[*Cul-de-four : voûte en forme de quart de sphère utilisé pendant l'Antiquité et la période romane pour couvrir les absides]
22 novembre 1660, hôtel particulier de Philippe de Valois, Marseille
C'était surréaliste, tout simplement surréaliste.
Il savait que ce jour arriverait, l'accord avait été scellé depuis de longs mois. Il pensait s'être suffisamment préparé, mais visiblement non. L'idée qu'il allait épouser cette femme lui faisait peur.
C'était tout bête, après tout, il était déjà marié. Cette cérémonie donnait simplement l'illusion qu'une fois devant l'autel, il aurait encore la liberté de dire "non".
Charles n'avait rien contre elle, il ne l'avait jamais rencontré.
Et c'était bien ça le problème.
Depuis le moment où Louis et sa mère lui avaient annoncé qu'il allait se marier, il avait tenté de s'informer au sujet de sa future épouse, mais il n'avait réussi qu'à récolter des ragots. Enfin, il espérait que c'en était... ce que l'on racontait sur l'Infante d'Espagne s'était avéré vrai lorsque Louis l'a épousé, quelques mois auparavant. Il n'y avait aucune raison pour que ce ne soit pas également le cas de la jeune Médicis.
— Tu m'écoutes ? le rappela à l'ordre Philippe.
Charles, qui avait la tête immobilisée par le barbier qui le rasait de près, tourna son regard vers son frère du mieux qu'il put.
— Pardonne-moi, tu disais ? lui répondit-il en haussant les sourcils, l'air innocent.
Le jeune duc de Valois laissa échapper un léger rire.
— Je disais que tu as du mérite d'abandonner ta « vie de débauche » et tes aventures « contre-nature » aussi facilement.
Cette fois, ce fut le frère cadet qui rit. Son puîné venait de reprendre les paroles de leur mère, exaspérée de voir ses trois fils mener une vie de débauche, dont deux d'entre eux s'adonnaient régulièrement à des activités condamnées par l'Eglise.
— Crois-moi, mon frère, ce n'est guère facile d'y résister. Mais je n'ai pas l'intention d'humilier mon épouse avant même qu'elle ne m'ait rencontré.
— Tout ça pour une femme que tu ne connais même pas ! Je ne vois pas pourquoi tu te prives d'amour pour une personne que tu n'a pas choisi d'épouser, et qui n'est là que pour les beaux yeux de Mazarin.
Le barbier passa un linge immaculé sur le visage de Charles qui se leva, rapidement rejoint par son armée de domestiques, prête à l'aider à se changer.
— Parce que je m'apprête à lui jurer fidélité, Philippe, déclara le prince plus sérieusement, et qu'elle soit là pour les beaux yeux du cardinal ou non, elle n'a pas à subir les moqueries de la Cour par ma faute.
Le futur marié se détourna légèrement de son frère pour rejoindre ses valets qui l'aidèrent à enfiler une rhingrave d'un bleu foncé brodée d'or. Ce bleu était sa couleur fétiche, qu'il tenait à porter en ce jour. De nombreux rubans rouges étaient cousus au niveau de la ceinture.
Tandis qu'un domestique lui enlevait sa chemise de nuit, son jeune frère répliqua :
— Est-ce que tu connais une seule personne qui respecte ses vœux de mariage ? Tu as vingt-deux ans, mon frère, vivre sans amour n'est pas une vie ! s'exclama-t-il.
— Qui te dit que je n'aimerai pas cette Marguerite ? rit le concerné.
— Ce que l'on dit d'elle ne m'encourage pas à penser de cette manière, répondit le duc de Valois sur le même ton.
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Le Secret du Roi
Historical FictionDes jumeaux peuvent être une bénédiction pour certains parents, mais cela peut s'avérer bien plus compliqué lorsqu'ils sont royaux. On s'attendait à accueillir un héritier au trône de France, il y en a eu deux. Charles a un jumeau, le soleil est s...