Chapitre I : Routine Perturbée

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Château de Saint-Cloud, 17 octobre 1671

Le comte observait son amant dormir depuis l'encadrement de l'immense porte de leur chambre. S'il était fleur bleue, il dirait qu'il ressemblait à un ange, mais ce serait mentir. En effet, sa longue et abondante tignasse brune, dont une grande partie était échouée sur son visage,  partait dans tous les sens, le dissimulant. Ses bras étaient étalés sur les côtés du lit qui était dans un état lamentable. Un doux ronflement résonnait dans la pièce et Henri n'aurait pas été étonné si son compagnon bavait. Il jeta un bref coup d'œil aux domestiques qui attendaient à l'entrée de la chambre et soupira. Le blond entra dans la pièce plongée dans l'obscurité d'un pas décidé et ouvrit les rideaux. La lumière pénétra dans la pièce et réveilla le dormeur qui grogna de mécontentement.

— Debout monsieur le duc, vous avez assez dormi, déclara Henri avec un sourire satisfait qui étirait ses fines lèvres.

Somnolant, il s'assit pour aller chercher une couverture tassée au fond du lit et se rallongea aussitôt en s'immergeant totalement sous le tissu.

— Charles, il est bientôt dix heures trente. Les domestiques attendent pour faire leur travail.

Le comte put entendre un vague « Eh bien qu'ils attendent » étouffé par la couverture.

Henri soupira encore une fois et se posta devant le duc, attendant de voir s'il allait finir par se lever, mais son amant semblait décidé à se rendormir, alors il le découvrit entièrement.

— Je suis le frère du roi, pourquoi ne puis-je pas dormir comme je l'entends ? ricana doucement Charles en se levant.

Même le roi ne dort pas comme il l'entend, alors pourquoi ce serait le cas pour le duc d'Orléans ? répliqua le comte de Clermont sur le même ton.

Charles s'habilla correctement avec l'aide des domestiques qui redonnèrent également un coup d'éclat à ses boucles aplaties.

Les amants décidèrent de rester dans un salon pour se vouer à des occupations assez calmes. En effet, si Henri lisait sur une banquette, Charles répondait aux lettres de ses frères. Parfois, ils arrêtaient ce qu'ils faisaient pour discuter d'un quelconque sujet avant de reprendre leurs activités. Après avoir dîné, le couple se promenait dans les jardins qui se trouvaient derrière le château.

— Depuis combien de temps as-tu quitté la Cour de ton frère, déjà ?

— Cela doit faire un an que je n'y suis pas retourné, depuis ma grippe. Te souviens-tu ?

— Comment pourrais-je oublier ! s'exclama Henri. J'ai bien cru que j'allais te perdre.

— Je pourrais dire la même chose. C'était effrayant, se remémora le duc, se revoyant souffrant.

— Tes délires étaient affreux...

— À qui le dis-tu...

Les deux hommes se turent, le duc observait les jardiniers nettoyer les bassins.

— La Cour te manque-t-elle ? finit-il par demander.

— Te dire le contraire serait te mentir, mais la vie à Saint-Cloud ne me déplaît pas non plus, à vrai dire.

— Pourquoi as-tu arrêté d'y aller, alors ? s'enquit Charles en fronçant légèrement les sourcils.

— La Cour est ennuyeuse quand tu n'es pas là, sourit tendrement Henri.

Charles sourit également et posa sa tête sur l'épaule de son amant tout en continuant de marcher.

Ils poursuivirent leur promenade pendant une heure avant de rentrer.

Le Secret du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant