Chapitre 18

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Sans lui, j'ai peur.
Je ne trouve pas le sommeil et chaque bruit me terrifie.

Je disais faux, je ne suis pas prête à affronter les épreuves de la vie sans lui c'est impossible.

L'obscurité affole les battements de mon cœur. Je me tourne encore et encore. Mon lit me parait dur. Il m'est inconfortable.
Mon corps me gratte et me pique. Et puis ces bruits constants...
La porte du voisin qui claque, le coup de coude dans le mur, ou encore la mobylette qui démarre brisant le silence violement me font perdre pied.
Le silence m'angoisse et les bruits me terrifient.
Je me raidi, je deviens dure comme de la pierre. Je suis la statue du parc avenue George V. Confrontée à la froideur du monde obscure, je reste silencieuse et terrifiée.

Après trois heures à m'imaginer l'imposteur devant ma porte d'entrée, je me décide d'en finir.

Je sors de mon lit pour me rendre sous la douche. Ce corps qui me gratte doit cesser.

Mais une fois que l'eau pénètre dans mes oreilles je panique: " et si l'homme avait profité de ce moment pour entrer?"
Je sens que je n'entends plus aucun bruit à part l'eau qui s'écoule: je me trouve dans une bulle. Le bruit de l'eau me parait démesuré et je me rends compte que je suis bien trop vulnérable derrière ce rideau de douche. Je suis la proie idéale au moment le plus auportun.

Je suis nue et fébrile...

Je me rince dans la précipitation et la peur. Lors de mes derniers instants sous l'eau j'entends des cris, des hurlements même. Je coupe l'eau violement. J'attrape ma serviette et je me précipite dans mon lit. Je retrouve finalement le même lit glacé et le même silence.

Je dois réussir à m'endormir.
Demain la journée est chargée...

Je m'allonge au milieu du matelas qui me rappelle Tom. Il s'est créé doucement une fosse au milieu du lit à force de nous endormir côte à côte. Ce soir pourtant, c'est un fossé qui me sépare de Tom. Et cela rend mon dos douloureux.

-"Léa, s'il te plait, concentre-toi! Écoute bien et dis-moi quel son tu entends en premier dans le mot magasin?"
-" po? "
-"mmmmmaaaaagasin Léa ! " Dis-je en accentuant sur la phonologie.
-"je ne sais pas maîtresse... " Répond-t-elle avec une voix tremblante.
-" OK, alors si tu ne sais pas définir le son, ce n'est pas grave... Tu finiras par y arriver avec un peu d'entrainement. D'accord ? Ok, donc c'était le son mmm, et mmmm avec aaaa ça donne mmmmaaaa Léa. Peux-tu me donner d'autres mots qui commencent par « ma »?
-"Mamie?"
-"Oui, très bien!!! Allez les enfants donnez-moi le plus de mots possible qui commence par mmmm+ aaaa?"

Les élèves sont heureux de pouvoir étaler leurs connaissances... Ils crient leurs mots et je note au tableau aussi rapidement que possible: magicien, matin, Macron, maman, Maroc, maligne, mare, mardi, marmonner.... "

À l'école j'oublie Tom.
J'oublie combien il me manque.
Mais une fois les enfants couchés je ne peux m'empêcher de me dire que c'est l'homme de ma vie. Et je m'en veux car je ne me sens pas à la hauteur. Je "peux mieux faire". Comme l'annotation qui accompagnait toujours ma moyenne générale de 8\20...
"Peut mieux faire" c'est juste l'histoire de ma vie...
Tout comme je regrette ma scolarité, je regrette ma manière de faire et ma manière d'être au quotidien.

Le regret d'avoir fait ou le regret de ne pas avoir fait une chose: Voici le fléau de la satisfaction de soi... Pour ma part, Dieu merci, je ne regrette pas des actions effectuées, mais plutôt le nombre de chose que je n'ai pas faite.

Pourquoi ne suis-je pas plus attentionnée envers lui qu'envers moi? Pourquoi, je n'éprouve pas de gratitude lorsqu'il choisit tel restaurant ? Au lieu de cela, moi je m'imagine secrètement ce que j'aurai pu manger de bon dans tel autre...
Pourquoi sur mon visage, un sourire n'y est pas constamment dessiné ?
Pourquoi je bâcle toujours mon travail au sein du foyer?

À quoi sert de faire une chose si ce n'est de la meilleure des façons? J'ai toujours été partisante du bâclage. Bâcler.... Pour en finir rapidement...

Et finir pour faire quoi? Pour aller guetter Instagram?
Et passer à côté de ma vie pour les réseaux sociaux ?
Ou par fainéantise? Ou procrastination?

Si seulement la vie des autres me poussait à faire de belles choses dans la mienne...
Mais non j'observe juste, par curiosité...

Voici peut être la liste de mes plus gros défauts: fainéantise, curiosité et peu endurante...

J'aime finalement cette occasion de me remettre en question. Mais j'aimerais l'avoir tous les jours. Malheureusement, je n'arrive pas à avoir cet état d'esprit lorsque Tom est près de moi...

Lorsqu'il est en voyage d'affaire, ma tristesse de le savoir loin de moi se mêle à une sorte de désamour de moi-même qui me pousse à évacuer toutes les larmes de mon cœur!

Quand il est à la maison, je suis confrontée à ses attentes, et parfois inconsciemment, parfois pour me taquiner, il me montre mes défauts.
Moi, je me persuade intérieurement que je suis quelqu'un de bien! Que Tom est trop exigeant, que je ne peux pas tout supporter... Que je me sens surmenée et enfin qu'il ne me mérite peut-être pas....

Mais quand il part, je ressens une grande reconnaissance pour cet homme qui m'a aimé. Lui, le seul être masculin que j'ai aimé !
L'homme qui partage mes jours depuis dix ans...

Dans la solitude, mon être se dévoile sous mes yeux. Seule face à moi-même, il n'y a plus aucun artifice. Rien ne sert de mentir.
Et je ne cherche pas à refouler cette image de moi parce que je ne l'aime pas. Au contraire, je ressens le besoin de changer, de me changer pour m'aimer. Enfin être fière de moi!

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 24, 2017 ⏰

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AnaïsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant