Je le reconnais immédiatement. C'est le conducteur de la voiture qui a renversé Ornella. Il se jette sur moi ne me laissant pas le temps de me défendre ou même de hurler et pose un mouchoir légèrement humide sur mon visage, me faisant sombrer dans un étrange sommeil.
Je me réveille. Combien de temps plus tard ? Où ? Je ne saurai répondre à ces questions. Couchée à même le sol je devine que je suis dans une cave. Le peu de lumière qui entre dans cet endroit provient de la seule fenêtre de la pièce. Je me redresse dans l'incompréhension la plus totale. Je ne me souviens pas vraiment de ce qu'il s'est passé chez Linda. L'homme. J'entends des pas au-dessus de moi puis le bruit du verrou de la porte qui me retient prisonnière ici. Je décide de faire semblant d'être toujours inconsciente lorsqu'il ouvre la porte. Il descend l'escalier d'un pas nonchalant puis se rapproche de moi. J'espère qu'il ne voit pas le frisson qui court le long de mon dos. Il reste là, à me regarder sans bouger le petit doigt, puis il repart comme si de rien n'étais. J'entends le cliquetis de la serrure et ses pas s'éloigner. Une larme, puis une deuxième longe ma joue. Il est juste venu voir si j'étais en vie ? A ce moment, je ne pense qu'a Estelle. Peut-être est-elle dans le même cas que moi ? Voir même pire... Je me redresse lentement. Je tâte mes poches à la recherche de mon téléphone mais mon ravisseur a pris soin de me le prendre. Je soupire, des larmes de rage et de peur dévalent mes joues rougies par le froid. Je tremble et n'arrive pas à réfléchir pour trouver un moyen de m'évader. Je scrute l'endroit. C'est un grand sous-sol avec des choses et d'autres telles qu'un vase, une armoire et une table au centre de la pièce. Je remarque une courte échelle contre un mur qui mène à une sortie au plafond mais celle-ci est verrouillée. Je tente de rester calme mais les émotions prennent le dessus et je craque. Je hurle. Je monte les escaliers quatre à quatre et je tambourine à la porte de toute mes forces. Je donne des coups d'épaule et de pieds mais les gonds ne lâchent pas. Je redescends aussi rapidement et tente d'ouvrir la trappe qui mène à dehors mais une chaîne cadenassée la retient.
Alerté par mon raffut, l'homme qui a renversé ma mère ouvre la porte avec violence. Ça me calme immédiatement, dans le sens ou tétanisée par la peur, plus aucun son ne sort de ma bouche et mes membres ne me répondent pas. Je réussi à me sortir de ma torpeur et à reculer au fur et à mesure qu'il ne s'approche de moi. Il sort une arme de son jean et la pointe vers moi.
- La prochaine fois que tu tentes de t'enfuir sale garce, assure-toi que tu es seule, crache-t-il en me fixant d'un regard menaçant. Et ça ne sert à rien de crier comme tu le fais car nous sommes seuls ici. Il n'y a personne autour de nous tu comprends ? ajoute-t-il en s'avançant, son flingue toujours braqué vers moi.
Je le fixe, le corps tremblant et les bras croisés comme pour me protéger.
-On est où ? répondis-je simplement, avec un semblant de calme.
- Chez moi, réplique-t-il sur le même ton dédaigneux.
- C'est-à-dire ?
- Qu'est-ce que t'as morveuse ? siffle-t-il entre ses dents. Ça ne te plaît pas ? T'as un toit au moins tu ne vas pas te plaindre d'être à la rue. Rétorque-t-il fièrement.
Je plisse les yeux puis hausse un sourcil. Comment sait-t-il ? pensais-je. Mais qui est vraiment cet homme ?
-Qu'est-ce que vous me voulez. Dis-je sur un air de défi.
- Ecoute moi bien petite... Je sais qui tu es, et d'ailleurs tout le monde sait qui est l'ado qui dors dans la rue. Sauf qu'il y a une différence entre ces gens et moi. Déclare-t-il en attendant que je réagisse.
Mais je ne bouge pas et me contente de le fixer. Il poursuit.
-Je sais où est ta fille morveuse.
A ces mots, mon cœur se met à accélérer ses battements. Mes lèvres s'entrouvrent prêtent à laisser parler ma voix mais aucun son n'en sort. Et s'il ment ? Pourquoi me dit-il ça ?
-Où est-elle ? finis-je par lâcher d'une voix ferme.
Il abaisse son pistolet.
- Et ne t'emballe pas j'ai juste dis que je sais où elle est, pas que j'allais te la rendre, répond-il narquoisement.
Je comprends son intention. Je la devine. Et il sait. Il sait que j'ai compris. Si je veux retrouver ma fille, je vais devoir obéir à ses ordres. A TOUS ses ordres.
-Vous mentez. Formulais-je.
-Sale morveuse, crache-t-il en reprenant son air menaçant et violent.
Son révolver de nouveau dirigé vers moi je me sens impuissante.
-Comment va la femme ? demande-t-il alors.
Je le regarde surprise de sa question, puis comprenant qu'il parle de ma mère je lui réponds qu'elle est toujours dans le coma.
-ça me hante. Reprend-t-il, soudain l'esprit ailleurs. Nuit et jour je vois son corps passer au-dessus de ma voiture. Poursuit-il le regard dans le vide.
Un élan de pitié me traverse.
-Je n'ai pas fait exprès je te jure je n'ai pas fait exprès, répète-t-il toujours dans son état absent.
- Je sais. Déclarais-je alors, calmement.
Il semble alors revenir à lui et reprendre conscience que je suis devant lui. Il s'apprête à reprendre son air violent lorsque je continue.
-Je sais que vous n'avez pas fait exprès. Vous avez paniqué et vous vous êtes enfuit, tétanisé par la peur. Vous savez que vous risquez gros si vous vous rendez à la police qui vous recherche, et votre conscience vous punit chaque jour de ne pas vous ren...
- Tais-toi m'ordonne-t-il alors en me coupant, la main tremblante et le visage blême. Je n'irai jamais me dénoncer. Tu entends ? Jamais ! s'emporte-t-il, la peur au fond des yeux en brandissant son arme.
Je regarde cet homme tétanisé et perdu, trembler de tout son être, possédé par le souvenir de ma mère sur son capot. Je réduis le peu de distance qui nous sépare puis...
-Qu'est-ce que tu...
Je l'enlace. Il reste quelques secondes sans bouger, sans savoir que faire puis sans surprise, il me repousse, de plus en plus agressif. Sa force me propulse contre le mur que je percute. Je vois trouble pendant une dizaine de secondes, n'entendant pas les menaces de l'homme qui se met à serrer mon cou de sa main droite, le flingue de sa main gauche. Sonnée, je me débats faiblement. Je l'entends alors susurrer :
-Fais ce que je te dis et contente toi de cela si tu veux revoir ta fille. Et ne tente même plus de m'amadouer avec ta fausse gentillesse sale garce. Ajoute-t-il avant de ma lâche brusquement.
Il s'éloigne de moi et claque la porte qu'il prend soin de verrouiller. Je peine à recouvrir ma respiration. Ma gorge me brûle et la peur me serre le ventre à m'en donner la nausée. Assise, adossée contre le mur, je pense à Linda et Chloé qui doivent être mortes d'inquiétude.
Je n'arrive pas à fermer l'œil de la nuit, alerte au moindre bruit suspect. Au petit matin il revient m'apporter à manger. Je suis surprise de voir que c'est un véritable petit-déjeuner auquel j'ai droit. Tartines, jus d'orange et café.
- Merci, lançais-je.
- Ne crois pas que c'est pour prendre soin de toi, rétorque-t-il agressif. Mais prend des forces, tu en auras besoin pour la journée qui t'attend, ajoute-t-il en s'en allant.
Je reste interdite face à ces dernières paroles et ma faim s'évapore. Je regarde mon reflet dans le bol. Mon visage pâle, mes cheveux décoiffés et mes cernes témoignent de la fatigue accumulée. Puis la peur se met à gonfler dans mon ventre, le remplissant de vide et comblant ma faim. Un rayon de soleil traverse la petite lucarne et se pose sur mon visage. Peut-être est-ce le signe d'un nouvel espoir ?

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Estelle Dolorès
Genç KurguJe m'appelle Aurore. J'ai 16 ans et cela fais une année que je vis dans la rue, depuis que j'ai accouché d'Estelle plus précisément. Ma vie est rythmée par les regards froids des inconnus qui nous voient, jusqu'à ce soir de Décembre ou ma fille m'es...