Chapitre 14 : Révélation

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Machanaël se mura dans un silence presque maladif les deux jours qui suivirent l'attaque des anges.
Spica ne supportait pas de voir son ami dans cet état, tant parce qu'ils avaient perdu leur complicité et tant parce qu'elle n'aimait pas voir ceux qui lui étaient chers être tristes, peu importe de quelle façon.
Ils discutaient encore mais très peu et de thèmes banals comme la météo du moment ou la tempétarure de l'eau de la source mais ils n'avaient plus aucune discussion approfondie ou amusante.
Spica en souffrait et elle voyait bien que Machanaël n'était pas plus heureux qu'elle de cette situation.
Étonnement, il était toujours là, il n'avait pas fui. Il ne partait pas et ne montrait aucune volonté pour un quelconque départ.

Au bout du troisième jour, Spica en eut marre. Elle se réveilla et sortit de son lit douillet avec la ferme intention de faire cracher le morceau à son ami ou alors, le cas échéant, le faire redevenir comme avant.
Cette situation lourde et embarassante lui pesait fort sur le cœur et la conscience. Elle voulait y remédier. Et vite !
De plus, elle ne connaissait que trop bien ses compétences pour supporter longtemps une situation désagréable, elle avait souvent fait les frais de cet ignoble trait de caractère.
Avec Ada, par exemple. Spica ne comptait même plus années pendant lesquelles elle avait tout subi de la part de la détestable Ada.
Elle pourrait bien attendre que Machanaël redevienne comme avant pendant des centaines d'années mais là, pour une fois, elle avait décidé d'agir.
Et quand elle voulait agir, mieux valait ne pas se trouver sur sa route. Gare à ceux qui la croisaient !

Spica arriva à sa source comme à son habitude, dans la matinée. Elle approcha alors Machanaël, assis sur les racines de son arbre favori, les genoux ramenés vers son torse, les bras croisés autour des tibias et le regard dans le vide. On aurait dit que son enveloppe charnelle se trouvait là mais que son esprit était totalement ailleurs, envolé parmi les nuages puis les étoiles...
Spica allait lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur quand elle vit quelque chose sur les bras, les épaules et les habits de l'ange déchu.

-Tu t'es battu, n'est-ce pas ? fit-elle, sans prendre de gants, en affaissant ses épaules avec un soupir.
Machanaël tourna son regard vers elle et sans piper mot, hocha la tête pour confirmer.
L'Ondine soupira une nouvelle fois en posant deux doigts sur son front.
-Tu m'attires de ces ennuis, je ne te raconte même pas ! Tu es très turbulent, pour un ange !
Elle trancha une des extrémités de son drap blanc avec une lame d'eau formée au bout de sa main puis se pencha depuis les racines de l'arbre où elle et son ami se trouvaient et trempa dans l'eau de la source le morceau de tissu avant de l'essorer un peu.
Puis elle se dirigea vers les arbres environnants et en préleva quelques feuilles, avec d'autres pousses et quelques feuilles d'arbustes.
Elle réussit à broyer le tout dans une coquille d'escargot vide et nettoyée dans sa source.
Elle revint vers le Séraphin, la coquille d'escargot et le drap humide dans les mains.

-Viens là, dit-elle en s'agenouillant près de l'ange.
Elle commença par panser ses blessures en mettant un peu de sa mixture végétale oscillant entre vert et brun, qu'elle prenait avec un seul doigt dans la coquille à présent remplie du mélange, puis rinça ses plaies avec le bout de son drap blanc.
Elle sécha ensuite le tout et enroula la bande de tissu autour du bras de son ami, là où il avait sa blessure la plus grave d'après elle.
-Tu ne sais pas à quel point ton corps d'ange déchu est résistant par rapport à avant. Essaie de faire attention, s'il te plaît...
Machanaël tourna ses yeux verts et bruns vers sa jeune amie et eut un léger sourire.
-Merci, finit-il par lâcher.
Puis il ajouta avec un regard presque aussi vide que celui de tout à l'heure :
-Mon corps tient encore assez du Séraphin. Je ne vais pas devenir aussi fragile qu'un humain, tout de même. La preuve, ce sont mes ailes, qui se sont énormément fortifiées depuis ma déchéance. J'ai réussi à solidifier mes plumes suite à leur combustion alors qu'un ange qui n'est pas déchu en est tout bonnement incapable. Et crois-moi, plusieurs d'entre nous avons déjà essayé de milliers de fois.
Il avait souri un peu à l'évocation de ce souvenir de sa vie d'avant.
-C'est une chouette capacité, affirma Spica avec un gentil sourire.

L'esprit d'un Séraphin déchu et la bonté d'une Ondine solitaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant