Chapitre IX : La Lettre

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A Chantilly, ce trente d'octobre mil six cent soixante-et-onze

Sire, 

En ce frais matin d'automne, je me permets de vous écrire, car même si Votre Majesté m'a accordé le pardon royal il y a déjà douze années de cela, j'ai le sentiment que nos deux familles ne sont tout de même pas réconciliées. J'aimerais que la Maison de France et celle de Condé construisent des liens solides et durables. C'est pour cela que je souhaiterais donner une fête en votre honneur en mon modeste château de Chantilly. Si vous y consentez, je voudrais vous informer que j'envisage de donner à mon maître d'hôtel un certain délai pour préparer les festivités afin que celles-ci soient à la hauteur de Votre Majesté. Je ne fais pas cette lettre plus longue afin de prier Dieu pour qu'il vous ait, Sire, en sa sainte garde.

Votre plus fidèle et dévoué serviteur, Louis de Bourbon, Prince de Condé.


Charles lut plusieurs fois le contenu de la lettre afin d'être certain de ne rater aucun mot, la posa sur le lit et observa son jumeau. Louis faisait les cent pas, tête baissée.

—  Que comptes-tu faire ? l'interrogea Philippe

—  Je ne sais pas, marmonna l'aîné.

Le roi continua de marcher.

Dans la pièce, régnait le calme. Seuls les bruits des talons de Louis venaient le troubler.

Charles, lui, réfléchissait. Il était vrai qu'il n'avait pas entendu parler du prince de Condé depuis bien longtemps. Il voudrait qu'effectivement une réconciliation ait lieu, seulement l'ombre de la Fronde revenait sans cesse pour le faire douter.

Ce prince de Condé, qui avait défié le roi par plusieurs fois. Qui avait bafoué son honneur ainsi que celui de toute la famille royale, et par conséquent celui du royaume entier, espérait la rédemption. Fallait-il la lui donner pleinement ? Le méritait-il réellement ? Ces questions, seul le cœur de Louis pouvait y répondre. Seul un roi pouvait le faire.

Il sortit de ses pensées quand il se rendit compte que Louis avait cessé sa marche infernale. Il était devant la fenêtre, regardant ce qui se passait à l'extérieur du palais.

—  Tout cela était donc prévu depuis le début, murmura ce dernier.

—  Je te demande pardon ? demanda Charles, perplexe.

—  Cela ne fait que depuis le banquet que Clémence est arrivée à la Cour. Et voilà que son père me demande à ce que nous nous réconcilions, il tourna la tête vers ses frères, tout était prévu depuis le début.

—  C'est insensé, s'opposa Philippe.

—  Tu sais très bien qu'elle n'a jamais porté son père dans son cœur, pourquoi aurait-elle fait ça ? répliqua le duc d'Orléans.

—  Alors comment pouvez-vous expliquer cela ? s'exaspéra Louis

—  Je sais bien que tu as été traumatisé par la Fronde, dit le plus jeune des frères en avançant vers lui, nous l'avons tous les trois été. Mais réfléchis, mon frère, quel intérêt aurait eu Clémence à faire cela ?

L'aîné ne répondit pas, se contentant de s'asseoir sur le lit de son cadet et de prendre sa tête entre ses mains.

Ce fut ainsi un long moment, durant lequel Charles se contentait de fixer son royal jumeau. Il aurait aimé dire quelque chose, mais il ne savait quoi. Il voulait l'aider, seulement il ne savait comment. Son esprit commençait à peine à recouvrer pleinement ses facultés.

Le Secret du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant