Chapitre 69

16 3 0
                                    

69

Choix et liberté



Cinq jours plus tard, je récupère dans la boîte aux lettres un petit carton envoyé par Oliver Dent. Une boule d'appréhension dans le ventre, je rentre m'installer sur le canapé du salon, une tasse de café dans une main, le colis dans l'autre. Sûrement le kit de test ADN. Est-ce que je devrais attendre Mark ? Peut-être sait-il comment ça fonctionne ?

Pourquoi il le saurait ? Et pourquoi tu peux pas le faire toi-même ? me réprimandé-je mentalement.

Ruminant contre moi-même, je récupère une paire de ciseaux dans ma trousse et déchire le scotch qui ferme le colis. Les mains légèrement tremblantes, j'en sors une feuille pliée en trois ainsi que des espèces de coton-tige assortis à des pochettes plastique hermétiques. Je déplie la notice explicative et lis avec attention les consignes. C'est moins compliqué que prévu. Un peu de salive sur l'espèce de coton-tige, le glisser dans une pochette plastique et renvoyer le colis à Oliver Dent pour qu'il se charge de faire faire les tests.


Une fois les cotons scellés dans les petites poches, je range le tout et vais poser le carton sur la table à manger. Je me demande ce que les résultats annonceront. Partagé-je la moitié de mon ADN avec Oliver Dent ? Ou notre ressemblance n'est-elle que le résultat d'une mauvaise coïncidence ?

J'ai tout de même du mal à le croire. N'importe qui nous verrait dans la rue nous associerait comme des parents. Ce ne sont pas juste les traits du visage, mais aussi notre silhouette, certaines de nos mimiques, la démarche... Avec un grognement, je me penche au-dessus de la table, les mains posées à plat sur le plateau. Après tant d'années de questionnement, d'incertitude, je fais la connaissance de mon père grâce à un quelconque hasard. Si Elena Dent ne s'était pas trompée de bus, si elle n'avait pas fini à Daree, où elle m'est rentrée dedans, nous serions-nous jamais connus ?

Sans compter sur cette Nora. Deux syllabes. Prononcées du bout des lèvres par Oliver Dent. Un point de plus pour une probable relation entre nous. Je lui rappelle l'une de ses anciennes petite-amie de la faculté. Peut-être encore une fichue coïncidence.


Pensif, je tire une chaise de la table à manger et m'y installe. Que dois-je faire ? Questionner un peu plus Oliver Dent sur son ancienne copine pour tenter de glaner quelques informations ? Si le test ADN se révèle concluant, devrais-je entreprendre des recherches sur ma mère ?

C'est peut-être la personne qui m'a le plus manqué durant mon enfance. Petit, les Mères de l'orphelinat s'occupaient de nous correctement, mais sans affection ni attention particulières. J'étais un orphelin à élever, pas un garçon à aimer. Plus tard, je n'avais noué aucun lien d'attachement avec les mères de famille qui m'avaient adopté. Karen Vohen, ma tutrice jusqu'à l'accident qui a coûté la vie à la famille de Mark, ne m'avait jamais montré le moindre signe d'affection. Il a fallu que Mark m'adopte pour que je découvre l'amour. Mais il s'agit d'un amour paternel. Je n'ai jamais connu la voix rassurante d'une mère, ses sourires complices, son regard bienveillant et ses mains douces sur les blessures de mon corps comme de mon cœur.

La gorge serrée, je songe à Sofia. En de rares moments, que je n'ai pas toujours très bien vécus, elle m'a témoigné une inquiétude toute maternelle. Son masque impassible d'urgentiste s'est fissuré pour me laisser entrevoir la mère de famille aimante et attentionnée qu'elle est. Néanmoins, même si j'éprouve un tas de sentiments bienveillants envers elle et une reconnaissance éternelle pour tout ce qu'elle a fait, à commencer par me sauver la vie, je n'arrive pas à réellement la voir comme ma mère. Plus d'une fois, elle a été dure, cassante et implacable avec moi. Et puis... c'est la mère de Lily Rose et de Maximilian, son cœur et son esprit sont déjà engagés ailleurs.

The Debt [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant