Estelle Dolorès

Chapitre 1

L'hiver s'est installé, laissant pleuvoir la neige qui tapisse le sol de son tapis blanc. Assise sur les escaliers d'une boutique, je berce ma fille pour calmer ses pleurs. Le froid agresse sa peau fragile de bébé. La petite couverture dans laquelle elle est enveloppée est déchirée et rapiécée à quelques endroits. Le vendeur âgé, une moustache sous le nez, m'aperçois en allumant les guirlandes de sa vitrine décorée pour noël et vient me voir en pestant :

« Allez-vous-en ! Vous n'avez-rien à faire ici jeune fille. Rentrez chez vous !

Je me lève en tenant fermement Estelle dans mes bras puis m'en vais. J'erre dans les rues à la recherche d'un nouvel abri. La nuit tombe et les lumières colorées attirent les yeux bleus de ma fille.

Je n'ai pas de « chez moi ». Mes parents m'ont mis à la porte des lorsqu'ils ont appris que j'étais enceinte. Je n'ai personne pour garder ma fille et donc je n'ai pas de travail. J'ai du mal à nourrir ma fille et suis parfois obligée de voler. Je me laisse glisser le long d'une maison où le toit est assez long pour nous abriter des flocons. Estelle me fait des sourires illuminant son visage et étirant ses joues rosées. Elle sort une main du plaid qu'elle pose sur moi.

- Tu vas avoir froid ma poupée, lui dis-je doucement en la couvrant. Je relève la tête. Au loin, un grand sapin décoré trône en maître sur la place du village. Un peu plus près, je vois un petit ours en peluche presque recouvert de neige. Ma fille se met à rire.

- D'accord je vais le chercher, lui répondis-je tendrement.

Je me relève et avance à l'endroit où se trouve l'ourson. Je le prends et souffle dessus pour faire s'envoler les flocons. Cela amuse Estelle et nous retournons près du mur.

- Joyeux Noël ma chérie. Et puis joyeux anniversaire ! Demain tu auras un an, on aura traversé beaucoup de choses ensemble pas vrais ?

Elle me répond d'un sourire.

- J'aimerai t'offrir un toit, une peluche que j'aurai acheté, des vêtements propres tous les jours, de la nourriture à volonté, mais pour l'instant je ne peux que t'offrir mon amour.

Une femme avec un long manteau beige et des bottes fourrées passe devant moi. Une petite fille habillée de la même façon lui tient la main.

- Tenez mademoiselle. La femme se déshabille et m'offre son manteau. Je le prends et enveloppe ma fille à l'intérieur.

- Merci beaucoup, soufflais-je les larmes aux yeux.

- Quel âge as-tu petite ? Me demande-t-elle avec une tendresse que je connais peu.

- J'ai seize ans, répondis-je.

- C'est ton enfant ? Ajoute-t-elle en désignant Estelle.

- Oui, c'est ma fille.

- Tu as bien du courage à ton âge...

- Maman, pourquoi la dame elle est dehors avec son bébé ? Questionne la petite qui lui tient la main.

- Chloé, ma chérie, c'est parce que...

- Pare ce que ma maman et mon papa n'ont pas voulu de mon bébé, alors ils nous ont mises toutes les deux dehors, répondis-je à sa place.

- Mais pourquoi tu ne viens pas chez nous ? Enchéri-t-elle.

Je baisse la tête honteuse. Je n'ai pas le temps de répondre. Une voiture noire aux vitre teintées s'arrête dans un crissement de pneu juste devant nous. La portière s'ouvre et laisse passer une femme et deux hommes. Cette femme c'est ma mère.