Anaïs

Chapitre 6

Lily,
J'ai pris quelques jours pour te répondre.
Ta lettre m'a bouleversée.

J'ai eu besoin de temps pour trouver les mots, pour comprendre même ce que je devais faire.
Il faut que tu saches, que la raison pour laquelle j'ai été méchante avec toi cette année-là est simplement que je t'ai trouvée parfaite. On se ressemblait, te souviens-tu?

Nous avions toute les deux un petit carré brun et les yeux clairs.
Le jour de la rentrée, quand je t'ai vue, j'ai trouvé la vie injuste.

Tu étais si bien habillée. Je me souviens, tu avais une jupe à carreaux écossais, un tee-shirts Bordeaux, des petites chaussettes blanches et des ballerines bleu nuit. Tu avais un cartable à roulettes. Et surtout, je me souviendrais toujours de ta trousse ! Plusieurs compartiments tous remplis. Tu avais toutes sortes de stylos: les brillants, les fluo, les stylos plumes... Tu avais aussi des stylos qui écrivaient gros et d'autres à pointes fines...

Je t'enviais.

Tu n'imagines même pas comme je t'enviais.
Tu étais parfaite.
Je voulais être toi.
Te voir me faisait réfléchir sur la réalité de ma vie.
Tu ne peux savoir comme j'étais triste. Bien-sûr cela ne pardonne pas. Mais je veux te décrire ma peine à cette époque pour que tu puisses avoir de l'empathie pour moi et par pitié me pardonner...
Tu sais, j'ai besoin que tu me pardonnes. C'est important pour moi.

Cette année-là, un homme m'a volé ma maman.
Pendant 12 ans nous étions seule elle et moi. Et puis elle est tombée folle amoureuse d'un homme.
Elle a sûrement cru qu'il allait combler le manque de repères. Le manque de père...
Au début j'étais heureuse et je me suis dit qu'il allait m'aimer. Mais... Il était indifférent. J'étais invisible. Il passait ses journées à regarder la télévision. Lorsque je rentrais de l'école, j'ouvrais la porte avec ma clef et je le voyais assis en train de regarder une série. Même pas il levait la tête pour me dire bonjour. Alors je venais m'asseoir près de lui et je lui posais des questions pour créer un lien : " cava ? Tu as passé une bonne journée ? C'est quoi ce que tu regardes ? " Sa réponse était: " oui, oui, allez va faire tes devoirs..."
L'indifférence.
Quelle douleur que celle-là...
Le souci c'est qu'ensuite il a fini par prendre conscience que j'existais. Mais pas pour les bonnes raisons: " va faire la vaisselle", " Anaïs tu es où ? Je ne t'avais pas dit de laver le frigo hier? Mais tu as fait quoi? Riiiiien comme d'habitude... Toi on te parle mais tu en fais qu'à ta tête , tu ne fais pas ce qu'on te demande hein? Bah vas-y répond ! Pourquoi tu n'as pas fait ce que je t'ai demandé ? J'attends.... Tu n'as rien à dire? Incroyable! Je n'ai jamais vu une fille comme toi!!! Allez, qu'est-ce que tu attends? Fais-le!"

Bref, la maison est devenue une prison.

L'école ? Aussi. La même souffrance.

Recevoir des notes, toujours les mêmes : en dessous de 5.
Et les devoirs chaque soirs tu sais ce que c'était les devoirs ? Des heures à essayer de comprendre l'énoncé ! Alors j'ai choisi la malice. Lorsqu'on me demandait l'exercice 5 page 32 je faisais l'exercice 3 et 2 de la page 5!
Et que je faisais pour ne pas avoir à dire: " je n'ai pas fait mes devoirs ". Repenser à cela me fait mal car je me dis que je n'étais même pas consciente que l'exercice 2 et 3 n'étaient pas du tout en adéquation avec les leçons vues. Mais je n'y comprenais tellement rien qu'entre Pythagore et parallèles je ne faisais pas trop la différence...
Tu vas me dire que tu ne vois pas la relation entre mes souffrances et toi?
Sache qu'à l'époque j'agissais sans réfléchir. Aujourd'hui je cherche une rationalité à tout cela. Je pense que j'avais besoin de me prouver que je n'étais pas si nulle. J'arrivais au moins à une chose. Je me démarquais. J'existais.
Je suis vraiment désolée Lily. Crois moi je m'en veux et je me déteste quand je m'imagine la peine que j'ai pu te faire.

Le jour de la rentrée quand je t'ai vue, j'ai trouvé la vie injuste. Je t'imaginais chez toi entourée de tes deux parents aimants. Aux petits soins pour toi. Je sais que tu avais une sœur tout juste plus âgée que toi. Vous étiez proches et complices. Je vous voyais rentrer ensemble après l'école, partageant votre goûter en route...
Et moi j'étais fille unique. Seule et hyper seule. Je t'en ai voulue alors j'ai laissé exploser ma haine. La haine de ce que tu représentais.
Le bonheur.
La famille.
La réussite.
Les bonnes notes.
La beauté.
Les vêtements.
Le sourire.
Et ton prénom Lily? Si beau, si frais, si original...

Je détestais le mien. Je détestais tout de ma vie. Je me détestais.
J'ai tout envié de toi.

Je suis désolée Lily.
Vraiment tu ne sais pas comme j'aimerai recommencer cette année-là.
Justement me donnes-tu la chance de recommencer?
Laisse-moi te dire comme tu es belle, et je te demander:" veux-tu être ma meilleure amie? On peut faire semblant d'être des sœurs jumelles."

Si seulement j'avais commencé comme ça ?!!
Tu aurais peut être accepté, et on aurait pu faire nos devoirs ensemble. Peut-être que j'aurai pu réussir à m'aimer plus tôt.
Car j'ai dû attendre longtemps avant de m'aimer.
Que te dire Lily, à part que je m'en veux. Je sais que ce que j'ai fait c'est mal. Je sais que j'ai dû te pourrir cette année-là. Mais s'il te plaît le temps est passé. J'ai vu que tu étais médecin, tu as réussi ta vie!

Forcément tu étais si talentueuse...

Tu aides des gens au quotidien donc sûrement tu ressens une fierté chaque jour...

J'en suis très heureuse pour toi!
Vraiment tu mérites de belles choses.
Je te souhaite vraiment tout le bonheur du monde.

Mais pour être apaisée je pense qu'il faille que tu me pardonnes pour ne plus avoir aucun point noir dans ton cœur Lily...

En espérant recevoir une prochaine lettre pleine de paix et de compassion.
Bonne journée,
Anaïs.

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* à toutes les personnes de ma famille qui pourrait lire ce chapitre,
CECI EST UN ROMAN,
pas une autobiographie!
N'allez pas assaçiner mon beau père 👊👊👊

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Mes chers lecteurs. Si vous recevez un jour une telle lettre, qu'elle sera votre réaction ????
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