Chapitre 14

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Méditer sur la mort, me fait penser à la vie.

La vie, le mouvement, le temps.

Ce matin, je me réveille par la chaleur du soleil à peine levé. J'ouvre mes yeux, serre mon cousin. Et sens mon odeur qui en émane. Je m'étire, et sors du lit. Doucement. J'aime sentir le carrelage froid sous mes pieds nus. Je sors une bouteille d'eau fraîche, et me dirige vers la bibliothèque.

Ce matin, j'ai une grande envie d'écrire à Pauline. Nous échangeons depuis un an maintenant.
Pauline me pose plein de questions. Elle me permet de réfléchir à des choses que je n'avais pas forcément pensées. Pauline me met hors de mon champ de plaisance et me pousse à méditer.

La correspondance me permet de me connaitre. Je ne réponds pas juste pour répondre, mais je m'analyse, et je me découvre.

Grâce à elle, je me suis rendue compte que d'être maman était une chance, un privilège. Car Pauline a tout essayé pour donner la vie. Elle a essayé plusieurs hommes. Elle a essayé la procréation assistée et enfin l'adoption. Malheureusement aucune n'a été fructueuse.

Pauline déborde d'amour pour les enfants, qu'importe à qui ils appartiennent. Même si ce ne sont pas les siens elle les cajole, les embrasse, leur sourient...
Les enfants, sont son oxygène. Elle laisse son amour se rependre. Elle ne se prive pas, elle vit.

À 33 ans, elle a entreprit une réorientation professionnelle. Elle a quitté la saisie informatique pour devenir Atsem. L'assistante de ma maîtresse. Celle comme la maman qui fait beaucoup sans jamais avoir de reconnaissance.

Au fil de nos lettres, elle a compris que la vie avait fait d'elle une femme. Une femme comme les autres, mais une femme qui ne serait pas appelée « maman ». Au début, elle me disait être « qu'une femme ». Puis « juste une femme ». Et enfin elle se disait être heureuse d'être « une femme » !

Elle a décidé de ne plus se morfondre et d'accepter. Elle a compris que, les enfants, qu'ils soient les nôtres ou ceux des autres : étaient réceptifs à la bienveillance. Elle s'est donc autorisée à montrer aux enfants combien ils étaient précieux. Pauline a ainsi reçu tout l'amour qu'elle rêvait...

Nos échanges me font du bien, car jamais une lettre n'aborde pas le sujet de la maternité. Pauline me donne à réfléchir sur la possession, l'être indépendant de l'avoir.

Etre sans avoir...

Avoir sans être...

Avoir et être ...

Je cesse mes pensées, sort mon stylo à encre violette, et écris:

" Chère Pauline,
Je suis heureuse de t'écrire aujourd'hui car ces derniers temps je pense beaucoup à toi.
J'ai passé quinze jours difficiles. Ne me demande pas pourquoi, c'est assez compliqué d'en parler dans la mesure où je me suis promise d'oublier.
Oublier cette histoire qui survient dans ma vie par je n'en sais quel hasard.
J'ai voulu faire du bien, j'ai voulu apaiser ma conscience et me voilà embarquée dans je ne sais qu'elle tempête émotionnelle!!!
J'ai décidé d'oublier car j'ai compris que parfois nous sommes impuissants. Et dans ce cas nous avons deux choix: lutter et dépérir, ou accepter et jouir. 

Tout ça, ma belle Pauline, c'est toi qui me l'as appris!Je ne t'en serai à jamais reconnaissante! Ces quinze jours de douleurs, m'ont éloignés de mes enfants ... Je n'avais plus le goût pour jouer, pour rire, et pour faire des bons plats...

Harry a pensé que je faisais exprès d'être malade pour être tranquille. 

J'ai été très déçue par ses mots.

Mais j'ai été bien plus déçue de moi! L'espace d'un instant il a ressenti cela :

Penser que j'avais envie d'être soulagée d'eux...

Que je puisse un jour me lasser d'eux...

Cette pensée m'attriste. Alors j'ai décidée, de remédier à tout cela. Et aujourd'hui est le jour, où une nouvelle page.

Tu le sais, j'ai toujours été très reconnaissante envers Dieu pour avoir eu des enfants.

Tu le sais, j'ai toujours rêvé d'en avoir. Comme toi, vers l'âge de 16 ans ! J'avais ce besoin d'exister pour quelqu'un... Être indispensable pour un autre..

Alors que j'ai tout fait pour être indispensable ; mais, aujourd'hui cela me pèse parfois. Lorsque la fatigue est menaçante, et qu'il nous reste au moins quatre heures à tenir. Crois, moi il faut une sacré force pour rester aimante et douce!! 
Tu le sais mieux que moi, les enfants ont des besoins vitaux. Dont le besoin d'exister dans les yeux des adultes. Et je crois que c'est l'un des points majeurs de leur épanouissement.

Tu dois t'en rendre compte dans ton quotidien avec eux ?

L'enfant ne s'attache pas à sa mère, ni à son père ; mais plutôt à la figure maternante.

Celle qui soigne, qui change, qui joue, qui sourit.

Ces quinze derniers jours, je peux dire que je n'ai pas été très maternante. Passer de l'indispensable maman à la maman détachée à surement été difficile pour eux !

Quinze jours, c'était bien trop. C'est pourquoi j'ai décidée de me lever de bonheur aujourd'hui !
Le bonheur!
Le bonheur n'est pas un but, mais une vision.
Éduquons nos yeux à voir la beauté et à faire abstraction des faits néfastes!

Le soleil se lève doucement. 

C'est tellement beau. Chaque matin c'est différent. La vie est ainsi, une succession de jours. Tous un peu identiques mais tellement différents!
La vie est comme un collier. Et chaque jour serait une perle.
Que dis-tu si nous faisions en sorte que le collier soit beau??

Je t'embrasse tendrement. 

Anaïs."

L'enveloppe refermée, l'adresse déposée, le timbre collé, je me dirige dans le lit de Maya. Elle est si chaude, si douce. Sa respiration est apaisée. Lourde.

Ce moment, est un moment magique. Jamais, je ne pourrai m'en passer. Je me demande, jusqu'à quand je pourrai en bénéficier. Je me demande, qui aurai-je été sans mes enfants ?

Qu'aurai-je pu aimer par-dessus tout ? Comment aurait-été mes journées sans leur interruption constante. Qui aurait recueilli mon amour ? Qui m'en aurais-je donné ? 

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Merci de m'avoir lue!!!

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AnaïsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant