Une semaine passée, déjà, songea Cendre en réparant une chaise branlante.
Une semaine depuis le bal.
Il lui semblait que c'était hier, tant le temps passé depuis n'avait pas d'importance. Et pourtant, lorsqu'il conviait à lui un souvenir de cette incroyable soirée, il lui semblait qu'elle s'était déroulée il y a un an, un siècle, une éternité. Peut-être que les souvenirs s'usaient, si on les déroulait trop souvent.
Le jeune homme lâcha un soupir. Il faudrait bien qu'il se fasse une raison.
Cendre savait qu'il s'en remettrait, le temps aidant. Mais il savait aussi, avec une certitude effrayante, que de toute sa vie, quoi qu'il lui arrive, il n'aimerait personne d'autre avec cette intensité-là.
Il fallait qu'il parte. Loin. Loin d'ici, loin des Trémaine, loin de ces souvenirs et de cet endroit maudit. Loin du château.
Loin du roi.
Maryan accepterait-elle de fuir avec lui ? Même s'il ne lui ait encore parlé de rien, il l'espérait de tout cœur. Quoi qu'il en soit, sa décision était prise.
Il avait retrouvé dans un livre la description du fonctionnement d'un « havre-sac ». Un bagage qui lui permettrait de transporter toute sa bibliothèque et ses inventions. Un sac plus grand à l'intérieur, en quelque sorte. Il planchait toutes les nuits dessus, éclairé par sa petite bougie, concentré sur les mots et les schémas compliqués. Même à l'époque, concevoir un havre-sac était réputé pour être extrêmement difficile. Mais Cendre partait du principe que les difficultés disparaissaient lorsqu'on les ignorait. Et qu'on espérait assez fort.
Il reposa la chaise qu'il était en train de réparer et la testa. Parfait.
Il se redressa et s'étira longuement, faisant voler tout autour de lui quelques nuages de sui. Combien de temps, avant de pouvoir s'enfuir ? Il avait hâte, désormais. Chaque seconde passé dans ce manoir était une brûlure insupportable.
À cet instant, on entendit le bruit d'un moteur.
Le cœur de Cendre manqua un battement.
Le roi.
Il était là. Là. Tout près.
Il était venu le chercher !
Il entendit des pas précipités et des cris. Il allait se ruer dans l'entrée lorsque Lady Trémaine passa devant la salle où il se trouvait et s'aperçut de sa présence. Il se recroquevilla sous son regard glacial.
Elle sembla réfléchir un instant, puis sortit de sa poche une petite clef, l'inséra dans la serrure... et claqua la porte.
Cendre entendit distinctement le loquet tourner.
Il retint de justesse un petit rire. Allan – pardon, Alexandre Ier – était là, tout prêt, et cette sorcière pensait qu'une porte verrouillée allait l'arrêter ?
Si le roi était là, c'est qu'il savait qui était Cendre. Qu'il lui avait pardonné. Et qu'il l'acceptait comme il était.
Il sortit d'une poche intérieure un jeu de crochets et se pencha sur la serrure.
Il entendit la porte du grand hall s'ouvrir.
Vite !
Il se força à se concentrer. Allez...
Enfin, la serrure daigna coopérer. Cendre lui envoya un remerciement silencieux et ouvrit doucement la porte.
Plié en quatre pour ne pas être repéré, il se cacha en haut des escaliers, au même endroit d'où il avait espionné l'invitation au bal...

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Cendre (BxB)
FanfictionIl était une fois un pays lointain, un royaume en ruine qu'une guerre interminable n'en finit plus de détruire. Il était une fois un roi au cœur glacé de solitude. Il était une fois un jeune homme traité comme un souillon par sa famille adoptive. Il...