La solitude du roi

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Alexandre écouta son chambellan débiter d'une voix égale le programme de la soirée.

Il lâcha un profond soupir et détourna son regard d'iel.

-Vous ne m'écoutez pas, se fâcha le Grand du royaume.

-Non, concéda Alexandre.

Le chambellan leva les yeux au ciel.

-Le Grand Couronneur vous a dit, et je suis entièrement d'accord avec cette damnée machine, qu'il serait temps de trouver une personne avec laquelle partager votre fardeau !

-Certes, convint le roi, mais je t'ai, toi, pour me soutenir.

-Pas de cette façon-là, s'amusa le non-binaire.

-Élis, déclara le roi d'un air gêné, je ne crois pas à l'amour.

Le chambellan haussa les sourcils. Voilà autre chose.

-Je veux dire, s'expliqua le roi, que je sais que ça existe, mais je ne crois pas... Je ne vois pas... Comment ça pourrait m'arriver à moi ? Comment qui que ce soit pourrait...

Il s'arrêta pour s'enfermer dans l'étreinte de ses bras.

Lae non-binaire sourit doucement et s'assit à côté de lui pour poser sa main sur son épaule.

-Est-ce que vous voulez tomber amoureux ? Vous n'êtes pas obligé, vous savez. On peut parfaitement être heureux en amitié.

Alexandre baissa les yeux.

-J'aimerais bien, mais je...

-Alors il ne faut pas s'en faire ! Conclu le chambellan. L'amour trouve toujours un moyen.

À cet instant, un coursier débarqua dans la salle, une missive à la main. Le chambellan la lut, adressa un mot d'excuse à son roi, qui lui fit un vague signe de la main, et disparu.

Alexander était de nouveau seul dans cette pièce immense. Dans ce château. Dans l'univers.

Le chambellan était quelqu'un de bien, et il n'avait pas de doute qu'il puisse lui faire confiance.

Mais sa couronne éloignait tout le monde, même Élis, qui l'avait pourtant vu grandir et l'avait presque élevé. Il sentait sur ses épaules peser le poids de ses responsabilités, et, tout autour de lui, comme un bouclier répulsif, la noirceur des décisions qu'il devait prendre chaque jour.

Hier, pour sauver une place forte, il avait dû envoyer à la mort une trentaine de soldats. C'était ça ou perdre deux fois plus de vies. Il le savait. Tout le monde le savait. Mais il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir. Personne ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir. Même cet brave Élis.

Le soleil n'allait pas tarder à se coucher. Il posa ses coudes sur le bord de la fenêtre pour contempler le soleil mourir dans l'horizon.

Chaque rayon était une traînée de sang.

Et il se demanda, avec un désespoir terrifiant, s'il trouverait un jour, dans l'univers, une raison de sourire.

Les trompettes sonnèrent, le rappelant à l'ordre.

Le bal allait commencer.

Cendre (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant