Chapitre 12

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Je crois que j'ai trop d'empathie.
Je n'ai pas réussi à être fâchée par ses mots.
Ils m'ont touchée, ils m'ont blessée. Mais je ne lui en veut pas .

Au fond de moi le comprends. Il a seulement évacué son stress.

Je crois que dans ce moment-là, la raison aussi s'envole...

Pour ma part, le silence est un apaisement. Tout comme le sommeil.

Parfois, qu'importe ce que je puisse faire, je sais que je ne résoudrai rien. Alors je m'enferme dans une bulle. Je deviens spectatrice, en silence. Je me laisse porter par le flot.

Je ne lutte pas.

Certaines fois, rien ne sert de lutter. Lutter c'est se faire souffrance.
Accepter c'est se libérer...

Dans les moments les plus douloureux de ma vie, je m'enferme dans le silence. Ma bouche est silencieuse et mes yeux aussi.

Naturellement mon regard n'est pas en phase avec mes sentiments.

Mon visage entier n'est pas en phase avec mon être interne. Je peux dire avec mes yeux Je t'aime. Pourtant mon visage semble vouloir dire Tu me fais du mal.

Mais lorsque je suis emprise à un grand bouleversement émotionnel, mes yeux ne traduisent plus rien.  Pas une lueur de sentiment ne traduit ma tristesse, ma peur, mon désarroi. Rien, mon regard est impénétrable et puissant.

Cela m'a souvent joué des tours...

Lorsque je m'offre ce silence, je me sens bien. Je me sens apaisée pourtant dans la tourmente. Mais, parfois la tempête est trop violente. Et dans ce cas je sombre dans le sommeil. L'arme la plus puissante que j'ai trouvée pour oublier!
Oublier un instant la nausée, la peur, l'inquiétude, ou la tristesse...

Mon plus long sommeil fut lorsque j'ai accompagné ma grand-mère vers la mort.

Cet appel, vers midi, je m'en souviendrai toujours. C'était l'ex-femme de mon père :
"Anaïs, ton papa a reçu un appel de l'hôpital. Il est descendu en urgence. Il a pris le premier train. Il m'a demandé de te prévenir. "

Harry avait dix-huit mois. Il était en plein sevrage de l'allaitement.
À cet époque, il se nourrissait que de lait maternel. J'avais pris peur.
Un jour où il est venu téter plus de 13 fois en une matinée. J'en ai eu assez. J'ai été me préparer un café.

J'ai trempé un coton dans le café fumant. J'ai été aux toilettes. J'ai recouverts mes tétons. Attendu que cela sèche. Et puis j'ai rangé le tout.

Quelques minutes plus tard, il accourt et me demande le" tété ".
Comme d'habitude, je lui ai donné.

Il se retire brusquement. Grimace.
-" Quoi?? Qu'est-ce qu'il y a?"

Mamaaaan.... Tété ... caca!"

-" Ah oui??? Tu sais, c'est ce qui arrive quand le tété voit que tu es devenu trop grand... Il devient caca. C'est génial mon cœur!!! Ça veut dire que tu es devenu grand!! "

Son visage s'illumine. Il est heureux. Et moi aussi!

L'allaitement est la chose la plus intense que j'ai vécue. Allaiter était un rêve. Mais toute bonne chose à une fin. Et la fin se montre quand on ne prend plus de plaisir... 

Une page se tourne et je profite de cette liberté retrouvée.

Sauf que deux jours plus tard, cet appel surgit. 

AnaïsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant