"Wake up and get back to life. »
Ava
27 août
Cinq mois que je me bats tous les jours pour avancer. Les douleurs ne sont plus que morales. Mon corps, lui, semble avoir presque totalement retrouvé sa mobilité. Après quelques semaines de rééducation, je suis rapidement passée du fauteuil roulant, à la canne et de la canne à plus aucune aide sur laquelle m'appuyer. Il m'arrive encore d'avoir quelques raideurs au réveil ou de boiter un peu après être restée longtemps debout, mais mon corps va bien. Enfin bien, c'est peut-être un peu trop positif. Mon corps fonctionne.
Malgré ces cinq mois, je n'ai pas retrouvé la vue. Les différents médecins qui ont suivi mon évolution continuent de vouloir me rassurer en me répétant que parfois le cerveau met plus de temps à récupérer mais j'ai arrêté d'être naïve. Après deux mois, je m'étais déjà fait à l'idée de rester aveugle et mes cours "d'autonomie pour les aveugles" que l'on m'avait forcée à suivre au début s'avèrent finalement plus utiles que prévu. De toute façon, même s'il existe une probabilité pour que je retrouve la vue, celle-ci s'amenuise un peu plus chaque jour, alors autant essayer de relativiser. Mais j'ai beau essayer de donner le change, de donner l'impression que la vie continue, c'est avant tout moi que j'essaye de convaincre, difficilement.
Comment peut-on faire accepter à quelqu'un qui a toujours admiré ce qui pouvait l'entourer qu'elle ne pourra plus jamais voir ni couchers de soleil, ni arcs en ciel, ni changements de saison, ni ciels étoilés, ni sourires, ni quoi que ce soit ? Comment peut-on faire à accepter à une cinéphile en herbe qu'elle ne pourra jamais plus voir aucune projection qu'elles soient sur petit ou grand écran ? Comment peut-on faire accepter à une étudiante en master de journalisme photo reporter qu'elle doit oublier ses ambitions ? Qu'elle ne peut plus suivre ses études et réaliser ses rêves ? Mon corps semble avoir accepté cette obscure lumière mais ma tête ne veut pas s'y résoudre.
Il y a un mois, je recevait un courrier de la direction de mon université qui m'annonçait, je cite : "qu'elle était navrée de ma situation mais que celle-ci ne correspondait plus aux exigences de mon cursus." J'avais de toute façon été absente lors des examens finaux du premier semestre et par conséquent je n'aurais pas pu valider ma première année de master, même si je revenais maintenant. Bien belle manière de me dire que j'étais tout simplement virée. Dans mon malheur, mon cas n'était pas si désespéré : une bourse dérogatoire afin d'entrer en master audiovisuel m'avait été proposée par l'université de la Sorbonne à Paris. Evidemment, on n'obtient pas une dérogation de ce type en claquant des doigts. Je remercie mon oncle de m'avoir largement pistonnée pour cela. Si je ne pouvais pas devenir journaliste photo, peut-être avais-je encore une chance de devenir journaliste radio, ou bien ingénieur du son pour un journal télévisé, même si cela impliquait de déménager à plusieurs milliers de kilomètres pour retourner en France après quinze années de vie au Québec.
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Aujourd'hui c'est le grand jour. Le jour du nouveau départ, le début d'une nouvelle vie, ou peut-être juste le début d'un retour à la vie.
Ma valise est prête, elle n'a pas été très compliquée à faire. J'ai laissé de côté toute ma coquetterie pour des vêtements amples et confortables. Puisque je ne peux ni voir en détail ce que je ne porte ni voir la réaction des autres, autant pouvoir porter quelque chose de confortable et discret. De toute façon je ne vais pas m'encombrer de dizaines de vêtements. Paris est un endroit civilisé, alors des vêtements je pourrais en trouver là-bas. A l'aide de ma canne blanche, je descends l'unique marche qui sépare la porte d'entrée de l'extérieur. Mon oncle a décidé de rester avec moi le temps de ma rééducation et est venu habiter dans notre maison. Il a catégoriquement refusé que je retourne dans ma chambre, puisque j'étais obligée de passer matin et soir par un escalier pour y arriver. Ce qu'il ne prend pas en compte, c'est que des escaliers j'en ai déjà eu à monter, et que j'en rencontrerai d'autres, mais je l'ai laissé faire.
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Rise Up [En cours]
Fiction généralePerte de la vue temporaire... Temporaire qu'ils disaient! Ava, neuf mois après l'accident de voiture qui coûta la vie à sa famille et qui l'a rendit temporairement aveugle, reprend en main la vie qu'elle avait laissé en suspens. Elle se retrouve s...