Chapitre 32

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Chère Inès,
C'est classique, non ?

Tu vas me dire que la lettre est un outil très démodé pour communiquer avec une personne, c'est très ancien, ça ne s'utilise plus maintenant mais c'est utile quand une personne a décidé de couper son téléphone, très utile.

Je veux tout d’abord dire que, pour moi, ce n'est pas du tout bizarre d'écrire une lettre. J'aimais beaucoup écrire quand j'étais petit, plutôt quand j'étais adolescent. J'écrivais des histoires. Je t'ai déjà parlé de ça une fois si tu te rappelles bien.

Passons à notre sujet.

C'est difficile d'écrire d'une façon neutre ou drôle quand on est vexé, et je le suis. Je suis très blessé mais je veux te laisser une impression de sourire quand tu liras cette lettre. Je veux que tu souries au lieu de pleurer. Ce qui va être une mission difficile.

Je ne sais pas si tu connais toute l'histoire avant d'ouvrir cette lettre ou non, mais je voulais te la raconter, je voulais que tu connaisses ma version.

Quand tu es parti ce jour là, j'ai eu peur...on t'a cherché partout. Tu as fermé ton téléphone, ce qui a rendu la tâche difficile. Je ne savais pas ce qui s’était passé. Quand Zineb m'a informé que tu savais pour la surprise, je me suis dit que peut-être tu ne voulais pas, que tu avais des doutes, que tu ne savais pas quoi faire. Je pensais que c’était pour ça que tu étais partie à je-ne-savais-pas-où.

J'avais peur qu'il t’arrives quelque chose de mal. J'étais perdu, du coup j'ai appelé ta mère. Je me suis rendu chez vous pour lui parler. Elle était affolée, on était tous comme ça. On a attendu des heures avant de recevoir l'appel de ta grand-mère qui nous a tenu au courant du fait que tu étais chez elle, au Maroc.

Le soir, la police est venu me voir. Ils m'ont posé quelques questions à propos de la mort de ton père. Franchement, je ne comprenais rien. Il disaient que la voiture qui était la cause de cet accident était la mienne. J'ai répondu que je ne conduisais pas à l'époque où il a perdu la vie, ça tu le sais très bien Inès et tu sais également pourquoi. J'ai passé une journée là-bas à écouter des questions dont je n'avais pas la réponse.

Ils ont tout compris cette journée, ils ont réalisé ton vœu, ce que tu voulais savoir… qui était bien clair ce jour là. Ils l'ont trouvé, celui qui a tué ton père.

Je ne sais pas comment structurer cette phrase, je ne sais pas comment la dire, comment t'informer. C'est difficile de te dire que celui qui a pourri ta vie est Thomas, mon frère. Tu te rappelle de lui ? Celui que tu as trouvé un jour chez moi en venant me voir.

« Il est chelou ce mec » m'as-tu dit quand il est parti. Je t'avais dit que c'était mon frère et tu t'étais excusé. Ce n'était pas la peine. Il est plus que chelou, il est criminel et j'ai honte de partager un lien avec lui. Je voulais m'excuser pour lui. Pourtant, je ne sais pas quoi dire, j'étais choqué moi aussi. J'ai parlé par la suite à Monsieur Guérin, je lui ai demandé une explication parce que je n'avais aucune envie de voir Thomas.

Thomas a violé une jeune fille, il y a six ans. Elle était étudiante au lycée. A l'époque ton père tenait l'audience de cette pauvre fille, c'est pour ça qu'il est parti à Orléans ce jour là, si j'ai bien compris.

Je ne sais pas si je dois tout te dire ou non, ça doit être difficile pour toi de connaitre les détails mais je veux tout raconter, je veux tout écrire sur cette feuille.

Donc, Thomas a su d'une certaine façon que c'est ton père qui défendrai la jeune fille, et d'une autre façon que j'ignore il a su où il vivait. Ce jour-là il était -d'après ce qu'il a dit à la police- bourré. Il avait suivi ton père quand il est sorti de chez lui et tu connais probablement la suite. Il paie son acte maintenant. Il a utilisé la voiture que mon père m'a acheté, je n’étais pas d’accord à l'époque mais il la conduisait.

Six ans près de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant