Chapitre 29

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Voilà une semaine que je suis ici loin de ma vie, loin de mon quotidien pour une raison que je n'arrive pas à définir.

J'ai horreur de le voir, j'ai peur. Donc, j'ai choisi de rester ici et pleurer, déprimer, me rappeler à chaque seconde que j'ai passé six ans dans le mensonge. De me rappeler que l'homme que j'aimais plus que tout n’est qu'un criminel, qui passera surement le reste de sa vie en prison.

J'ai fuis pour ne pas penser à lui, pour l'oublier, pour ne pas voir son visage partout mais je n'y arrive pas.
Je sais qu'ils s'inquiètent tous pour moi, qu'ils veulent me parler, c'est pour ça que j'ai demandé à Yemma d'appeler maman afin de la rassurer. J'ai cassé mon téléphone le même jour que je suis arrivée ici. J'ai essayé au début de supprimer tous les trucs qui ont une relation avec lui, les messages, les appels et puis les photos et les vidéos où il apparaît. Et là j'ai arrêté, j'ai compris que c'est impossible car la plupart des photos ont un rapport avec un souvenir de lui.

Si on ne voit pas son visage sur la photo, c'est lui qui l'a prit où c'est lui qui l'a envoyée. J'ai compris que dans ces six ans passés il y avait le prénom de Fahed tous les jours. Et c'est là que j'ai cassé le portable.

J'ai espéré à cet instant que tous mes souvenirs s'effacent, disparaissent comme si je n'avais jamais connu quelqu'un avec son prénom.

Qui peut croire que deux semaines plus tôt, j'étais parmi les plus heureuses filles du monde... mais c'était juste le calme avant la tempête. Il a suffi d'un appel pour gâcher six ans de ma vie. Quand je pense à ça –et c'est ce que je fais tout le temps- je n'arrive plus à respirer, je crie, je sanglote et ma grand-mère arrive affolée vers moi, avec l'espoir de m'aider, elle me serre assez fort dans ses bras et commence à me caresser les cheveux en me lancant quelques phrases pour me réconforter. Cependant, elle ne sait pas du tout ce qu'il y a. Je n'ai pas osé lui dire que j'ai passé six ans de ma vie avec l'homme qui a tué son fils.

Je passe tous mes jours ici dans le noir à réfléchir, à penser, à crier. Je refuse chaque contact avec les gens que j'ai laissé derrière moi. Combien de fois ma mère m'a appelé et j'ai refusé son appel ? Ou même Zineb ? Ou Alya ?

Une lueur de lumière entre dans ma chambre, elle me brule les yeux, je les referme avant que la chambre se noie dans la lumière du petit matin. Ma grand-mère vient s'asseoir sur mon lit, elle me caresse les cheveux tendrement.

-Je ne sais pas ce qui se passe, ni comment tu as en est arrivé là mais je ne compte pas te laisser comme ça. Je sais que tu m'entends, réveille toi s'il te plait. On va aller se promener à la corniche. On part à la plage ensuite. D'accord ?

Je ne réponds pas, elle reste quelques minutes à attendre tout en caressant mes cheveux et elle s'en va.

J'ouvre mes paupières difficilement en regardant la fenêtre devant mes yeux, je la fixe un moment sans rien penser, rien du tout.

D'une part, je ne veux pas quitter cette obscurité, c'est ici où je pleure sans que personne ne voit mes larmes, c'est ici où je sanglote sans que personne me remarque, c'est ici que j'arrache mes cheveux de toutes mes forces sans que personne ne me prenne pour une folle. D'une autre part, j'ai peur d'arriver à un stade où Yemma me demande de tout lui raconter, me force, car elle ne va pas passer beaucoup du temps à accepter le fait que je ne veuille rien lui dire. Je veux la laisser sur l’idée que son fils a perdu la vie parce que son heure était arrivée...non pas parce qu'une foutu personne lui a arraché le droit de la continuer.

Je me lève, arrange mes cheveux en chignon. Je suis dans un état affreux. Mes cheveux sont sales, je pue et des larges cernes se sont formés sous mes yeux, j'ai du mal à me regarder dans le miroir. Je prends une serviette, des sous-vêtements et je commence à chercher une robe, vu qu'il fait très chaud, mes yeux tombent sur cette robe blanche que j'ai mise pour lui le jour où ma vie a changé, j'attrape un ciseau et commence à la couper.
Je ne pleure pas, mes larmes ont arrêté de couler il y a deux jours mais la souffrance dans mon cœur est toujours présente. Une fois fini, je la jette dans la poubelle. J'attrape une robe colorée, la seule que j'ai trouvé dans mon sac, les autres vêtements sont des pyjamas et des pulls trop lourds. Je n'ai prêté aucune attention aux vêtements que j'ai mis dans ma valise l'autre jour.

L'eau chaude coule le long de mon corps, mes muscles s'apaisent immédiatement. J'ai entendu dire qu'une douche faisait toujours du bien, que si une personne ne se sent pas bien, il suffit qu'il prenne une douche chaude pour se calmer. 
Mais tout ça, se sent des mensonges, je ne me sens pas bien, je ne me sentirais jamais bien. Je vais juste survivre avec cette douleur dans mon cœur. Car ma vie a perdu son sens.

♡♡♡

-Inès ! Tu sais ? Ton père faisait la même chose que toi quand il s'énervait. Il restait un bon moment dans le noir, il me disait que dans l'obscurité, on ne peut pas apercevoir les yeux des gens, ceux-ci reflète leurs sentiments. Et pas de sentiment, pas de tristesse. Il oubliait de dire que sans sentiment, il n'y a pas de bonheur non plus. Quand je te regarde, son image me vient immédiatement à l'esprit, vous êtes comme deux gouttes d'eau identiques, vous vous ressemblez tellement.

Elle me touche la main et me sourit. Mes yeux sont humides mais l'idée que personne ne peut les apercevoir me rassurent. Je détestais toujours les lunettes de soleil, surtout les noirs. Pour moi, elles changeaient la couleur du monde et la rendait plus sombre.
Aujourd'hui, je les trouve utile car j’allais voir le monde de la même façon, même sans elles.

Devant moi, des dizaines de personne passent. Quelques adolescents qui viennent de quitter la plage avec leurs serviettes colorées autour de leur corps trempés. Quelques familles qui viennent d'arriver afin de passer un bon moment à nager, à quitter la terre pour un instant. Il y a aussi des touristes qui découvrent chaque endroits de cette ville et qui n'oublient pas de laisser la trace du voyage dans leur corps par un bronzage. J'avale mon jus d'orange en les contemplant. On dirait qu'ils sont tous heureux. Ma grand-mère ne me parle plus, je pense qu'elle en a marre de faire des monologues tout le temps.

Une petite fille et son père viennent s'installer à la table près de nous, elle est bavarde, elle n'arrête pas de poser des questions de toute sorte à son papa. Cela me remémore une journée il y a des années, j'avais huit ou neuf ans ce jour là. On était au Maroc comme chaque été. On venait chaque jour à la plage. Ce jour-là, j’étais venue juste avec mon père.

-Papa, si quelqu'un se noie dans cette mer, il va mourir ? questionnai-je en jouant avec du sable.

-Il y a des maitres nageurs, ils vont surement le sauver.

-Et s'ils se noient aussi ?

Il rit et me regarde un moment.

-Est-ce que ta maitresse fait des erreurs ? me demanda t-il.

-Non.

-Ils sont comme des maîtres, ils ne font pas d'erreur mais si un jour l’un d'eux se noie et perd la vie, ça sera le destin. Quand les jours d'une personne finissent, personne ne peux les rattraper.

Le son du téléphone de Yemma me fait sortir de mes pensées. Elle déccroche, échange quelques mots et me le tend en me disant que c'est Zineb.

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Hey tout le monde ❤❤ Vous me manquez 😍

Je viens aujourd'hui avec ce chapitre dont je ne suis pas fière à 100%. Dites moi ce que vous pensez ?

Je voulais vous remercier pour tout ce que vos commentaires, vos messages et votre temps ❤ Je tiens à vous informer aussi qu'il ne reste que cinq chapitres avant la fin 😆😆

Bisous 😘 Passez une belle journée.

Six ans près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant