Épilogue

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Je suis seul dans la salle d'attente. Les tic-tacs de l'horloge sonnent comme des coups de marteau dans le silence de la pièce. Je ne crois pas qu'elle ait changé depuis l'époque où... où j'attendais ici, pour des raisons bien différentes. Mes souvenirs remontent à des années et mon cerveau a du mal à savoir si les murs étaient du même jaune-orangé et les chaises en plastique rouge et gris.

Une odeur de produit d'entretien au citron se mêle à celle des vieux magazines et de mon angoisse. Assis le dos raide face à la porte du directeur de l'établissement, les jambes et les bras ankylosés, j'attends.

J'ai peur. J'ai peur malgré les recommandations de Mark, d'Oliver, d'Elena. J'ai peur en dépit des mots doux et encourageants de Jessica. Même les messages enthousiastes de Lily Rose et Dante n'ont pas suffi à chasser les bribes de terreur qui flottent en moi comme des fantômes du passé.

Il faut dire que je saute à pieds joints dans les affres de ma jeunesse. Mais c'est ce que je veux. Après tant d'années à réfléchir, j'ai pris ma décision. Je sais que mon entourage me soutient. Jess s'est engagée à mes côtés, son entretien arrive la semaine prochaine. Lily Rose et Dante sont à cent-pour-cent avec moi et mes parents sont légèrement inquiets, tout en étant soulagés.

Soulagés que j'aie enfin trouvé ma voie, ma vision de mon avenir, mon choix d'appliquer en retour ce qu'on m'a inculqué. J'ai eu la chance d'être élevé selon des valeurs, par un homme d'honneur qui m'a fait comprendre énormément de choses. Je le lui avais promis. Que je deviendrai quelqu'un dont il pourrait être fier. Que j'essaierai, par mes petits moyens, de rendre la monnaie de sa pièce. J'avais fait la promesse à Mark de dédier à mon tour ma vie à tenter d'aider les autres, comme il l'avait fait avec moi.


Mark est bien plus qu'un modèle pour moi. J'ai détruit son quotidien, pulvérisé sa vie, tué sa famille. Ma bêtise et mon égoïsme l'ont attiré au bord du gouffre et il n'y a pas que sa hargne, ses crocs plantés dans la chair de la vie, son désir brûlant de ne pas céder au désespoir du vide qui l'ont empêché de se laisser partir.

En dépit du sens commun, en dépit du jugement de sa famille et de ses proches, en dépit de la logique, il m'a adopté. Moi, le sale môme qui avait assassiné la femme qu'il aimait, qui avait arraché la vie à ses jumelles de six ans. Avec l'aide de son ami avocat, il s'est engagé dans une procédure d'adoption. Et j'ai vécu avec lui pendant des années. Nous nous sommes détestés, admirés, haïs, engueulés. Aimés aussi. Il nous a fallu des années pour nous connaître, nous comprendre, nous apprivoiser. Au début, il me faisait peur, il était sombre et bourru. Violent, même. J'étais renfermé, obstiné et insolent.

Mais Mark m'a appris à aimer, il m'a fait découvrir la confiance et m'a donné envie de grandir. Quant à moi, je crois avoir été le ciment qui a refermé les plaies de son cœur à vif. Aujourd'hui, il affirme avoir eu deux vies. L'une auprès de son épouse et de ses filles. L'autre aux côtés d'Elena et de moi. Il a, en quelque sorte, après tant d'années, accepté le virage sanglant qu'a pris sa vie. De temps en temps, je sais qu'il souffre horriblement du manque de sa famille. Qu'il murmure le prénom de son épouse, d'Alison, au milieu de ses cauchemars, qu'il laisse son regard divaguer par la porte-fenêtre de la cuisine, comme s'il s'attendait à voir Holly s'amuser sur la balançoire ou Jade allongée dans l'herbe en train de dessiner.

Je ne remplacerai jamais ce qu'il a perdu. Je ne serai jamais aussi proche de lui qu'auraient pu l'être ses filles. Elena n'aura jamais une place aussi grande dans son cœur qu'Alison l'a eue. Ma tante et moi sommes conscients que Mark nous aime, mais pas aussi fort qu'il le pourrait. Comment lui en vouloir ? Comment pourrait-on aimer pleinement après avoir tant souffert de la perte d'êtres aussi chers que son âme-sœur et ses enfants ?

The Debt [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant