Chapitre VII : Ne Jamais Détester Ses Protecteurs

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[Une perche* : unité de longueur de l'Ancien Régime. Ici, une perche ordinaire, soit environs  six mètres d'après Wiki]


Charles arpentait les couloirs du Louvre à la recherche d'Henri. Le duc s'était embourbé dans une partie de cartes avec un ami de longue date. La partie s'était éternisée et c'était seulement quand celle-ci s'était achevée qu'il avait remarqué l'absence de son amant. Voilà comment il s'était retrouvé à traverser le palais à l'affût de toute trace de vie.

Le brun soupira. En plus de cela, il n'y avait plus un instant où il pouvait être seul avec ses pensées. La veille, à la suite des aveux de Galdric, Louis avait décidé que la sécurité des membres de la famille Royale serait renforcée. En plus de la sécurité à Saint-Cloud qui avait déjà été doublée, il se retrouvait maintenant avec deux gardes qui l'escortaient partout où il allait, à l'exception de sa chambre à coucher. Bien qu'ils lui laissaient une longueur d'avance pour qu'il puisse garder un semblant de liberté, il n'arrivait pas à s'habituer à leur présence.

Soudain, Philippe et ses gardes lui coupèrent la route. Son frère avait le visage fermé, les sourcils légèrement froncés. Charles en déduisit que Louis l'avait vexé, au pire énervé, puisque son frère benjamin semblait descendre du pavillon du roi.

—  Philippe ! l'interpella le duc.

Le prince se retourna et fut étonné de voir que c'était Charles qui l'avait appelé. Sans doute s'était-il préparé à devoir répondre à Louis.

— Oui ?

— Que s'est-il passé pour que tu sois dans un tel état ? s'enquit son aîné.

Philippe soupira en fermant les yeux avant de s'approcher de son frère. C'était maintenant indéniable pour le brun : une altercation entre Louis et son jeune frère avait eut lieu. Si les jumeaux avaient réussi à préserver leur complicité naturelle, il n'en avait pas été de même entre Louis et Philippe. Malheureusement, le prince du sang vivait dans l'ombre de ses aînés et sa mère ainsi que le cardinal Mazarin n'avaient rien fait pour arranger ça. Si Charles soupçonnait les deux personnes qui avaient éduqué la fratrie de ne pas l'avoir mis à l'écart ni de l'avoir rabaissé pour peut-être remplacer Louis en cas de tragédie, sa santé fragile et son insouciance d'enfant n'ayant pas joué en la faveur du jeune roi, il était clair qu'il n'en était pas de même pour le pauvre Philippe et cela brisait le cœur du duc d'Orléans. Leur mère l'habillait de robes jusque tard, le plus jeune des jumeaux se rappelait qu'elle l'appelait parfois "ma petite fille" et à ce moment-là il ne comprenait pas pourquoi elle appelait son petit frère ainsi. Mais en grandissant, il eut vite compris que ce n'était pas parce que la reine-mère aurait aimé avoir une fille mais parce que tout avait été mis en oeuvre pour faire du prince un homme faible, le détourner du pouvoir. Tout acte semblait être justifié que par une seule chose : la peur d'une deuxième Fronde. Charles avait mis un certain temps à comprendre que c'était pour les mêmes raisons pour lesquelles son précepteur le tournait plus vers les arts et les lettres tandis qu'il devenait sourd dès que le jeune garçon qu'il était évoquait son envie d'en savoir plus sur la politique et l'économie. Ces pensées amères n'arrangeaient pas l'humeur du duc. Bien malgré lui, Louis ne comprenait pas et ne comprendrait sans doute jamais quel feu animait Philippe.

—  Louis m'a fait monter pour m'apprendre que j'allais bientôt partir pour Metz, soupira ce dernier.

—  Pourquoi ça ? demanda le plus jeune des jumeaux, déconcerté.

—  Pour épouser la princesse Palatine, grinça le frère benjamin d'une voix pleine de reproches et aussi amère que les pensées de Charles quelques instants auparavant.

Le Secret du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant