L'au-revoir

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Le monde était froid, et l'aube silencieuse, à peine troublé par la respiration du roi endormit, juste à côté de lui.

Cendre était allongé sur le dos. Ses yeux grands ouverts fixaient le plafond. Il se serait bien levé pour aller voir le soleil illuminer l'horizon, mais Alexandre était agrippé à lui comme un noyé à sa dernière planche de salut, et réveiller son amant était bien la dernière chose que Cendre désirait ce matin. Quoique « partir se battre » n'était pas en mauvaise position non plus.

Il caressa doucement mes cheveux blonds qui lui chatouillaient le cou.

Il avait fait l'amour, hier soir. Un amour doux et désespéré. Un au-revoir. L'acte le plus triste que Cendre n'ait jamais accomplit. Puis ils avaient parlé. De leur vie. De leurs rêves. Des histoires que Cendres racontaient. Du Temps des Splendeurs. De tout, sauf du futur. Ils préféraient croire que le futur n'existait pas, que la nuit ne finirait jamais, et qu'ils pourraient passer le reste de leur existence collés l'un à l'autre, sous les draps chauds et accueillants.

Alexandre, miné par l'angoisse, avait fini par s'endormir.

Et le jour s'était levé. Saleté de soleil.

Sa pensée partit en un éclair vers la guerre. À quoi ressemblait un champ de bataille ? À quoi ressemblait un mort ? À quoi ressemblait le bruit des canons, et la salve des armes à feu ?

Pris d'une bouffée d'angoisse, Cendre serra contre lui son amant, qui grogna et papillonna des paupières.

Alexandre sentit, contre son oreille, les battements de Cendre s'affoler, et entendit sa respiration de plus en plus sifflante. Il se pencha au-dessus de lui et l'embrassa.

-Ça va aller, dit-il.

-Tu n'en sais rien, répondit l'autre avec un pauvre sourire.

-Non... Mais j'en ai décidé ainsi. Après tout je suis roi, non ? Alors tu vas revenir en un seul morceau, et c'est tout.

-Alexandre... hésita Cendre. Pourquoi tu... Pourquoi tu ne t'opposes pas à ce que je parte ? Tu ne pourrais pas... faire une exception ?

Le roi le regarda, les yeux pleins de larmes.

-Je ne peux pas, mon amour. Je ne peux pas exiger du peuple ce que je n'exige pas de moi-même. La loi dit que quiconque a été nommé pour aller au front doit s'y rendre. Si je commence à faire des exceptions pour les nobles ou pour mon entourage...

Cendre soupira et détourna le regard.

-Je t'en pris, murmura Alexandre, qui faisait de son mieux pour ne pas laisser les larmes échapper à son emprise. Je t'en prie, pardonne-moi...

-Ce n'est pas ta faute, répondit Cendre en l'attirant contre lui. Ce n'est pas ta faute...

À cet instant, trois coups frappés à la porte résonnèrent dans la chambre, comme un glas.

Ça faisait une demi-heure qu'Élis se tenait dans le couloir sans oser frapper. Iel savait qu'il était l'heure, mais iel voulait accorder aux deux amants le plus de temps possible, la moindre seconde de répit, avant de les renvoyer aux chaos du monde.

Il y des bruits trahissant des mouvements, à l'intérieur, et Alexandre ouvrit la porte.

-C'est l'heure, dit doucement Elis. Je suis désolé.

-Je sais.

Cendre apparu dans son dos, pâle mais digne.

-Il faut que je dise quelque chose à Alexandre, déclara doucement Élis. Tu veux bien partir devant, Cendre ? Je crois que les enfants t'attendent dans la cour, pour te dire au revoir.

Cendre (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant