CHAPITRE 13 : Petit secret en famille

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Nous voila au jour J du départ de Rose pour l'Alaska

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Nous voila au jour J du départ de Rose pour l'Alaska. Serez vous prêt a découvrir les petit secrets de famille des Alister? Alors, repartons ensemble, une dernière fois, presque deux ans au part avant, ce fameux soir où le destin d'une jeune fille prit un tournant irréversible.

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Cela fera bientôt six mois qu'"Alister Communication Compagnie" me compte parmi ses 528 employés. Jamais je n'avais pensé pouvoir être aussi fatiguée, stressée, débordée, en un mot au bord du burn-out. Je me noie dans un océan de mal-être, sans vraiment en connaître la cause. Pourtant, les raisons ne manquent pas. J'ai l'impression d'avoir enterré ma mère en même temps que mon père. Celle qui me comprenait sans même avoir besoin de parler, celle qui aurait fait passer mes désirs avant ses attentes, celle dont ma solitude maladive était la source d'inquiétude. Cette femme-là est morte et six mois auront suffi à me faire douter. A t-elle même un jour existé ? Assise en boule sur le canapé que mon père avait fait venir de France, devant l'immense cheminée en marbre brun, je revis les souvenirs de mon enfance. Cette lueur rougeâtre qui combattait l'obscurité du grand salon. Les bûches qui crépitaient. Le feu qui me réchauffait toute entière et en même temps, brûlait de façon agréable mon visage. La voix rassurante de mon père qui résonnait de son bureau. Toute petite déjà, je pouvais rester de longues heures à l'écouter parler. Secrètement, j'illustrais ces paroles, imaginant ce qu'était sa vie en dehors de la maison. Ce qu'était ce travaille qui avait encore et toujours besoin de lui, ce travaille qui me le volait un peut plus chaque jours.

La porte d'entrée s'ouvre rapidement avant de claquer dans un fracas monstrueux. Cet éclat comme une bombe, m'arrache à mes souvenirs. Il est 23h06, et ma mère vient finalement de rentrer du travail. Comme à son habitude ces derniers mois, ce sont nos uniques moments de partage, puisqu'elle me traite uniquement comme une employée à ACC. Sur ses ordres, je suis tenus de l'appeler "Madame", y compris quand nous sommes seules toutes les deux, alors qu'elle ne daigne pas m'adresser un regard. Elle déchausse ses escarpins rouges de luxe et se sert un verre de bourbon comme mon père en avait l'habitude après une journée de travail éreintante. Son regard se pose sur moi par hasard ce qui suffit à éteindre la fragile et fugace lueur de plaisir sur son visage, comme si un souvenir désagréable lui revenait en pleine face.
-J'avais oublié que tu habitais encore ici. Marmonne-t-elle acerbe dans son verre.
-Bonsoir à vous aussi madame. Dure journée ?
-Cesse de faire l'idiote. Tu sais autant que moi à quel point mes journées sont longues et épuisantes. Je dois diriger l'entreprise que ton père m'a laissé et je dois le faire seule, puisque je suis seule maintenant et à jamais. Je dois apprendre en quelques mois ce que de nombreux hommes apprennent en tout une vie. Une seule erreur pourrait tout faire basculer. Je ne peux pas me permettre de perdre ACC, c'est absolument tout ce qui me reste.

Ma mère marque un temps d'arrêt, me scrute d'un œil ironique avant de lever les yeux au ciel en avalant une gorgé de bourbon. Son comportement traduit bien plus qu'un excès de fatigue, oui, il traduit en réalité à la fois une lassitude et une rancune injustifiées. Je prédis déjà sa prochaine critique dirigée contre moi.
-À quoi bon essayer de t'expliquer ce en quoi consistent mes responsabilités puisque tu n'en as aucune. Il te suffit d'avoir une mère qui arrange tes affaires et qui s'occupe de tout à ta place.
Voilà !

Ce verre n'est pas son premier, et apparemment pas le dernier, puisqu'elle ingurgite en une seule gorgée la totalité du liquide ambré. Elle remplit de nouveau son verre en le faisant claquer contre la bouteille. Se dirigeant vers sa chambre, sa paire d'escarpins à six mille dollars a la main, elle boit une gorgée, puis une autre, vidant un peu plus son verre en cristal.  

-Allez-vous un jour cesser d'être autant en colère contre le monde et contre moi ?
Elle se tourne vers moi visiblement éméchée, levant au-dessus de sa tête, d'un coté sa paire d'escarpins et de l'autre son verre de bourbon, s'apprêtant à abattre sa colère sur moi.
-J'ai tout à fait le droit d'être en colère, me voilà seule ! J'ai perdu la personne qui faisait battre mon cœur chaque jour que dieu fait. Tu ne comprendras jamais cette douleur, ce trou béant qu'il a laissé dans mon cœur. Je m'efforce de le faire vivre encore un peu au travers de l'unique chose qu'il m'a laissée.
Blessée, je comprends que c'est de son entreprise dont elle parle, et non de moi, qui suis sa fille.
-Nous traversons la même épreuve, quand allez-vous comprendre que je l'ai aussi perdu. J'ai perdu mon père. N'ai-je pas droit, moi aussi, au minimum de compassion de votre part ?

Je me lève en un bon du canapé. Animée tant par la détresse que par la colère, je la poursuis dans le couloir. Si elle refuse d'envisager ma détresse, je la forcerai à la voir. Elle me fait face l'air tant épuisée qu'ironique, les yeux embrumés de larmes, son expression est proche de la folie, comme si après tant d'années elle était enfin prête à lâcher prise.
-Pauvre enfant, ricane-t-elle acerbe. C'est pour « ton père » que je l'ai fait, mais peut-être aurions-nous dû nous abstenir de t'adopter.
Elle éclate en un rire nerveux. C'est le plus horrible son que j'ai entendu de toute ma vie. Je l'entends, et comment ne pas comprendre qu'elle dit vrai. Adopté?! Aucun doute n'est possible, si son rire putride me pétrifie autant, c'est parce que je comprends que pour la première fois, elle se libère d'un poids qu'elle traînait dernière elle toute au long de sa vie. Je refuse de la croire.

Une boule de colère se forme dans mon ventre, juste après qu'elle ait prononcé ces derniers mots. Cette dernière se transforme en une haine incontrôlable, prenant le pas sur ma raison. Alors que ma mère statique, semble réaliser la violence de ses paroles, je perds pied. Toutes mes certitudes, mon self-contrôle disparaissent, et toutes les émotions que j'ai refoulées tout au long de ma vie explosent en un fracas. En une fraction de secondes, j'arrache les cadres qui contenaient nos photos de famille. J'explose les vases et renverse les tables qui se trouvent sur mon chemin.
-Vous mentez !
Je hurle au travers du couloir qui me mène à ma chambre, essayant de recouvrir les paroles de ma mère. Je voudrais tout détruire, anéantir le théâtre de la farce dont j'étais le bouffon. Il me faut partir loin, loin de tout, loin des traîtres qui ont pris part à la comédie qu'était ma vie. Je m'enferme dans ma chambre, ne laissant aucune chance de se faire pardonner à celle que je ne pourrais plus jamais appeler ma mère. Cette dernière se rue sur la porte, frappant du dessous du poing m'ordonnant de lui ouvrir, mais il est trop tard. Dévastée et noyée par mes propres larmes, je sors une valise de mon placard et je déverse ma colère, arrachant les jeans et t-shirts de mon armoire. J'attrape mon passeport, mon porte-feuille et mon téléphone portable que je fourre brutalement dans mon sac à main. Je ne veux rien du reste. J'hésite un instant à mettre le feu a mes affaires, avant de finalement opter pour un départ tant immédiat que définitif.

Durant les quelques mètres qui me séparent encore de la porte d'entrée, le désir de vengeance me brûle les entrailles, comme un sentiment d'injustice. Ma rupture totale avec cette femme n'est pas une punition à juste mesure. Je voudrais lui faire autant de mal qu'elle m'en a fait ce soir, mais ce serait impossible. Sans un regard, sans un mot pour celle à qui je tairais le nom à jamais, je claque la porte pour toujours de cette maison qui fut un jour "chez moi", cette maison tant aimé et secrètement détesté.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant