Chapitre 8 : Une intruse

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Ce matin, Spica se leva avec toujours cette même envie de s'en aller retrouver Machanaël, son nouvel ami, tout de suite.
Elle se leva donc immédiatement, s'empara donc de son drap blanc et l'enfila vite et bien avant de sortir de sa maison et de sauter en bas de l'échelle de bois et de cordes tressés ensemble.
Quand elle arriva au Portail Aquatique, elle fut surprise de ne pas trouver l'Ondine en charge du poste de contrôleuse.
Mais en tant que Polyvalente, pas besoin d'attendre plus longtemps, elle programma elle-même son trajet et sa source, la première sur la liste, avant de sauter sans hésiter, comme tous les matins, dans l'eau.

Elle traversa comme toujours des milieux magnifiques, accueillant des poissons et des anémones de mer multicolores, en passant par les fonds marins les plus variés du globe du monde des humains.

L'Ondine arriva, guillerette, puis s'aperçut de l'absence de Machanaël.
Elle ne s'inquiéta pas plus que cela, il avait l'habitude de faire un tour pour tester la nouvelle résistance de ses ailes brûlées et pour les entraîner de nouveau au vol.
Sinon, à quoi serviraient donc ses six grandes ailes noires, à part pour une question d'esthétique ?
Spica commença donc à peigner doucement ses longs cheveux dans la source quand elle entendit quelque chose qui faillit lui faire s'arracher une mèche.

-Enfin là, Spica. Je t'attendais.
L'Ondine surdouée se retourna avant de grogner entre ses dents :
-Ada ! Qu'est-ce que tu fais là ?
-J'utilise ta source, ça ne se voit pas ?
Spica observa son interlocutrice, debout sur des racines vertes et brunes d'arbre, recouvertes de mousse, le drap blanc sec et les cheveux en parfait état, volant sous le vent.
-Non, cela ne se voit pas, fit-elle, mais pour une fois, sans aucun sarcasme.

Ada entra avec arrogance dans la source de Spica, sous ses yeux.
-Tu es bizarre. Ces derniers temps, tu fonces toujours droit à ta source et tu en reviens le visage éclairé. Comment ça se fait ?
-Tu pourrais parler plus poliment à ta Polyvalente aînée, dit Spica entre ses dents serrées. Et je n'ai rien à te répondre.
Cependant, malgré son air glacial, Spica priait de tout cœur que Machanaël se soit caché ou ne revienne pas à ce moment précis et que si c'était le cas, ait la bonne idée de se réfugier à quelque part hors du champ de vision d'Ada.

Spica reprit un peu du poil de bête :
-Et puis-je savoir ce que tu fais dans ma source ?
Ada parut surprise de cette remarque.
-Ce n'est pas ta source privée.
-Bien sûr que si, répondit Spica du tac au tac. Si nous possédons toutes une source attribuée, c'est à raison. Tu es la propriétaire de la septième, et moi celle-ci, la première, alors fais-moi le plaisir de déguerpir sur-le-champ !
Ada eut un sourire narquois.
-Je suis une Polyvalente. Je fais ce que je veux. Si je veux venir travailler dans ta source, je viens. Première arrivée, première servie !

Spica faillit lui arracher un œil de colère.
-Mais où te crois-tu ? Et pour qui te prends-tu, surtout ? Je vais être claire et faire le point avec toi et ton cerveau extrêmement lent à la détente. Ici, nous sommes dans la première source, celle qui m'a été attribuée quand j'ai été promue au rang de Polyvalente. Et j'ignore si tu te prends pour moi, l'Ondine Spica, mais je te rappelle que tu es sur mon territoire et je voudais que tu partes immédiatement.
Ada fut un peu étonnée mais ne lâcha pas prise, comme un bouledogue ayant mordu quelque chose qu'il refusait et ne pouvait relâcher :
-Les Polyvalentes ont des privilèges. Va dans ma source si tu en as envie, je ne t'en empêcherai pas.

Spica eut un sourire à la fois nerveux et sarcastique.
-Crois-tu réellement que j'ai envie d'aller tremper mon corps dans la source dans laquelle tu as macéré des années ? Certainement pas. Et cela fait partie de nos lois. Une source n'appartient qu'à une seule Ondine. Et celle-ci m'a été attribuée à moi, Spica.
-L'Associale Surdouée, mérites-tu vraiment ton surnom ou pas ? Les Polyvalentes sont les plus douées de tout Ondia et si je dois t'apprendre à toi, mon aînée dans cette fonction, que nous sommes des privilégiées...

L'esprit d'un Séraphin déchu et la bonté d'une Ondine solitaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant