Tous au château!

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Les Trémaine ressemblaient à des épouvantails bariolés. En tout cas, si elles avaient décidé de faire une reconversion, c'était réussit, songea Cendre. Aucun oiseau n'aurait osé s'approcher à plus de dix mètres. Et encore...

Apparemment, elles étaient parties du principe que plus elles portaient de trucs qui brille, plus elles étaient belles. Ce qui était pour le moins très discutable. Sans compter que leurs visages à toutes les trois étaient tellement fardés qu'on aurait dit des fantômes, avec deux ronds rouges sur les joues qui évoquaient irrésistiblement des poupées alcooliques.

Avec enthousiasme, Cendre revêtit l'habit que lui avait confectionné Maryan. Une tunique grise, sobre, un peu trop grande mais élégante, avec une large ceinture en tissu et un pantalon noir. Il était toujours pied nus, mais il devrait s'en contenter.

Il attacha ses cheveux – long et coupés n'importe comment – du mieux qu'il put, et se frotta le visage et les mains avec le chiffon le moins sale qu'il puisse trouver. Le pauvre n'avait aucun miroir dans lequel constater qu'il était toujours couvert de suie, mais s'en doutait un peu. Il haussa les épaules. Ils avaient dit « tenue correcte », pas « visage propre ».

Puis il descendit les escaliers qui menaient au garage-écurie et ouvrit la porte à ses tortionnaires.

La voiture semi-automatisé – un modèle de grand luxe – avait été nettoyé de font en comble par le jeune homme (qui en avait profité pour faire quelques discrètes améliorations). Et dire que les Trémaine avaient toujours trouvé ça normal de posséder l'un des seuls moteurs qui fonctionnait encore... La plupart du temps, on alternait entre chevaux et moteur, par souci d'économie. Mais aujourd'hui, point d'équidés. Question de panache.

Cendre constata avec inquiétude qu'il se trouvait déjà quelqu'un à la place du conducteur, un gars du village qui lui envoya un sourire désolé. Le jeune homme fronça les sourcils. Il n'allait pas monter à l'intérieur, tout de même...

Les deux sœurs laissèrent échapper un rire méchant.

-Désolé, le souillon, mais tu n'as pas finit de racler le sol de l'entrée ! D'ailleurs, cet habit est bien trop miteux. Tu ne voudrais pas nous faire honte devant le roi avec un haillon tout déchirée et boueux, quand même !

-Mais il n'y a pas de déchirure... S'étonna Cendre.

Lady Trémaine envoya un regard d'approbation à Javotte, la poussant à continuer. La jeune fille posa une main sur l'épaule de sa victime.

-Vraiment ? Ricana-t-elle en enfonçant ses ongles polis et pointus dans le tissu de mauvaise qualité.

Il y eut un bruit de déchirure.

-Moi j'en vois une énorme ! Commenta-t-elle en désignant l'épaule nue du jeune homme.

Anastasie leva la jambe et donna un coup de pieds dans l'air. Des gouttelettes de boue constellèrent l'habit. En tentant de les essuyer, Cendre ne fit qu'ajouter de larges traînés de suie.

Les sœurs ricanèrent de plus belle. Cendre sentit les larmes lui monter aux yeux.

Il avait fini par croire que leurs tours ne l'atteignaient plus, pauvre naïf qu'il était. Mais il avait tellement envie d'aller à ce bal... Il avait vraiment cru, un instant, qu'il allait réussir à s'échapper, ne serais-ce qu'un soir...

-Dégage, le souillon, conclu Javotte en le poussant brusquement.

Le jeune homme atterrit sur les fesses, dans la boue.

Le rire des sœurs Trémaine persista encore longtemps après leur départ.

Cendre s'enferma dans l'étreinte de ses bras et pleura amèrement. Normalement, il aurait été ravi d'avoir la totale liberté de pratiquer ses expériences et lire toute la nuit en étant certain de ne pas être dérangé. Mais il était trop déçu, trop blessé dans son amour-propre – déjà si endommagé – qu'il savait qu'il ne serait bon à rien ce soir.

Cendre (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant