Chapitre 13

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Je prend l'enveloppe légèrement froissée puis l'ouvre, curieuse et à la fois terrifiée par ce que je pourrai trouver à l'intérieur. J'hésite quelques secondes avant de la défaire puis déchire le papier et trouve un billet de train. Au dos, la même menace que l'on m'avait glissée dans la main il y a quelques jours, signée O.

« N'oublie pas que tu n'as qu'a obéir pour revoir un jour ta fille. O ».

Je me lève précipitamment, la tête me tourne un peu et mes côtes me rappellent qu'elles sont cassées, mais j'enfile mes vêtements le plus rapidement possible. La gare où je dois me rendre est à quelques minutes de l'hôpital dans lequel je suis. Mon train est à 23h 45. Il est 23h 10.

J'ouvre la porte de ma chambre et constate que le couloir est désert. J'avance doucement dans ce corridor qui me semble interminable lorsqu'une porte s'ouvre. Deux personnes en sortent. Je me met à paniquer puis trouve une issue et me faufile dans une chambre sans être vue. Dans le couloir, une infirmière et un médecin discutent. Leur voix se rapprochent et je sens mon cœur s'accélérer. Instinctivement je me cache dans l'armoire, puis, quelques secondes plus tard ils frappent à la porte puis entrent.

- Bonsoir Monsieur Tyger.

Une voix que je reconnais aussitôt répond au médecin.

- Nous avons donc les résultats des analyses et vous pouvez vous réjouir, nous vous gardons une semaine tout au plus en observation.

J'entrouvre légèrement la porte de l'armoire et mes doutes sont confirmés. Car ce Monsieur Tyger n'est autre que le garçon de l'avion. A sa vue, mon cœur se met à battre très fort comme s'il voulait sortir et le rejoindre. Il fait soudainement très chaud dans cette armoire trop étroite. J'écarte davantage les portes pour laisser entrer l'air, mais j'attire l'attention du garçon qui me reconnaît aussitôt. On se regarde, on ne se quitte plus du regard.

- Monsieur Tyger ? l'interpelle l'infirmière pour la deuxième fois.

Il détourne enfin son regard du mien puis s'accroche à celui de la femme, qui continue son monologue. Je profite de la situation pour m'éclipser furtivement de la pièce. Mission réussie. Je me met à courir dans les couloirs. Soit je suis vraiment idiote, soit je suis tellement bouleversée que je n'ai plus aucun repère et ne trouve pas la sortie. Je trouve un ascenseur que j'emprunte pour me rendre au rez de chaussée puis quitte enfin l'hôpital en courant, mon billet de train dans la main.

L'instinct me pousse à agir, à croire aux menaces et à les exécuter.. L'instinct ? Ou peut-être est-ce simplement l'espoir ? La seule chose que je sais vraiment, c'est que je mourrai un jour. Je continue donc à courir, malgré la souffrance et la peur qui ne me quittent plus. Je trouve facilement la gare. J'ai 2 minutes d'avance et en profite pour m'arranger un peu dans les toilettes du train. Le miroir reflète un visage blafard, légèrement rosé par le froid et le sprint que je viens de faire. Je remarque une cicatrice près de mon arcade gauche, puis une autre sur ma clavicule.

- Ils ont raison... J'ai eu de la chance, dis-je à mon image.

J'entends les portes du train se fermer. Je me jette un dernier regard puis sors de la cabine.

Je suis seule dans ce wagon, mais je ne suis pas soulagée pour autant donc je reste sur mes gardes jusqu'à ce que le sommeil ai raison de moi.

Je me réveille doucement. Je suis un peu perdue puis je me souviens que je dois me rendre à Paris, en France. Ma fille m'y attend peut-être... A cette pensée, un élan d'excitation me surprend et me fait esquisser un sourire. La voix du train annonce en français que nous seront dans la capitale au prochain arrêt. Je regarde par la fenêtre, le jour va bientôt naître et la ville se mettra à vivre. C'est la première fois que je me rend à l'étranger et une petite appréhension me tiraille le ventre. La porte du wagon derrière moi s'ouvre et j'entends quelques pas. La personne fais glisser une enveloppe sur le sol à ma hauteur. Surprise, je me retourne pour voir à qui j'ai à faire mais cette personne, avec ce long manteau noir et son chapeau que j'ai vu si souvent me tourne le dos et repart précipitamment.

Je me lève aussi vite et la poursuit mais les portes se referment devant moi. La rage se propage dans mon corps puis remonte jusqu'à mes lèvres qui injurient inutilement cette silhouette. Hors de moi, je prend l'enveloppe et la déchire en deux avant de fondre en larmes. Je m'assied sur le sol métallisé, mes mains cachant mon visage déjà humide.

Je reste ainsi quelques minutes avant de me ressaisir. Je me relève et m'avance vers le premier morceau de papier. Alors, mon cœur se met à bondir dans ma poitrine lorsque j'aperçois la photo d'Estelle dépassant de l'enveloppe. Je ramasse les deux morceaux et les assembles.

- Estelle, soufflais-je, l'espoir renaissant dans mon esprit.

Elle est joliment vêtue d'une petite robe violette sous un long manteau blanc. Elle fixe l'objectif de ses yeux bleus, j'ai l'impression qu'elle me regarde. Elle est dans les bras de quelqu'un dont je ne vois pas le visage. Derrière eux, la tour Eiffel trône en maître.

- C'est là bas que je dois me rendre ? Me demandais-je.

Rien d'autre n'accompagnait l'image.

Le train ralentit.

Puis s'arrête.

Les portes s'ouvrent et dès lors je me faufile dehors, déterminée à savoir qui se cache sous ce chapeau. Mais je n'avais pas prévu que les parisiens seraient de la partie... En faveur de ce mystérieux inconnus.

Estelle DolorèsWhere stories live. Discover now