chapitre 33

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- Tu m'aimes ?
- Oh mais tu vas te taire ! Dis-je en levant les yeux au ciel
- Tu l'as dit il y a même pas cinq minutes bébé, répond-il en riant
- J'ai jamais dit ça tu mens
- Ah si, je peux te l'assurer
- Pas de témoins, pas de crime
- T'es vraiment une psychopathe, mais une belle psychopathe amoureuse
- Tu me tapes sur les nerfs Samaras, je préfère quand tu fais la gueule en fait
- Va embrasser Mohamed, je ferais la gueule t'inquiètes

Après cette phrase, je ne ris plus du tout. Il se permet de rire d'une chose pareille, si récente, et en plus je viens d'avouer que je l'aimais et il n'a même pas réagit. Je suis blessée au fond de moi, et sa remarque n'arrange rien. Je suis vraiment agacée par son comportement d'enfant et je lui fais comprendre en me levant du canapé dans un souffle bruyant de mécontentement.
- Quoi ? On peut pas en rire ?
- C'est pas ça le problème
- C'est quoi alors ?
- Mais tu le vois vraiment pas le problème ?
- Mais non
- C'est grave sérieux Ken
- Mais parle moi
- Je te dis que je t'aime et toi tu m'emmerdes avec cette histoire avec Mohamed sérieux ?
- Oh ça va, si on peut plus plaisanter aussi
- Tu te fous de ma gueule j'espère ?
- Mais détends-toi

Alors là, ça dépasse tout ce que j'imaginais. Il ne se rend même pas compte que je peux être blessée par ce qu'il se passe. C'est quand même pas croyable, je n'en reviens pas. Je tourne les talons pour m'enfoncer dans la cuisine et ne plus voir sa tête de con. Loin de moi l'envie de lui faire une scène, mais sincèrement, je n'en peux plus. Je fais tous les efforts du monde pour vivre cette histoire à sa façon, mais si je n'ai pas le droit d'y mettre des conditions, à quoi ça sert ? Je passe ma main dans mes cheveux comme un geste de réflexion, mais j'entends la porte claquer. Est-ce qu'il est parti ?
- Ken ?

Pas de réponse. Je sors de la cuisine pour rejoindre le salon dans lequel il n'est plus. Je l'appelle à nouveau, mais pas de réponse. Il est bel et bien parti, et s'il croit qu'il a arrangé quelque chose, il se trompe. Je commence à devenir dingue avec ses délires. Je retiens comme je peux, les larmes qui menace de s'échapper de mes yeux. Mais quand je lis le message que ma mère m'a envoyé, je ne peux pas m'empêcher de les laisser s'enfuir.
Elle me donne rendez-vous au stade Georges Lefèvre à quatorze heures, mes parents montent sur Paris parce que mon frère fait un match de football sous les yeux de nombreux recruteurs, en tant que gardien de but. Je suis émue, triste, fière, tellement de choses à la fois que mon cerveau et mon corps n'arrivent plus à gérer quoi que ce soit.

Je m'écroule sur mon canapé, le téléphone dans une main, et la télécommande dans l'autre, je lance un film bien romantique sur Netflix, histoire de pleurer pour quelque chose.
Mais quand mon réveil que je n'avais pas désactivé, résonne à sept heures du matin sur mon canapé, la réalité me rattrape. J'ai passé la nuit éveillée, rien ne s'est passé comme prévu. Je suis totalement perdue. Pour me remettre les idées en place, rien de mieux que de filer sous la douche pour détendre mes muscles sous l'eau chaude.

Un jean troué, un petit haut et une veste en jean noir sur moi, je fourre les pieds dans mes Vans (trouées elles aussi), et je descends les escaliers de mon immeuble pour une super balade matinale. Rien de mieux pour me vider la tête. Sur mon chemin, je croise beaucoup de gens pressés, même le samedi matin, c'est un concept que j'ai du mal à saisir. A Sainte-Maxime, le samedi et le dimanche il n'y a pas un chat dans les rues avant neuf heures. Ma ville me manque presque. Je n'ai plus ma meilleure amie à Paris, et mon nouveau repère devient de plus en plus bancal. J'allume une cigarette en m'approchant de ce pont qui m'a tant fait rêvé un mois plus tôt. Ce pont sur lequel Ken adore passer des heures et regarder la Tour Eiffel. Inconsciemment, je me disais qu'il serait peut-être là. Mais il n'y a que moi et ma cigarette, noyé parmi la foule de personne qui passe dans mon dos.

Le chemin du retour est plus lent que l'aller. Mes jambes me font mal, et ma tête commence à tourner. Je m'oblige à m'arrêter quelques instants sur le premier banc que je trouve.
- Megan ? Qu'est-ce que tu fous dehors toute seule ?

Je tourne la tête, et je vois Ken, les yeux injectés de sang devant moi.
- Et toi tu étais passé où ?
- Réponds
- Toi d'abord
- Je suis allé chez Doums
- Je suis allée prendre l'air
- Juste prendre l'air comme ça ?
- Ouais, maintenant si tu permets j'aimerais rentrer chez moi tranquille, je suis fatiguée
- Pas toute seule, je viens avec toi
- Je suis à cinq minutes, me soûles pas
- Huit minutes en fait

Je fronce les sourcils sous l'effet de sa précision. Je me mets sur mes deux pieds, en prenant l'air le plus assuré possible quand il me répond qu'il fait souvent le trajet entre l'appartement de Doums et le mien. Je lui souris, et je reprends ma route.
Il me retient par le bras.
- Lâche moi Ken
- Je te ramène chez toi
- On va encore se prendre la tête là ?
- La faute à qui ?
- La tienne
- Ton petit jeu avec mon pote y est pour quelque chose quand même
- Oui, mais je n'ai rien fait, toi tu m'as pratiquement jeter un verre dessus
- Tu en fait un peu trop là tu ne crois pas ?
- De toute façon, je me suis excusée, et plus d'une fois, ça n'empêche que t'es encore en boucle
- C'est pas pareil
- Si Ken, c'est exactement pareil, tu veux que je te pardonne, mais moi je n'ai pas ce privilège !

Je reprends mon chemin à une vitesse plus élevée pour éviter de l'entendre répondre quelque chose qui ne va, de toute façon, pas me plaire. Mais mon corps en décide autrement et je ressens une violente douleur dans les jambes, et ma tête se met à nouveau à tourner.
Ken me serre contre lui.
- Tu vois ce que ça t'apporte de t'énerver ?
- C'est de ta faute, je m'énerve à cause de toi, et je suis faible à cause de toi
- Moi ?
- Oui, toi, Ken Samaras, parce que tu m'as foutu la trouille pour un truc que je n'ai pas fait, et pour lequel je me suis excusée mille fois d'y avoir pensé, et que je me suis fait renversée
- Renversée par une voiture qui ne roulait pas super vite, hein
- Ta gueule putain, ferme ta gueule, sinon je vais péter ta jolie petite gueule
- Ne me parles pas comme ça Megan
- Et arrêtes de dire mon nom tu me dégoûtes

Je me surprends moi même de l'assurance qui émane de mon corps et de mes mots. Je marche à nouveau vers mon immeuble, qui n'est qu'à quelques mètres, heureusement, mon cœur bat tellement vite que je crois finir par faire un malaise. Quand j'ouvre la porte de l'immeuble, je préfère ne pas la claquer derrière moi, je sais que Ken me suit et si je la ferme il est capable de donner des coups de pieds dedans pour la casser et rentrer. Dans les escaliers, je manque de tomber dans les pommes plusieurs fois, je finis par m'asseoir sur une marche.
- Megan sérieux, fais attention ! Dit Ken en grimpant les escaliers par quatre
- Dégages Ken, je réponds doucement
- Mais je...
- Ta gueule Samaras, je te jure vire de là
- T'es sexy quand tu t'énerves tu le sais
- Dégages, je ne vais pas me répéter, dis-je après un petit rire

Il se redresse et descend les marches, sans me quitter des yeux.
- C'est fini alors ?
- Ce n'est pas ce que j'ai dit, bonne journée Ken.

À peine a-t-il passé la porte du hall que je me mets à pleurer, de fatigue mais aussi de colère. Je m'en veux de ne pas être capable de lui expliquer ce qui ne va pas au fond de moi, pourquoi je n'arrive pas à lui pardonner son excès de violence hier soir chez Doums. Il n'en sait rien parce que je ne lui ai jamais dit, mais je suis en train de tout gâcher à cause de mon passé.
Quand j'arrive dans ma chambre pour m'allonger, je vois son pull qui traîne sur mon lit, je me déshabille complètement et j'enfile uniquement ce pull pour me blottir dedans, sous ma couette, et sentir son odeur si réconfortante dans mes sanglots.

Risible amour_NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant