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Des voix, sans cesse des voix. Des voix douces, des voix fortes, des voix d'homme ou de femme. Des voix hantent mon esprit nuit et jour.
Je n'arrive pas à m'en libérer, un brouhaha de murmures s'entremêle dans ma tête ; des plaintes, des joies, des pleurs, des surprises, des exclamations... Toutes choses qu'on n'ose jamais dire à voix haute.

« Colombe, est-ce que tu as au moins pris la peine de m'écouter ? » me tire Ben de mes pensées, agacé.

Elle est insupportable, je ne crois pas l'avoir un jour aimée. Qu'est-ce que je fous encore là merde, avec elle ?

Encore une voix mais plus distincte... Celle de Ben.

« Non inutile Ben, je pense que je vais m'en aller. »

Ah, a-t-elle enfin compris ?
Parle-t-il vraiment de moi ?

« Mais pourquoi ? Pourquoi tu ne m'écoutes plus ? insiste-t-il.

-Je... »

Ce sont bien ses pensées que j'entends dans ma tête ? Ce brouhaha s'est dissipé pour laisser place à ces murmures, je ne peux pas me tromper... C'est bien la voix de Ben.

« Je n'ai plus de sentiment Ben. N'insiste pas. »

Ce n'est pas trop tôt ! Va-t-en maintenant.
Je me lève, les poings serrés et quitte l'appartement dans un regard glacial. Je suis remuée, serait-ce ce sérum qui aurait fait effet ? De cette manière... en me procurant une sorte de don... celui de lire dans les pensées ?
Je ne vois pas d'autres issues et j'admets que ça me fout la trouille.

[...]

Je plonge mes deux mains dans la bassine remplie d'eau et m'asperge le visage, souhaitant peut-être que ces voix bourdonnantes s'en aillent. Je n'aurais jamais pensé que Ben pouvait avoir des pensées si noires à mon propos, moi qui le croyais sincère... J'ai le sentiment que ce "don" va très vite se transformer en un lourd fardeau.

Il faut que je me vide la tête absolument, et la meilleure façon c'est de danser. Je démêle mes cheveux épais, maquille mes yeux d'un trait d'eyeliner noir et mes lèvres d'un rouge sang. J'enfile une robe prune décolletée dans le dos, dessinant l'épée de Damoclès tatouée le long de ma colonne vertébrale.
Je saisis mon sac à main, embrasse ma mère et quitte ce pauvre appartement.
Mes talons résonnent dans la Grand Rue humide du Constellatio. Ce quartier, un des nombreux de Cassiopée, est un vrai débris ; les poubelles sont renversées, les ancêtres des magasins forment un amoncèlement de ruines et le vent traîne toujours avec lui une odeur de vieux placard.

Je préfère marcher la tête basse et ne croiser le regard de personne, j'accélère le pas jusqu'au HellPub et y entre précipitamment.
Je m'assois au bar, retire ma capuche et jette mon gilet sur le tabouret d'à côté.

« Un mojito s'il te plaît. lançai-je.

-Sans problème la belle. Ça fait longtemps qu'on t'a pas vu ici, qu'est-ce que tu deviens ? »

Elle est vraiment jolie dans sa petite robe prune, si ma femme lui ressemblait, je ne la quitterai pas d'une semelle.
Je fixe Tom dans les yeux, il n'a pas parlé... mais son esprit si.

« Pas grand chose, je bosse à droite à gauche, et toi ? lui répondis-je, accueillant le verre bien frais dans le creux de ma main.

-Comme tu le vois ah ah ! Je n'ai pas à me plaindre, ma vie est peinarde. »

Si tu savais la vie que je mène, tu n'aurais pas ce sourire chérie.
Je baisse les yeux sur mon mojito et déglutis péniblement, mon Dieu, qu'est-ce qu'il m'arrive.

« Colombe, écoute moi... Des gars sont venus au bar hier soir, ils étaient quatre et ils ont voulu me payer avec ça. »

Il dépose une pièce sur le comptoir et la fait glisser juste à côté de mon verre. Je la saisis et la fais tourner entre mes doigts, une tête de lièvre y est gravée dessus, ainsi qu'un numéro... Le 74. Je reconnais cette pièce, elle appartenait à mon père.

« Où ont-ils trouvé ça ? demandai-je aussitôt.

-Je n'en ai pas la moindre idée... Mais ces gars là étaient sapés comme des militaires.

-Merci Tom, je peux la garder ?

-Bien sûr. »

Je glisse la pièce dans ma poche et bois une gorgée de mon mojito. C'est une piste intéressante, je l'étudierai au plus vite.

« Il y a trop de menthe, n'est-ce pas ? »

Je sursaute et tourne la tête vers cette voix suave et grave, un homme est assis près de moi, un verre de shoot vide dans la main droite.

« Il y a plus de menthe que d'alcool. souris-je, les yeux braqués droit devant moi.

-Que diriez-vous alors, d'une petite danse ?

-Je ne sais pas si ça pardonnerait cet infect mojito.

-Qui ne tente rien n'a rien. »

Il me tend sa main que je saisis après quelques hésitations puis nous entraîne au centre de la piste. C'est une chanson des années 80 à trois temps, idéale pour une valse.

« Vous savez danser ? m'interroge-t-il.

-Je n'en ai pas l'air ? »

Je souris, saisis sa main droite et passe l'autre dans son dos. J'avance un pied, l'obligeant à reculer puis débute la danse, je suis maîtresse de la partie et j'en suis plutôt fière.

« Je n'ai plus aucun doute. » murmure-t-il.

C'est étrange, je n'entends pas ses pensées. Il y a comme un vide dans un coin de mon cerveau, une porte close par laquelle je ne pourrais passer que par effraction. C'est un homme très mystérieux.

« Vous êtes une femme raffinée pour ce genre d'endroit, vous vous sentez à l'aise ici ?

-Je vous retourne la question... euh...

-Luis. sourit-il.

-Colombe, enchantée.

-De même.

-Et bien Luis, qu'est-ce qui vous intrigue chez moi ?

-À peu près... tout. »

Ses yeux gris clairs percent mon regard, il a un visage anguleux, musclé mais harmonieux tout de même, des lèvres charnues et une barbe de quelques jours taillée à la perfection.
Ses cheveux foncés sont relevés, ses mains bien encrées dans mon dos; il a une poigne forte mais délicate. Sa chemise blanche tire sur ses muscles saillants, et il en est fier.
Cet homme est un militaire sans le moindre doute.

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Hello !
Je me suis éclatée à écrire ce chapitre je vous l'avoue, et j'aimerais savoir si vous avez apprécié de le lire. Laissez un p'tit commentaire et un minuscule like et vous ferez de moi la plus heureuse 😉

Merci d'avance et à très bientôt pour le prochain chapitre !

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