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Je compose immédiatement le numéro de Luis, il sait quelque chose c'est évident.

« Allo ? entendis-je à l'autre bout du fil.

-Salut Luis, c'est Colombe... Je te dérange ?

-Non pas du tout, je suis content que tu reprennes contact. Je ne pensais pas que ça serait si rapidement...

-C'est pour une chose bien précise Luis, je sais que tu peux m'aider à déceler la vérité sur la mort de mon père.

-Tu m'as l'air bien têtue dis donc ! rigole-t-il.

-Si tu es venu me parler l'autre soir, ce n'est pas par hasard... Tu sais des choses sur mon père.

-Rejoins moi au square Electiom dans dix minutes.

-Merci Luis. »

J'enfile une veste, et file directement au rendez-vous. Ce square est abandonné depuis des années, le toboggan est rouillé et les balançoires ne tiennent plus qu'à un fil. Les enfants ne venant plus jouer ici, il est devenu la place des dealeurs.

« Écœurant ce quartier, n'est-ce pas ? »

Je sursaute et fais un demi-tour, Luis est assis à côté de moi, le sourire toujours aussi éblouissant.

« Quand on a pas le choix... bougonnai-je.

-Bon, dis moi... Qu'est-ce que tu as trouvé sur ton père ?

-Ou plutôt sur toi... »

Je lui mets la photo entre les mains, il l'observe un instant puis plante son regard dans le mien.

« Ton père détenait cette photo ?

-Je l'ai retrouvée dans un vieux livre d'enseignement militaire.

-Elle date de cinq ans à peu près, je faisais mon entrée dans l'armée. C'est ton père qui nous formait. »

J'ouvre de grands yeux.

« Mon père était militaire ?

-Oui, il l'a été durant de longues années... Et un beau jour, il a démissionné, on ne connaît pas la raison.

-Il avait des ennemis ? Des gens qui lui en voulaient ?

-Comme tout le monde je dirais... Pas plus que nous autres.

-Il n'y avait pas de rumeurs sur lui ou sur ce qui allait se passer ?

-Non, pas à ma connaissance. Tu sais, je ne connaissais pas personnellement Jason Clark, seulement par sa célébrité auprès des jeunes militaires qu'il formait à merveille.

-Que signifie cet aigle Luis ? » poursuivis-je en lui présentant la première de couverture de ce mystérieux livre.

Il se tourne dos à moi, baisse la tête et dégage sa nuque. Un aigle avec les ailes ouvertes y est tatoué.
Je fronce les sourcils, encore plus curieuse de connaître la signification de ce symbole.

« Dès notre entrée dans l'armée, nous sommes forcés à faire ce tatouage. Il est tiré du célèbre symbole allemand, durant la période nazie, puis a été légèrement modifié et a été appliqué aux militaires.

-Mon père avait aussi ce tatouage ?

-Logiquement oui... Tu ne l'as jamais vu ?

-Non... Il laissait pousser ses cheveux, sûrement pour nous le cacher. »

Luis hausse les épaules et pose ses coudes sur ses genoux ; d'un coup de pied, il fait valser un petit caillou.

Ils sont là, le chemin le plus court et le plus stratégique est ici, dans l'ombre.

Cette voix vient de bourdonner fort dans ma tête, un timbre grave et rauque. Si je suis mon intuition, la personne se trouve juste sur notre gauche et elle est armée.

« Viens Luis, on devrait y aller... J'ai envie de marcher. dis-je la plus détendue possible en saisissant la main du garçon.

-Euh d'accord... Si tu veux. »

Ne partez pas nom d'un chien ! Il va me falloir attaquer très vite.

Je serre la mâchoire et accélère le pas. Luis me lance un regard interrogateur auquel je ne prête pas attention.

« Par ici. »

Je tire Luis dans un petit chemin, l'homme n'est pas loin du tout... Il tient fermement son arme dans la main droite et se demande quel sera le bon moment pour tirer.

Maintenant.

« Baisse toi ! » criai-je, tirant Luis au sol juste avant que la balle siffle l'air au dessus de nous.

Luis semble éberlué, il a saisi fort mes bras et a un souffle saccadé.
Il me chuchote :

« Comment...

-J'ai entendu des pas, mais c'est sans importance... On doit s'enfuir et vite fait. »

Luis passe un bras dans mon dos et nous relève. Tout en restant courbés, nous parcourons le reste du square et prenons la route de mon appartement.

Je le fais grimper au sixième étage et l'entraîne dans ma chambre, je n'en ai pas fini avec lui.
Il s'assoit sur mon lit tandis que je m'appuie à mon bureau, qui n'est en fait qu'une simple table en bois abîmée où traînent quelques stylos et un tas de feuilles pas triées.

« Il va falloir que tu m'expliques comment tu as fait ça Colombe, comment as-tu pu prévoir qu'une balle allait être tirée dans la nuit presque totalement noire ? lâche Luis, le regard sévère mais avec une pointe de curiosité qui lui fait perdre tout son sérieux.

-Par intuition peut-être... »

Il se lève et attrape mes épaules, son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien.

« Je ne suis pas dupe mademoiselle Clark, dis moi la vérité. Tu sais que tu peux me faire confiance.

-Vraiment ? On ne se connaît que depuis deux jours, bientôt trois, et je devrais avoir confiance en toi alors qu'un homme a failli nous tuer ?

-Attends, tu es en train d'insinuer que j'ai un rapport avec ça ?

-Et pourquoi pas ? Après tout, je ne connais rien de toi et de tes buts. Je ne sais toujours pas pourquoi tu es venu vers moi, et pourquoi tu t'intéresses à mon père.

-Qui te dis que je m'intéresse à ton père ? Je suis venu vers toi seulement parce que je te trouvais jolie. »

Je pouffe d'un rire nerveux, et lui rétorque, l'air arrogant :

« Mensonges. »

Il pousse un soupir d'agacement et s'éloigne d'un pas.

« Alors je ne vois pas pourquoi tu es venue me demander mon aide si je suis si suspect pour toi. » conclut-il finalement en quittant ma chambre.

Je me laisse tomber sur mon lit et ferme les yeux un instant. Que voulait cet homme ? Qui visait-il, Luis ou moi ?
Une enquête sur la mort de mon père est en train de se dénouer, je n'ai jamais tenu une aussi bonne piste.

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