[*Vice d'Italie : homosexualité]
Quand leurs noms furent annoncés, de nombreux visages étonnés se retournèrent vers eux. Charles pouvait presque deviner ce qu'il se passait dans leurs têtes. Il n'y avait pas pensé, mais c'était pourtant évident que leur arrivée se ferait tant remarquer. La dernière fois qu'ils l'avaient vu, il était souffrant et le comte n'avait pas tardé à être parmi les absents lorsque le duc avait décidé de rester à Saint-Cloud. Les deux amants firent comme si de rien n'était et traversèrent la salle en direction du buffet, heureusement pour eux, les autres invités reprirent vite le cours de leurs occupations. Charles prit un verre de vin et observa la pièce dans laquelle il se trouvait.
Cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas mis les pieds et la détaillait des yeux comme s'il la découvrait. Cette belle salle du siècle dernier était magnifique. Le sol était composé de carrelage dont les losanges étaient une fois sur deux blancs ou marrons, qui donnait de la couleur à la salle dont les murs étaient blancs. Son regard s'attarda ensuite sur les nombreuses colonnes inspirées de l'Antiquité sur les côtés de la pièce, qui évoluaient en voûtes sculptées qui rejoignaient les colonnes d'en face. A droite, à l'opposé du buffet, se trouvaient de nombreuses fenêtres qui laissaient voir la cour Carrée. À l'entrée de la salle se tenaient les Caryatides. Surélevées, ces beautés d'apparence antique soutenaient la tribune des musiciens qui jouaient le Premier Air pour les Braves et les Coquettes, guidés par Lully lui-même dont les mouvements traduisaient les notes. Derrière eux se trouvait un demi-cercle de pierre noire représentant une femme dénudée sculptée à l'intérieur, à sa droite comme à sa gauche étaient sculptés deux anges sur le mur blanc.
— Détend-toi, lui souffla Henri à l'oreille avant de l'embrasser.
— Mais je le suis, rit le duc.
— Ah oui ? Alors ce n'était pas toi la personne que je voyais détailler chaque recoin de cette pièce sans avoir touché à son verre ? rétorqua le comte sur le même ton.
Le brun rit une fois de plus avant de se tourner vers le buffet et de prendre une pâte de fruits.
— Te voilà donc de retour mon frère, je suis heureux de te voir ici, fit une voix qu'il connaissait bien.
— Philippe ! Comment vas-tu ? lui répondit Charles en se retournant.
Le duc était heureux de revoir son petit frère. Philippe avait beau avoir fêté son trente-et-unième anniversaire au début du mois précédent, il avait le visage plus fin que ceux de ses frères, qui avaient un visage dur et les traits légèrement marqués. Leurs sourcils épais leur donnaient même un air sévère. Philippe, lui, avait la légèreté imprégnée en lui, légèreté qui avait disparu lorsque son amant, le chevalier de Lorraine, avait dû partir en exil en Italie. Charles était soulagé de voir que son frère ait retrouvé cet air qui lui était propre.
— Je vais bien. Je ne m'attendais pas à te voir ici ! s'exclama-t-il.
— À vrai dire, je ne m'y attendais pas non plus, pouffa le duc, mais que veux-tu, on ne peut rien refuser au roi ! continua-t-il sur le même ton. Et puis Henri est à son aise à la Cour, il voulut se tourner vers lui mais se rendit compte que celui-ci était parti converser avec une courtisane que le brun ne connaissait pas.
Une nouvelle personne fut annoncée, mais Charles n'y prêta aucune attention, il préférait demeurer avec ceux qu'il connaissait, plutôt que de jouer le jeu de la Cour. Le duc discuta avec son jeune frère jusqu'à ce que l'un de ses mignons n'entraîne ce dernier un peu plus loin. Charles se retourna donc vers le buffet qui était rempli de nourriture, le brun ne put s'empêcher de se demander si les tables ne risquaient de s'effondrer sous le poids de tout cela. Sur celles-ci, étaient présentés de nombreux mets : pâtisseries, confiseries, fruits exotiques, ou encore du vin, par exemple. Il y avait également des aliments venus d'Amérique. Entre autres, étaient présentés du chocolat ou encore du café contenus dans des pichets dont le verre était travaillé. Le duc ne put se retenir d'esquisser une grimace à la vue de cela, il ne voyait pas en quoi ces boissons si amères pouvaient être agréables à boire, et leurs origines exotiques ne lui donnaient pas plus envie d'essayer de les ingurgiter. Il prit donc deux macarons en se délectant de la prodigieuse musique de Lully jusqu'à ce qu'une courtisane vienne monopoliser son attention, certainement pour essayer d'obtenir les faveurs du roi par le biais de son frère, en parlant de choses futiles et sans intérêt aux yeux de Charles qui n'écoutait que d'une oreille. Madame parlait de ragots propres à la Cour, ses phrases étaient rythmées par des expressions telles que "on dit que", "il paraîtrait que", "madame une telle m'a dit que".
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Le Secret du Roi
Historical FictionDes jumeaux peuvent être une bénédiction pour certains parents, mais cela peut s'avérer bien plus compliqué lorsqu'ils sont royaux. On s'attendait à accueillir un héritier au trône de France, il y en a eu deux. Charles a un jumeau, le soleil est s...