Son baiser me fait presque oublier la douleur durant quelques instants, mais nous sommes séparés soudainement par une force invisible qui nous propulse d'un coin à un autre de l'avion. Des cris désespérés, des pleurs, des prénoms prononcés pour mot d'adieu. A cet instant, la seule chose qui nous préoccupe, ce n'est pas de survivre. Ce sont nos proches qui apparaissent dans nos esprits et qui nous prient de nous en sortir, et de revenir vivants. Ces hallucinations, tout le monde les voit je pense. Une main serre brièvement mon bras puis me lâche. Ma tête cogne contre quelque chose mais je ne sais pas quoi. Je n'arrive pas à ouvrir les yeux pourtant je suis consciente. Je tâte autour de moi. L'eau s'est infiltrée dans l'avion et réveille mes sens engourdis. Mes paupières se soulèvent. Autour de moi c'est le chaos, des flammes jusqu'au plafond de l'appareil libèrent de la fumée toxique. L'eau monte à grande vitesse. Je ne sais pas où je suis. Je ne sais plus. Je ne reconnais rien de l'appareil dans lequel j'ai embarqué. Je suis seule dans un coin, sous ce qui me semble être un mur ou une porte. Je n'arrive pas à pousser cette planche et l'eau continue de monter. Elle m'arrive désormais aux épaules. Je tente d'appeler à l'aide mais la fumée qui entre par mes narines assèche ma gorge et rend ma voix presque inaudible. Mais quelqu'un m'a entendu et est en train d'essayer de me libérer. Je suppose que c'est le garçon car nous étions seuls à l'arrière. La mer a atteint mon cou et continue son ascension jusqu'à mes lèvres. Je ne sais pas... Est-ce l'eau qui monte ou est-l'avion qui coule ? Je suis perdue. Je suis désormais immergée sous l'eau. Je me débats, je tente de remonter à la surface mais ce débris d'avion me bloque le passage. Je perds des forces en m'agitant ainsi mais je suis comme étouffée par l'eau. Le passage fini par se débloquer. Je me cogne contre le plafond de l'avion en remontant au peu d'espace qui n'est pas encore noyé sous les flots.
Je me sens fatiguée, à bout de force. Et cette fois-ci l'avion est entièrement inondé. Je me sens flotter, plus aucun de mes membres ne réagis. Quelqu'un m'emporte vers un point de lumière. Une fenêtre ? Une porte ouverte ? Dans tous les cas cela semble être la sortie donc peu importe. J'ai besoin d'air.
Quelques secondes plus tard, je suis à la surface. J'ai les yeux fermés mais je devine qu'il n'y a pas grand monde qui s'en est sorti. C'est beaucoup trop calme. On me pose sur un morceau d'avion. Je tousse et crache de l'eau. Et lorsque j'ouvre enfin les yeux et que je me redresse, ce que je découvre me glace le sang. Je suis à une vingtaine de mètres de l'avion. Il est brisé en deux. Le bec de l'appareil ainsi que la plus grande partie de l'avion sont écrasés sur une large route, tandis que l'arrière a disparu dans les profondeurs de la manche. Des sanglots incontrôlables secouent mon corps. Je ne peux détacher mon regard de cette épave. Une main se pose sur mon épaule.
- Tu es blessée ? Me demande le garçon inquiet.
- Je ne sais pas, répondis-je sans chercher à savoir.
D'un geste doux, il m'oblige à le regarder.
- Écoute moi ma jolie, nous devons sortir de l'eau et aller à l'hôpital pour faire des examens, car là on risque l'hypothermie si on reste dans cette eau glacée.
Un hélicoptère survole au même moment la zone. Est-ce les secours ? Les journalistes ? D'ailleurs en parlant d'eux, ils arrivent en masse sur la berge. Plusieurs sirènes de secours retentissent au loin. L'avion est toujours en flamme sur la route. Mon regard rivé sur l'appareil est dévié sur un objet noir flottant sur l'eau.
- Qu'est-ce que c'est ? demandais-je, presque sûre de savoir la réponse.
- Il me semble que c'est un chapeau, le même genre que les magiciens utilisent tu sais ?
Bien sûr que je sais, songeais-je en me mettant à nager vers l'accessoire que j'ai vu bien trop souvent ces temps-ci.
- Que fais-tu ? Me demande incompréhensif le jeune homme.
Je ne réponds pas, obnubilée et comme attirée par le chapeau.
- N'y va pas, il y a risque d'explosion ! Me crie-t-il. Je l'entends se mettre à nager derrière moi, il va vite. Il me rattrape bientôt. Mais j'arrive à hauteur de l'objet et découvre à l'intérieur une note sur un morceau de tissu que je reconnais comme étant le pyjama d'Estelle.
« Lorsque l'horloge sonnera minuit, il sera trop tard pour arriver A.D ».
- Qu'est-ce que c'est ? Interroge le garçon arrivé à ma hauteur.
- C'est...
- C'est une menace ou je délire ? Continue-t-il en lisant ce qui est inscrit. A qui est-ce adressé ?
Dans ma tête c'est le chaos. Un frisson parcourt mon dos jusqu'à mes épaules. Ce garçon m'a sauvé la vie au dépit de la sienne, puis la confiance que je lui dévoue et la fatigue font que je lui raconte mon passé tout en rejoignant la terre ferme. Mais a peine arrivés, nous sommes tous les deux séparés et installés dans une ambulance, sans même avoir le temps de se dire un mot. Des médecins m'assaillent de questions, prennent ma tension, tentent de me tenir éveillée, mais la fatigue prend le dessus et je m'endors avant même que l'on ai démarré.
Lorsque je me réveille, je suis surprise de me trouver en salle de réanimation avec un plâtre au poignet droit et... une nouvelle menace glissée dans ma main. Elle est signée O.
O comme Oscar.
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Estelle Dolorès
Teen FictionJe m'appelle Aurore. J'ai 16 ans et cela fais une année que je vis dans la rue, depuis que j'ai accouché d'Estelle plus précisément. Ma vie est rythmée par les regards froids des inconnus qui nous voient, jusqu'à ce soir de Décembre ou ma fille m'es...