Coup de foudre

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Alexandre ne savait plus ou donner de la tête.

En d'autres circonstance, il aurait adoré voir le quotidien monotone du château ainsi transformé par cette débauche de couleurs, de musiques, d'éclats de conversations et de musique. Le seul problème... C'est que personne ne semblait vouloir lui donner l'occasion de respirer.

Chaque nouvel arrivant se précipitait vers lui comme un vautour sur une charogne, pour lui vanter sa progéniture ou tomber dans ses bras « comme par hasard ». Il ne comptait même plus le nombre de jeunes gens qui avaient fait un « malaise » en le voyant. Tant d'hypocrisie le mettaient mal à l'aise et le dégouttait plus qu'il ne l'aurait cru possible.

Il recevait des tonnes et des tonnes de compliments à la minute, et il fallut même séparer une femme et un non-binaire qui se battait pour savoir lequel avait fait un meilleur compliment sur ses cheveux. Est-ce qu'ils étaient aussi radieux que le soleil, ou aussi brillant que l'or ? Alexandre conclut l'affaire en disant qu'il était blond. Rien d'extraordinaire. Mais sire, vous êtes trop modeste, gnagnagna et gnagnagna...

Il s'était plus ou moins attendu à voir des gens de toutes extractions, puisqu'il avait pris soin de demander à Élis que l'invitation parvienne à tous les habitants d'Élestra, mais il n'y avait que des Grands du royaume, des nobles et des bourgeois.

Avec un soupir, Alexandre admit qu'il avait été naïf de penser que les classes sociales se mêleraient aussi facilement. Son chambellan l'avait prévenu, pourtant...

Il battit en retraite devant un nouvel l'assaut de deux prétendant-es (on aurait dit des épouvantails fusionnés avec des poupées alcooliques) et rejoignit l'estrade royale. Les assaillants hésitèrent un instant à le suivre, mais un regard glacial les retint de justesse.

-Pour l'amour des Dieux, souffla Alexandre dans l'oreille de son chambellan, lancez la musique ! Que les gens commencent à danser !

Ayant finalement compris que le roi n'accorderait son attention à personne, tous le monde se désintéressa de lui. La salle était pleine à craquer de bons partis à saisir...

Toute la valeur de la gloire, songea le roi avec un brin de cynisme. Dès qu'il n'y a plus rien à tirer de moi, je n'ai plus d'intérêt.

Les cavalier-ères enfin choisit, la première danse commença, emportant les uns et les autres dans des danses à deux, ou, plus rares, à trois. Alexandre se demanda comment faisaient les trinômes au quotidien. Déjà qu'il n'envisageait pas de tomber amoureux d'une personne, alors de deux...

Comme nul ne faisait plus attention à lui, il se leva de son trône et s'éclipsa subrepticement dans un couloir adjacent. Enfin seul, il s'adossa contre un mur et retira sa couronne, qui ne pesait pas qu'au sens symbolique. Qui avait eut l'idée stupide de faire un truc aussi lourd ? Il regarda autour de lui et, un sourire de gamin sur les lèvres, la posa sur la tête d'une statue. Le grand Rexus III, mythique souverain d'Élestra, avait tout de même plus de classe ainsi. De toute façon, personne n'allait la lui voler.

À cet instant, un cri de surprise se fit entendre dans la salle de bal, suivit d'une vague de murmures.

Allons donc, que s'était-il passé ? Encore un malaise fortuit dans les bras d'un riche partis ?

Tout de même curieux, le roi s'avança prudemment vers l'entrée du couloir, et jeta un coup d'œil dans la salle.

Son cœur rata un battement.

Quelqu'un venait d'entrer. Un individu à la beauté stupéfiante.

Dans cet amalgame de pierres précieuses et de mauvais goût, son élégance sobre semblait déplacée. En fait, songea le roi, la simple grâce de sa posture renvoyait tous les autres invités au rang de pâles et ridicules imitation. Un instant, Alexandre se surprit à penser qu'il n'était pas de leur monde. Un fantôme des splendeurs d'antan, peut-être. Ou un rêve fait chair.

En fait, s'il n'y avait pas eu les exclamations de surprise, Alexandre aurait été persuadé de l'avoir rêvé.

Le jeune roi constata soudain que tous les danseurs avaient les yeux fixés sur le nouveau venu, qui ne semblait pas très à l'aise, au centre de l'attention. Dès que la danse finirait, comprit-il, ils allaient se jeter sur lui sans pitié. Ça allait être un bain de sang.

Il bomba exagérément le torse. Mon petit Alexandre, c'est le moment de jouer les héros...

Et il se jeta sur le champ de bataille avec le courage d'un guerrier émérite, fendant la foule de ses adversaires, qui, comprenant son objectif, essayaient tous de l'empêcher de passer avant que la danse ne finisse.

Mais Alexandre était tenace. Et la mystérieuse apparition bien trop belle pour qu'il y renonce.

Il s'extirpa de la masse des danseurs avec un soupir de soulagement et se jeta littéralement sur son objectif, qui eut un moment de recul. La musique allait s'arrêter. Ce n'était pas le moment de palabrer.

Il se saisit de son poignet – remarquant au passage l'étrange anneau qu'il portait au doigt – et l'attira dans un couloir, ignorant superbement le cri de frustration collectif qui jaillit dans son dos.

Qu'ils aillent se trouver un autre agneau à dévorer. Celui-là était sous sa protection. Personne n'irait défier le roi ouvertement, tout de même !

C'est à cet instant qu'il s'aperçut qu'il tenait toujours dans sa main le poignet de l'autre, qui essayait de freiner sa course.

Il s'arrêta, un peu essoufflé, gêné par sa conduite impulsive.

Puis l'information arriva jusqu'à son cerveau, et il ouvrit la main, rouge de honte.

L'autre lui jeta un regard perdu qu'il rendit fidèlement.

-Qui êtes-vous ? Demandèrent-ils en même temps.

Cendre (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant