Entre Deux Vérités

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Une fois dans ma cellule, mes pensées se tournèrent vers ce que j'avais vu. Un homme, maintenu dans une camisole, assis sur son lit, fixant le vide.

Son visage, marqué par le temps et les tourments, était empreint d'une angoisse indélébile, ses yeux reflétaient un monde qui lui était propre, un monde où la frontière entre réalité et illusion s'estompait.

_ Ils arrivent, chuchotait-il.

 Sa voix, éraillée par le poids des années et des épreuves, était son unique compagnon dans cette danse solitaire avec la démence.

"Où étais-tu donc passé ?" s'exclamait-il, sa voix portait à la fois la détresse et l'espoir d'une réponse. Il regardait autour de lui, scrutait chaque recoin comme s'il cherchait quelqu'un, mais il était seul, enveloppé par le vide oppressant de la nuit.

"Je ne suis pas fou, non, non, non," répétait-il, comme pour se convaincre lui-même de cette vérité. Ses mots se heurtaient au silence, une symphonie discordante dans la tranquillité nocturne. Il s'accrochait à ses pensées, à des bribes de souvenirs qui se dérobaient sans cesse, fuyant son esprit tourmenté.

Un garde s'approcha de lui et lui administra une piqûre, une action qui semblait excessive. 

Je me rappelais de cette femme, elle me regardait... Non, elle me fixait. Son regard me transperçait, ses yeux suivaient chacun de mes pas vers ma chambre. Elle se tenait là, dans l'encadrement de la porte de sa chambre, ses iris brûlants comme des braises ardentes, comme si elle avait la capacité de lire les pensées les plus secrètes, de sonder l'âme jusqu'à en deviner les recoins les plus sombres.

Chaque mouvement de sa pupille était comme une mise à nu, comme si elle avait la faculté de disséquer mes émotions, de percer les mystères les mieux enfouis. Son regard était une énigme et une vérité à la fois, révélant plus de secrets que ses mots ne pourraient jamais exprimer.

Une fois devant ma porte, le garde s'approcha de moi avec cette désinvolture insupportable qui semblait être sa marque de fabrique. Une poussée brutale, comme si j'étais un simple objet inerte à déplacer. Mon agacement grandissait à chaque instant passé dans cet endroit où chaque geste était dicté par des règles arbitraires et des comportements dépourvus de toute humanité.

Je m'efforçais de contenir ma colère, mais le mépris se dessinait clairement sur mon visage. Le garde, indifférent à mon irritation, continuait ses allées et venues comme si nous, les patients, étions une simple corvée de plus dans sa journée.

Cette sensation de ne pas être traité comme un être humain, mais plutôt comme un fardeau encombrant, faisait naître en moi une boule d'exaspération. Chaque poussée, chaque interaction, ne faisait qu'alimenter mon ressentiment pour cet environnement qui semblait être conçu pour broyer l'espoir et raviver la détresse.

Il m'ignora et s'en alla. J'étais sur le point de crier, mais une voix m'interpella : "Eh, la nouvelle."

Elle venait d'en face. Au départ, je ne prêtais pas attention.

_Je te parle, insista-t-elle.

Je continuais de l'ignorer, espérant qu'elle se taise, mais en vain.

Je refusais de converser avec quiconque. À mes yeux, tous étaient atteints. Et désormais, aux yeux du monde extérieur, j'étais catégorisée comme telle.

_ Je m'appelle Diana.

Je fus pétrifiée en entendant ce nom.

_ Depuis combien de temps es-tu ici ? me demanda-t-elle.

Réunissant mon courage, je fis face à Diana. Sa chambre se trouvait juste en face de la mienne. Les portes étaient toutes grillagées, permettant aux gardes de voir tout ce qui se passait à l'intérieur et d'intervenir si besoin.

_ Salut, Diana, répondis-je, un sourire cynique ourlant mes lèvres.

Ses yeux s'écarquillèrent. Si mes regards pouvaient tuer, je peux t'assurer qu'elle ne serait déjà plus là. Je me retenais difficilement, sachant que perdre mon sang-froid à ce moment serait inutile.

Elle ajouta : "Toutes mes condoléances pour Shane," puis éclata en sanglots.

J'étais confuse. Pourquoi pleurait-elle alors qu'elle avait poussé mon frère au suicide ? Puis, je me rappelai qu'un fou avait le talent de vous faire croire tout ce qu'il désirait grâce à son jeu d'acteur impeccable.

_ Depuis quand es-tu ici ?

_ En quoi ça t'intéresse ? répondis-je sèchement.

_ Maya, arrête, je suis peut-être la seule personne qui croit en ton innocence.

Elle avait osé. Quel culot !

Je pris une grande inspiration, enfin prête à exprimer ce que je ressentais profondément : "Écoute-moi bien, espèce de folle. Tu es responsable du suicide de mon frère, et tu vas payer pour ça."

Elle se mit à pleurer davantage, puis entre deux sanglots, elle parvint à articuler : "Après la mort de Shane, j'ai tenté de mettre fin à mes jours. Ils m'ont donc envoyé au sous-sol, et crois-moi, c'est le pire endroit où l'on puisse être lorsque l'on vient de perdre l'être aimé."

_ Tu dérailles complètement. Un rire nerveux s'empara de moi. Tu ne vas pas réussir à me faire croire que tu es innocente.

_ Je ne suis pas folle, s'écria-t-elle. Après la mort de mes parents, je n'ai pas su gérer la situation, j'ai tenté de mettre fin à mes jours. Ils ont alors jugé que je représentais un danger, pour moi-même et pour autrui, et m'ont enfermé ici. Shane était le seul à me comprendre, car lui aussi était passé par là. Mais il avait caché son instabilité. Chaque jour, il venait me voir et prétendait être destiné à accomplir de grandes choses, que nous étions les messagers du Seigneur. Je tentais de le raisonner, mais en vain... Malgré tout, je l'aimais et je ne voulais pas l'abandonner...

_ Assez ! Criais-je. Comment oses-tu parler ainsi de mon frère... Comment oses-tu parler ainsi d'un mort ? Et qui es-tu pour évoquer mes parents ?

_ Je te dis la vérité, Maya... Ne crois pas ce qu'il t'a dit, s'il te plaît... Je ne suis pas folle, et toi non plus. Il m'avait prévenu de ce qu'il comptait faire si un jour il ne pouvait plus me voir, et ta présence ici prouve que je ne mens pas. S'il te plaît, crois-moi.

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