Chapitre 16 : Rencontre

55 8 0
                                    

Le lendemain, tout se passa comme avant et le surlendemain, cela faisait déjà une semaine que la première attaque des anges avait eu lieu.
Spica y avait songé ce matin même en se réveillant, avec amertume. Ils avaient tué des anges, tout de même.
Autant elle ne ressentait rien quand elle tuait, la plupart du temps par maladresse, un humain en aspirant toute son énergie vitale, autant tuer un ange, ce qui n'était pas dans ses besoins naturels, lui faisait ressentir des sentiments déjà plus contradictoires...

-Spica, ça va ?
Machanaël avait bien remarqué que son amie l'Ondine n'était pas du tout concentrée sur ce qu'il lui disait.
Il venait de lui conter tout une histoire qu'il avait parfaitement inventée pour essayer de capter son attention, sur un grand-père habitant une cabane au fond des bois et, improvisant sur le moment, chassait les rats pour survivre car il vivait dans la misère, et avait une pipe et une jambe de bois, et une grand-mère qui le rencontra puis s'installa avec lui, lui préparant toujours les repas, de la crème au chocolat et prenait une tasse de thé avec une petite cuillère.
Spica tourna son regard dénué d'émotion extérieure et se leva.
-Pardon, dit-elle avec une petite voix. J'ai besoin de réfléchir un moment seule...

Sous le regard surpris de l'ange déchu, l'Ondine s'enfonça dans la forêt laissant son ami livré à lui-même et surpris.
Elle se mit à marcher d'un rythme rapide et saccadé par l'agacement et l'énervement.
Les poings serrées, elle avançait sans regarder où elle allait.
Dans tous les cas, elle n'allait pas se perdre, elle connaissait cette forêt comme sa poche, inexistante sur son drap blanc flottant au vent.
Cela faisait un sacré paquet d'années qu'elle venait dans cette source, qu'on ne lui avait jamais fait changer. Peut-être un privilège du rang de Polyvalente ?

Les arbres semblaient vivants au sens animalier du terme. La bise froide faisait trembler les branches nues comme les longues mèches noires de Spica. Le décor planté là depuis des années et des années était en ce moment même presque glauque, effrayant. Les ombres grandissaient toujours plus quand les plus haut des conifères masquaient la lumière du Soleil.
Les feuilles qui bruissaient dans le vent étaient apaisantes mais un peu stressantes si on essayait de savoir quel vent les agitait et sa provenance. Les nœuds sur les troncs arbres prenaient parfois des formes terrifiantes de visages humains déformés par l'horreur, poussés dans leur extrême limite.
Les arbres ayant poussé extrêmement serrés formaient un filet avec de minuscules mailles qui faisaient pression sur leur visiteur imprudent.
Ce paysage sombre, obscur, où la lumière ne passait que très peu, oppressant, qui faisait se tenir constamment en alerte, presque macabre annonçait la partie de la forêt la plus reculée.
La source de Spica était juste avant cette part des bois, dans la partie dite moyenne.
Les humains s'égaraient, s'y perdaient et erraient mais ce n'était rien comparé à cette sombre partie forestière dans laquelle beaucoup d'âmes avaient perdu la vie.

Malgré tout cela, Spica était on ne peut plus calme dans cette forêt, aussi glauque soit-elle. Elle avait appris à la connaître, et cela mieux que personne, et elle restait tranquille comme n'importe où d'autre.
Bien évidemment, pas en ce moment, car elle était encore agacée de son impuissance. Cette dernière l'énervait au plus haut point et colère était un piètre mot pour décrire ce qu'elle ressentait réellement.
Elle finit par s'asseoir dans un coin qu'elle connaissait bien, sur une grosse pierre plate recouverte de mousses et de lierre qui semblait avoir été posée ici il y a plusieurs millénaires.
Spica n'avait guère l'habitude de se retrouver impuissante, ou pire, incapable, face à quelque chose.
Et le fait de ne pas pouvoir apporter une quelconque aide mais seulement un soutien psychologique à Machanaël la rendait folle de rage.
Elle avait beau réfléchir dans tous les sens, même au-delà de la normale, mais elle ne trouvait rien, elle ne trouvait aucune solution. Et les livres de la bibliothèque d'Ondia ne l'aideraient pas ou alors, dans le meilleur des cas, peu.

L'esprit d'un Séraphin déchu et la bonté d'une Ondine solitaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant