L'espion au cœur d'acier

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Alexandre regardait les étoiles, allongé sur le dos, au sommet d'une tour en ruine.

C'était son repaire, depuis qu'il avait atterrit ici, catapulté roi à l'age de dix ans. Son jardin secret.

Enfin, pas si secret que ça, puisque toute la cour savait qu'il était là, grâce au Grand Courronneur, qui le leur avait révélé lors de sa première fugue.

Mais, sur les conseils du chambellan, tous le monde avaient la bonne grâce de faire semblant de rien.

Alexandre leva le bras, les doigts écartés.

Le ciel lui paraissait si proche, vu d'ici. À perte de vue. Il pouvait presque tomber dedans, s'y noyer, s'y promener. Se draper d'étoile. Tout oublier.

Soudain, un bruit de pas.

Une silhouette familière naquit au bord de son champ de vision.

Un instant, un si bref instant, il crut que c'était lui.

La déception, quoique absurde, lui fit mal.

-Élis, constata simplement Alexandre d'une voix morte.

-Mon roi, répondit lae chambellan en s'asseyant à côté du souverain allongé.

-Je suppose qu'on ne l'a pas retrouvé ?

-Non, convint Élis.

Iel laissa passer un instant de silence. Iel comprenait pourquoi le roi venait ici. Tout était plus calme, et les étoiles étaient si proches.

-C'est à croire qu'il n'a jamais existé, reprit-iel doucement. Si je ne vous avais pas vu danser avec lui, j'aurais réellement cru que c'était un fantôme.

-Pourtant, soupira le roi, je peux vous assurer qu'il était en chair et en os...

-Je n'en doute pas, répondit Élis avec un petit sourire. Mais j'ai envoyé une missive chez tous les nobles du royaume, comme vous me l'avez ordonné...Ça fait déjà une semaine, à présent. Aucun n'a entendu parler de ce Cendre.

Alexandre lâcha un profond soupir et s'assit.

-Si ce que vous dites est vrai, reprit Élis, hésitant, alors vous savez à quel point nous devons le retrouver. Et pas seulement pour vous...

-Je sais, le coupa le roi. Et oui, ce que je dis est vrai. Je vous jure qu'il a lu devant moi des textes du Temps des Splendeurs, et qu'il semblait tout comprendre ! Mais il devait venir de très loin, car il ne savait pas que nous ne possédions plus de savants.

Il se perdit un instant dans ses réflexions.

-Il ne ressemblait pas à un Ennemi, pourtant.

Il était de notoriété publique, en effet, que leurs belliqueux voisins avaient la peau colorée, du gris à toutes les teintes de couleurs, des yeux en amandes et des oreilles pointues.

-Peut-être, tenta Alexandre, vient-il de l'autre côté de l'Océan Diapré.

Élis lui jeta un regard dubitatif.

-Personne n'a jamais traversé l'océan. Et vous pensez vraiment qu'il aurait fait tout ce voyage, seul, simplement pour assister à votre bal et s'enfuir aux douze coups de minuit ?

Le souverain sortit de sa poche l'anneau transparent, qui luisait d'une douce lueur.

-Et dire que c'est tout ce qu'il me reste de lui... murmura-t-il.

Il referma son poing autour de l'anneau et le place contre son cœur avant de se recroqueviller sur lui-même, comme un enfant.

Élis ne répondit rien. Peut-être n'y avait-il rien à répondre.

~

Ce que ni Alexandre, ni Élis – ni aucun humain, d'ailleurs – ne savaient, c'est que quelqu'un écoutait leur conversation.

Un corbeau.

Un corbeau noir au pelage luisant. Sa tête était recouverte d'une sorte de casque, avec de minuscules lunettes pour les yeux.

L'oiseau pencha la tête, comme pour mieux entendre.

Le vent joua un instant dans ses plumes.

Il ouvrit soudain les ailes et pris son envol, aussitôt remplacé par un congénère à l'attirail semblable.

Le sombre volatil descendit en tournoyant le long de la tour en ruine et s'engouffra avec souplesse dans une minuscule brèche. Ses lunettes tournèrent au vert, lui permettant de voir dans le noir, et d'éviter ainsi les monstrueux engrenages qui emplissait l'espace. Il zigzagua avec souplesse entre les entrailles de l'immense machine pour s'enfoncer un peu plus profondément dans la terre.

Une nouvelle brèche. Une autre salle aux dimensions phénoménales.

Le sol de métal était recouvert de corbeau endormis.

La petite bête vint occuper l'espace qui lui revenait. Aussitôt posée, elle sombra dans le sommeil.

Son casque se brancha à la machine. Les informations qu'il avait récolté se chargèrent doucement, remontant avec patience les longs fils de cuivre jusqu'à une autre pièce, où convergeaient des centaines et des centaines de câbles.

Et, enfin, l'information parvint au Grand Courronneur.

Si l'intelligence artificielle avait pu froncer les sourcils, elle l'aurait fait. Ce Cendre était un total impondérable. Elle avait cherché sa trace partout dans sa base de données, sans le moindre succès.

Elle allait devoir trouver une autre solution.

~

Un jour plus tard, una Élis hors d'haleine fit irruption dans la chambre du roi.

-Sire ! On l'a retrouvé !

Cendre (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant