Spirit

20

Une grande salle s'étend sous nos yeux, entièrement faite d'une sorte d'aluminium du futur. Ce gris métallique me glace jusqu'aux os.
Mon regard se pose ensuite sur une rangée de cellules en forme d'œuf le long du mur, une brume constante empêche de distinguer les traits de la personne à l'intérieur.
Ricky avance prudemment, son flingue encré dans la paume de sa main tandis que Luis me retient d'une poigne sur mon bras.

« Qu'est-ce qu'on va devenir Colombe ? me susurre-t-il.

-De grands héros, non ?

-Je ne sais pas... J'ai fait tant de mal...

-Ne dis pas n'importe quoi, tu es l'homme le plus héroïque que je connaisse. le rassurai-je, une main sur sa joue.

-Excusez moi les gars mais nous devons sortir ces pauvres diables d'ici, et s'assurer que Davina n'en fait pas partie. » nous interrompt Ricky.

J'ai comme une sensation de vide lorsque Ricky évoque Davina, comme un vent qui aurait emporté son prénom.

« Davina n'est pas ici Ricky. » lâchai-je, sûre de moi.

Il pouffe de rire et rétorque :

« Comment tu pourrais savoir ça ?

-Je le sens, c'est tout. »

Ricky hausse les épaules alors qu'il s'approche d'une cellule et qu'il dégage avec sa main la buée recouvrant le hublot.

« Comment ça, tu le sens ? me chuchote Luis, le regard insistant.

-Je n'en sais rien... J'ai la sensation que Davina n'est pas ici.

-Et moi j'ai la sensation que tu me caches quelque chose.

-Pourquoi tu dis ça ? » lui demandai-je, essayant de dissiper le malaise en moi.

Le talkie-walkie de Ricky grésille soudainement, il le saisit avec hâte et accepte l'appel. Une voix rauque s'y fait entendre.

« Si vous voulez la revoir vivante, rendez-vous dans moins de trois minutes à la salle du mentor. »

Et le grésillement s'arrête net. Je lève les yeux vers mes amis qui n'affichent pas le moindre rictus.

« Allez chercher Davina, je vais rester pour essayer d'ouvrir ces cellules. dit finalement Ricky.

-Tu es sûr... ?

-Oui, Luis connaît ce bunker et toi Colombe, tu sauras magner la situation. Filez avant qu'il soit trop tard. »

J'enlace Ricky et dépose un gros bisou sur sa joue, Luis lui offre une tape amicale puis nous nous mettons en route au pas de course.

« La salle du mentor, c'est quoi ? lui demandai-je.

-Il y a une ambiance bizarre dans cette pièce, comme si l'air devenait lourd et pesait très fort sur les épaules.

-Quel rapport avec mentor ?

-Je n'en sais rien moi, tu m'en poses des questions ! »

Je le stoppe d'une main sur le ventre juste avant que nous arrivions à une intersection.

« Il y a quelqu'un qui arrive. » murmurai-je.

Luis tend sa main et choppe l'homme; d'une poigne puissante, il le plaque au mur et l'endort d'une frappe efficace.

« Il va vraiment falloir que tu arrêtes de me mentir Colombe, je ne suis pas dupe. »

Je ne réponds rien, poursuis mon chemin avec Luis sur mes talons. Nous traversons encore deux couloirs et il me stoppe d'une main sur l'épaule.

« C'est ici. »

Je n'hésite pas une seconde et pousse la porte, aussitôt une vague chaude et suffocante me prend à la gorge. Ma vision se brouille pendant un instant alors que deux mains puissantes me gardent debout. Je reprends mon souffle mais reste appuyée sur Luis. Je lève enfin les yeux, une brume blanche voile constamment ma vue, des milliers de murmures s'immiscent dans mon esprit, je ne sais plus où donner de la tête. C'est comme si tous mes sens étaient atteints.

« Reprend toi C, ça va aller... Calme toi. » me susurre Luis, tel un lointain écho.

Colombe ! C'est bien toi ? Viens me tirer de là, j'ai tellement de choses à te dire... Oh mais c'est Luis... Il est de nouveau dans notre camp... ? Quelle bonne nouvelle.

La voix de Davina se détache des autres murmures, je m'accroche à celle-ci et essaie de distinguer sa provenance. Elle semble si loin.

« Colombe, regarde moi, allez ressaisis-toi. » m'implore Luis.

Mes doigts serrent son t-shirt, je suis parcourue de frissons incontrôlables mais ma vision revient petit à petit.

« Tu m'entends ? me demande-t-il.

-Oui, oui... Ça va mieux. articulai-je enfin.

-Ouf... Viens, il faut qu'on essaie d'avancer. »

Il passe mon bras sur ses épaules et tente quelques pas mais c'est comme si nos corps s'étaient transformés en de grosses pierres qu'on ne peut plus déplacer.

« C'est quoi cette sorcellerie ?! gémis-je.

-La technologie je crois. rit Luis.

-Colombe ?! Tu es là ? entendis-je au loin.

-Davina, c'est toi ? Où es-tu ? »

Une silhouette se dessine dans la brume, une carrure imposante... Pas celle de Davina.

« Tu la vois Luis ? susurrai-je.

-Quoi donc ?

-La silhouette là... Droit devant.

-Ce sont les effets hallucinogènes C, il n'y a personne.

-Où est-ce qu'on va ? demandai-je finalement, désespérée.

-Au bout de la salle, allez, on y est presque. »

Lorsque nous sommes assez proches, je tends ma main vers la silhouette. Mes doigts cognent quelque chose, je m'arrête instantanément.

« Qu'est-ce que tu fais chérie ? Ne nous arrêtons pas ! »

Je me défais de l'étreinte de Luis et m'accroche à la silhouette qui se désintègre sous mon poids. Je tombe à genoux mais une grande bouffée d'air entre dans mes poumons avec fracas et lorsque je relève les yeux, tout est clair. Luis se tient à deux mètres de moi, droit comme un i.

« Ce n'était pas toi n'est-ce pas ? Tu ne m'as jamais appelée C, ni chérie... C'était seulement un test, hein ? demandai-je, la tête encore embrumée.

-Tu as raison Colombe, il s'agissait d'un test et tu l'as d'ailleurs réussi à merveille. Je te félicite. » répond un homme, surgissant du dos de Luis et s'avançant vers moi.

Ses cheveux grisonnants font ressortir ses yeux verts et la fossette sur sa joue se creuse lorsqu'il montre ses dents blanches. Ce visage m'est si familier... Cette fossette juste en dessous de sa cicatrice... Aucun doute, il s'agit de mon père.

Je me redresse, prise d'un sursaut foudroyant. Je porte ma main à ma bouche et lâche un petit cri de surprise. C'est l'effet hallucinogène C, c'est l'effet hallucinogène...