Chapitre 10

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Linda me demande qui a écrit la lettre. Elle ne sait pas que c'est une menace que l'on m'a envoyée et je ne compte pas l'effrayer alors je lui réponds que c'est d'une amie qui a appris mon arrivée à l'hôpital et qui m'invite à lui rendre visite après ma convalescence.

-C'est gentil de sa part, mais je ne sais pas si tu vas être libre longtemps... Tu comprends ?

Je hoche la tête.

-Je vais aller la voir tout de suite, déclarais-je en laçant mes chaussures.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée, lance Linda sur un ton inquiet.

Je ne l'écoute pas. Je ferme ma valise puis regarde une dernière fois la chambre afin de m'assurer que je n'oublie rien puis je commence à sortir de la chambre. Mais j'interromps mon geste, pose ma valise puis avance vers Linda pour l'enlacer.

-Merci...

Je suis dans la rue. Je jette un œil à la petite enveloppe que je tiens dans la main, observe les alentours puis fourre le papier dans ma poche. Quelqu'un me dépasse, un personnage pressé, assez étrange, portant un chapeau et un long manteau noir. Je remarque que quelque chose tombe de sa poche arrière. Je me dépêche de le ramasser.

-Monsieur ! l'appelais-je en le suivant. Monsieur !

Mais il ne réagit pas. Je songe que c'est peut-être une femme et tente de l'interpeller.

-Madame !

Mais la personne traverse juste avant qu'un bus ne s'arrête devant moi, laissant descendre ses passagers. Lorsque je contourne l'autocar, j'ai perdu la personne des yeux. J'observe alors ce que je tiens entre les mains et découvre une note sur un billet d'avion. Je dû relire plusieurs fois pour être sûre d'avoir bien compris ces quelques mots : « On se retrouve à Paris A.D, à bientôt ».

Que cela veut-il dire ? Et A.D est-ce une coïncidence ou traduisent-elles vraiment mon nom ? Un assaut de questions surgis simultanément et si je veux des réponses, je dois me rendre à l'aéroport et prendre l'avion de 15h30 p.m en direction de Paris. Je fouille dans ma valise et y trouve une petite bourse contenant de l'argent. Je remercie intérieurement Linda.

L'église sonne 15h. Je fais signe à un taxi qui se gare devant moi et aussitôt la portière ouverte je lui demande de me déposer à l'aéroport Kennedy. La circulation est dense et la voiture peine à avancer. Les aiguilles du conteur ne dépassent pas les 10km/h. Je soupire, stressée et agacée par la situation.

Il est 15h 15 et nous ne sommes toujours pas à l'aéroport. Je décide d'arrêter le taxi, lui paie sa course puis sort du véhicule. Je commence à courir puis soudainement je retourne sur mes pas vers le taxi. Je viens de réaliser que le chauffeur du taxi ressemblait à la personne qui a laissé tomber le billet devant moi. Mais lorsque j'arrive à la hauteur du conducteur, le fauteuil est vide, aucun signe de cet étrange personnage.

15h20.

Je me ressaisi et me persuade que ce n'est que le fruit de mon imagination débordante qui me joue des tours. Je cours le plus vite possible, ma valise roulant sur les pavés des trottoirs, cahotant dans tous les sens.

15h24.

J'arrive à l'aéroport, essoufflée et épuisée. Je me précipite au guichet et présente mon passeport, ma carte d'identité et mon billet d'avion à la femme qui me regarde de haut en bas.

-Vous êtes mineure.

-Et alors ?

-Vous ne pouvez prendre l'avion que si vous êtes accompagnée.

-Mais ma mère m'attend dans l'avion !! je me mets à mentir.

-De toute façon il est trop tard jeune fille, l'avion décolle dans six minutes.

-Il est encore au sol à ce que je sache, c'est urgent je vous en prie ne me faites pas perdre plus de temps.

Elle me dévisage, soupire, puis prend mon billet qu'elle tamponne avant de me le rendre.

-C'est à droite pour les bagages, dépêchez-vous, me dit-elle.

-Merci ! lançais-je déjà partie.

15h27.

Je suis fouillée par les agents de sécurité pendant que ma valise défile sur le tapis roulant.

15h29.

Ma valise est emportée à la dernière minute par un homme qui la pose dans la soute de l'avion.

15h30.

Je monte les marches de l'avion, puis la porte se referme juste derrière moi. Je regarde le numéro qui figure sur mon billet puis cherche ma place parmices gens qui me dévisagent froidement.

Je fais mine de les ignorer. L'avion n'est pas rempli ce qui me permet de trouver mon siège, accolé à un hublot à l'arrière de l'avion. Je suis assise à côté d'un garçon d'environ 18 ans. Ses cheveux blonds recouverts d'une fine couche de gel. Sa peau légèrement bronzée fait ressortir ses yeux bleus. Il me surprend en train de le regarder. Honteuse, je détourne aussitôt la tête. Je sens mes joues s'empourprer.

Il rit.

Je le regarde à nouveau, le regard sévère.

-Ne te moque pas de moi ! me défendis-je de son rire moqueur.

Son hilarité laisse entrevoir sa dentition parfaite.

Je tente de résister mais je fini par me laisser emporter par un fou-rire incontrôlable. Les autres passagers nous regardent. Certains pouffent de rire de nous voir ainsi, d'autres soupirent sous prétexte que l'on dérange. Puis lorsque je me calme enfin, je remarque que nous avons décollé et que nous survolons l'Angleterre. Notre belle Angleterre.

-Tu vas faire quoi en France ? me demande le garçon en me tirant de mes pensées.

-Je... Je vais chercher quelqu'un, dis-je.

-Quelqu'un ? insiste-t-il pour que j'en dise un peu plus.

Je songe quelques secondes avant de lâcher un « ouai ». Nous nous remettons à rires aux éclats suite à cette réponse très peu développée prononcée par la majorité des adolescents.

Au bout d'1h00 à parler de tout et de rien avec cet inconnu dont je ne connais même pas le nom, l'avion se met à trembler. Le pilote nous informe que les intempéries et un vent violent sont les causes de ces turbulences. Je me sens moins tranquille désormais. Puis tout s'enchaîna. Une éclaire frappe le cockpit et l'arrière de l'avion à quelques mètres de là où nous nous trouvons. L'un des moteurs s'enflamme et embrase le ventre de l'appareil. Le feu se propage à une vitesse folle et entame le sol. Le pilote nous ordonne de rester tranquille et de boucler nos ceintures, car ils vont tenter un atterrissage d'urgence, mais l'agitation est à son comble. Des femmes, des hommes des enfants, nous sommes tous enfermés dans cet avion en proie aux flammes à des kilomètres du sol. Une secousse violente et une explosion font tomber plusieurs d'entre nous sur le sol chaud de l'appareil. On apprend que c'est le second moteur qui est désormais inutilisable. On virevolte dans les airs, je tombe plusieurs fois, je me brûle à cause du sol. Je suis en larme. Puis je sens des bras musclés me relever et me maintenir debout, entre deux sièges. Quelque chose éclate à l'intérieur de l'avion et aussitôt après, une douleur lancinante me traverse le bras gauche. Puis j'ose regarder par le hublot. Nous sommes en chute libre au-dessus de la manche. Je pleure. Je serre très fort les bras qui m'entourent. Je remarque que c'est le garçon, il saigne au visage, blessé par un débris d'avion qui s'est logé dans sa joue. Je me retourne contre lui, il garde les yeux ouverts. Il me sourit même, pour me rassurer sans doute. Il me regarde droit dans les yeux, puis m'embrasse au moment même où l'avion s'écrase dans les eaux profondes, pour une dernière descente aux enfers.

Estelle DolorèsWhere stories live. Discover now