisé ? On dirait presque qu'elle a peur de moi. Super ! Je n'ai jamais vu cette petite, mais je dois dire qu'elle doit avoir dans les deux ans. Elle me fixe comme si j'étais un extraterrestre. Honnêtement, je ne peux pas l'en blâmer, elle est aussi perdue que moi. Je ne sais pas qui est cette fille, mais si c'est ce que j'imagine... Putain, je préfère ne pas y penser. Je croise les jambes et plante mes yeux dans ceux complétement perturbés de Naomi.

Sur l'autre canapé, mon père, Naomi, et la petite Siana, semblent tous les trois avoir créé un petit club contre moi. Tous me fixent comme si le problème venait de moi, et non de leur silence glaçant. Je me sens seule face à eux trois, et j'en suis presque mal-à-l'aise. Presque, car je suis surtout extrêmement en colère. Mon père n'a pas dit un mot depuis qu'il m'a trouvé en compagnie de Naomi, deux minutes après qu'elle m'a ouvert la porte. Il n'a rien trouvé d'autre dire à dire que « salut ». Ça fait je ne sais pas combien de temps que je ne l'ai pas vu et il est juste capable de me lancer ça ? Franchement, j'hallucine.

— Tu vois, j'aurai apprécié que tu me parle de... de ce changement, commencé-je en dirigeant mon regard vers Naomi et Siana.

Ma voix est forte, ferme, on sent que je me contiens. Face à moi, mon père m'adresse une moue mi-désolée mi-soulée que j'ai du mal à comprendre, et qui me met encore plus hors de moi car il ne semble pas se rendre compte d'à quel point je bouillonne de l'intérieur. Siana joue avec ses cheveux blonds, comme ceux de sa mère, et vient se mettre sur les genoux de mon père. Il sourit. Ce connard, sourit. Je plisse les yeux de rage et fixe la petite qui n'a rien demandé. Quelque chose chez elle m'embête, sans que je n'arrive à dire quoi exactement, mais je sais que ce que je pense n'est peut-être pas si loin de la réalité, finalement. En les voyant, tous les trois, parfaitement souriants et aimants, j'ai envie de chialer de rire. Ce tableau de la famille parfaite me donne la nausée. Je n'ai jamais connu ça, moi.

— Je sais, Cassiopée, et j'en suis désolé. Seulement... Seulement, ça fait longtemps que tu n'es pas venu ici, au moins depuis deux ans et... Et les choses changent, les gens évoluent...

Il butte sur chaque mot. Il ne semble pas à sa place, mais je n'en ai rien à faire. Tout ce que je remarque est les excuses qu'il tente de donner pour justifier le fait de n'avoir rien dit à propos de... tout ça.

Evoluent ? Mais t'es sérieux là ? Et puis, deux ans ? Deux ans, Papa ! Tu n'exagère pas un peu, non ? m'indigné-je en lui adressant un regard noir. Et les vacances que l'on passait ensemble, tu les as déjà oubliés ? Remarque, ça ne m'étonnerait pas plus que ça, tout compte fait.

— Oui, mais deux ans m'ont suffi pour refaire ma vie.

Sa voix est tranchante comme la lame d'un couteau. Sa remarque, pleine de sens, m'en laisse muette quelques instants. Son regard se dirige vers Siana. Je suis ses yeux et, alors, quelque chose me frappe de plein fouet. Siana a les yeux bleus, d'un bleu perçant que je ne connais que trop bien.

Parce que j'ai les mêmes.

L'évidence me frappe de plein fouet en même temps que je croise le regard de mon père. Lui aussi me fixe, puis comprend qui je regarde, avant de m'adresser une mine désolée. Ravale cet air, putain ! ça ne te va pas ! J'ai envie de lui hurler ça, mais je ne le fais pas, car je sais que ça ne fera qu'empirer les choses. Alors, à la place, je détourne les yeux pour ne plus le voir. Je ne sais pas comment interpréter ce regard. Parce que celui qu'il m'adresse me donne encore plus envie de lui envoyer une bonne baffe en pleine figure.

Des espoirs |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant