Chapitre 11

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Sale image



C'est le refrain de Highway to Hell, d'AC/DC, qui me réveille brutalement à six heures quinze. Grognant de mécontentement, je tourne la tête pour arrêter la sonnerie de mon portable. Il m'informe que nous sommes le lundi neuf février.

Les événements de samedi – le rituel qui s'est mal terminé, la visite au cimetière avec ces enfoirés d'Anthony Greenlight et de Maximilian Daniels, les engueulades avec Mark puis, pour finir en beauté, ma peinture du parquet avec tripes et boyaux inclus – me reviennent en mémoire. Mes côtes et mon visage ne se sont pas encore remis de ma confrontation avec les deux abrutis.

Cette nuit, j'ai rêvé du moment où j'ai supplié Mark, prosterné devant lui, front collé au sol, de me garder avec lui. J'en frémis encore. C'est à partir de là qu'a commencé ma nouvelle vie. Lorsqu'il a officiellement accepté de me prendre sous son aile.


J'ai vite fait de prendre ma douche. Le miroir me renvoie une sale tête, mais je préfère me dire qu'il est sale, usé, et qu'il s'est levé du pied gauche, plutôt que c'est vraiment moi que je voie. Des mèches noires me tombent sur le front ; mes cheveux sont trop longs. Mes pommettes sont encore éraflées et j'ai de vilains cernes.

J'enfile un t-shirt noir tout simple, un jeans gris et je descends à la cuisine chiper deux barres de céréales et une brique de jus de fruit.

– Pas trop mal dormi ? lance Mark depuis son bureau.

Je fais machine arrière, tête courbée au maximum, jusqu'à arriver devant la pièce. Je suis passé devant sans remarquer qu'il était assis à son bureau, déjà prêt et habillé. Des copies d'élèves sont entre ses mains.

– Tu finis de les corriger ? Et, euh, ça peut aller pour le sommeil. Et toi ?

– Oui, il m'en restait deux. Je vais pouvoir les rendre aujourd'hui. (Il les range dans sa sacoche et se lève.) Moui, j'ai beaucoup réfléchi, si bien qu'à cinq heures, j'étais debout.

– Oh... à propos de quoi ?

– De plein de choses... répond-t-il vaguement avant de grimacer en consultant sa montre. Je vais être en retard.

Il n'est que six-heures quarante, mais, comme Mark enseigne le droit à l'université de Denver, il doit se rendre à la gare de Lake Town avant de prendre un train qui l'amène à la capitale de l'État.

Quant à moi, j'ai droit au bon vieux bus scolaire qui sert aux enfants de primaire jusqu'aux lycéens. Autant vous dire que quand une gamine de onze ans vous regarde fixement pendant vingt minutes, votre journée commence plutôt mal.

– Je rentre pas très tard, ce soir, m'informe Mark en sortant de son bureau. Tu peux m'attendre pour dîner, si tu veux.

– OK, je ferai une omelette aux champignons, ça te va ? lui proposé-je en déchirant l'emballage de ma barre de céréales.

– Parfait. Travaille bien.

– Ouais, toi aussi.

Il m'adresse un léger sourire, qui me laisse un peu perplexe, puis va enfiler son manteau en faux cuir brun et des mocassins assortis. Je dois avouer qu'il a une certaine prestance.


Lorsque je monte dans le bus scolaire, il est déjà aux trois-quarts rempli. Il ne dessert que Daree et une autre commune avoisinante, mais, comme il est petit, les enfants rentrent tout juste dedans. D'un coup d'œil général, je comprends que les collégiens et lycéens occupent le fond. Tant pis pour moi... Je suis à l'arrêt le plus éloigné, si bien que j'écope toujours des pires places.

The Debt [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant