Partie 3 - Malaise

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Ava


Il y a vingt minutes que l'avion s'est posé. Etonnamment, j'ai dormi une grande partie du trajet. Le trajet en voiture jusqu'à l'aéroport a été une telle épreuve que mon corps a fini par lâcher une fois installé sur le siège de l'avion. La sécurité passée, je peux enfin me diriger vers le hall des bagages. J'aurai pu faire appel à une assistance pour m'accompagner pendant le vol et après celui-ci mais je déteste avoir l'air plus handicapée que je ne le suis. Puisque je sais de toute façon que je ne pourrais pas trouver seule ma valise, je m'adresse à un couple qui, à entendre les voix semble assez jeune.


- Excusez moi, il me semble que je suis bien devant le tapis B3, j'aimerais récupérer ma valise mais je ne suis pas capable de la reconnaître. Pourriez vous m'aider ? C'est une valise bleue avec deux bandes blanches et une bande rouge.


J'imagine le regard du couple qui s'arrête et s'attarde sur ma canne et mes lunettes noires. Je détestais déjà le regard des gens avant tout ça, mais depuis l'accident, celui-ci m'est encore plus insupportable. En réalité ces lunettes, je n'en n'ai pas besoin. mes yeux ne voient plus une lumière aussi aveuglante qu'il y a quelques mois et ils ont toujours leur même couleur, leur même mobilité, comme si je voyais encore. Mais justement, je me suis retrouvée plusieurs fois dans des situations où l'on me prenait pour une personne attardée alors que je ne pouvais simplement pas voir. Depuis, j'ai décidé de mettre les choses au clair, pour eux comme pour moi. Je suis aveugle. Et si les gens ne l'avaient pas compris, ces lunettes noires et cette canne le confirme. 

Passé quelques instant où je les sens quelque peu gênés, ils se rapprochent légèrement de moi.


- Bien sûr, nous allons vous la trouver, répond une voix de femme.

- Merci, c'est gentil.

Après quelques minutes silencieuses pendant lesquelles les valisent arrivent sur le tapis roulant, ils repèrent ma valise et l'arrêtent avant qu'elle ne reparte plus loin sur le tapis. Une fois descendu de ce dernier, il me la donne.


- Je vous remercie, bonne fin de soirée à vous.


Ces minutes silencieuses ont été pesantes et très représentatives du malaise que ressentent les gens dés qu'ils me voient ou me rencontrent. Ils ne savent pas par quel bout me prendre. Je suis fatiguée de cette pitié et de ce malaise que je crée.  Je vois difficilement comment je pourrais retrouver une vie normale alors que tout le monde me traite comme quelqu'un d'anormal. Où peut-être que c'est moi qui ait l'illusion qu'on me regarde mal alors que les gens agissent normalement. Tout mes sens sont continuellement en alerte depuis l'accident et j'ai l'impression de devenir folle à voir le mal partout. 

La poignée de ma valise dans une main, ma canne dans l'autre, je marche vers la sortie en veillant une fois encore à bien suivre les chemins de clous au sol. A deux reprises je m'arrête tout de même pour demander mon chemin et confirmer que je me dirige dans la bonne direction. Je ne connais pas bien la ville et la seule chose que j'ai pour trouver le studio que j'ai réussi à louer c'est son adresse, alors à contre cœur je décide de trouver un taxi pour m'y emmener. Sans surprise, le trajet est atrocement long et très stressant. Chaque coup de klaxon est une épreuve, et dieu sait que les parisiens adore leurs Klaxons... Chaque à-coup dans les bouchons heurte mon corps et ma mémoire mais j'essaye tant bien que mal de me rassurer en me disant qu'il ne peut rien m'arriver. Que pourrait-il m'arriver de pire de toute façon. Le taxi s'arrête après trente interminables minutes. Mon cœur a eu le temps d'exploser cent fois et ma respiration s'être arrêtée à chaque instant où la voiture freinait un peu trop brutalement.  

Rise Up [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant