Nutella

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Aiden regarda le bureau dans lequel il se trouvait. S'il avait pu, il aurait trembler de terreur. Cette pièce lui rappelait de mauvais souvenirs. C'était ici qu'il avait cédé sa vie à la mauvaise personne. Un homme arriva devant lui, comme apparu de nulle part, et le regarda de haut en bas de ses yeux bleus glacés. Il passa la main dans ses courts cheveux poivre et sel avant de demander d'une voix sèche en prenant une expression réprobatrice :

— Aurais-tu osé me trahir, chien ? Je te laisse la liberté de dominer d'autres, pas de te faire dominer.

— Je... je n'ai jamais fait ça, Maître !

— Tu protestes ? Par un mensonge qui plus est ? Je sais tout, chien, je sais tout. Ce Jean, je vais le tuer. Ensuite, je te punirai comme il se doit. Et tu peux dire adieu à ta liberté.

Le brun sentit le sol trembler sous lui. Il tenta de crier mais aucun son ne sortit de sa bouche. Le décor changea et il se retrouva dans la cave où Marc était mort, pieds et poings liés dans le dos. La scène lui était trop familière. Il avait déjà vu et revu la mort de son soumis tant de fois. Pourtant, cette fois, Jean n'était pas debout devant lui, le canon de son arme pointé en direction de Marc. Il était assis sur une chaise et derrière lui se trouvait l'homme du bureau, un revolver posé sur sa tempe. Le châtain se débattait, attaché aux accoudoirs, et criait son prénom.

— Je t'avais prévenu, chien, que je le tuerai. Je t'avais prévenu, articula l'homme en pressant la détente.

Le cri de Jean s'intensifia. Aiden voulut hurler, bouger, mais son corps était pétrifié, et il ne put que fermer les yeux. Un bruit assourdissant se fit entendre. Il sentit le sang chaud atterrir sur son visage. Pourtant, les cris continuaient de retentir dans la pièce. Jean continuait de l'appeler. Alors, dans un élan de courage, il ouvrit les yeux.

Avec un sursaut, Aiden sortit de son sommeil. Il haleta légèrement. Ce n'était donc qu'un cauchemar. Rien de tout cela n'avait été vrai ? Il ne sut pas trop pourquoi, mais il en fut soulagé. Il leva les yeux vers Jean, qui était assis à califourchon sur lui et scrutait son visage avec inquiétude. C'était sûrement qu'il avait entendu dans son rêve. Il grogna légèrement.

— Aiden ? Tu es réveillé ?

— T'es lourd... dégage...

— Putain... tu m'as fait peur... ça va ?

— De quoi j'me mêle ? Détache-moi, grogna-t-il en mettant ses poignets sous le nez de Jean.

Ce dernier soupira mais s'exécuta tout de même avant de se lever. Il enfila rapidement un sweat et un jean puis sortit de la chambre en lui disant que le déjeuner était servi. Aiden lui offrit son plus beau majeur avant de rabattre la couette sur son visage et de se rouler en boule. Étrangement, en dehors de son cauchemar, ça faisait plus de deux mois qu'il n'avait pas aussi bien dormi. Pour la première fois, il avait l'impression d'avoir pu un peu recharger les batteries. Toutefois, son mauvais rêve le préoccupait, notamment le regard de Jean lorsque l'homme lui avait tiré dessus. C'était ce moment qui lui faisait le plus mal au cœur, alors que c'était tout ce qu'il souhaitait.

Il se tourna vers le plafond qu'il fixa longuement, en proie à une intense réflexion. Il se souvenait de ce qu'il lui avait dit hier soir. Certaines personnes tenaient à lui, qu'il ne pouvait pas faire des choses que son soumis n'aurait pas voulu le voir faire. Pour autant, il ne voulait pas abandonner son projet de vengeance. C'était trop facile de laisser Jean s'en sortir comme ça.

— Je ne sais pas si savoir qu'il vivra avec le poids de ta mort sur la conscience toute sa vie suffira à me soulager, Marc, souffla-t-il, mais je suppose que je n'ai pas le choix. Tu n'aimerais pas me voir comme ça, il a raison. Je vais vivre ma vie pour nous deux.

Il ferma les yeux et passa une main dans ses cheveux, grimaçant en se disant qu'ils étaient décidément beaucoup trop longs et qu'il faudrait qu'il les recoupe pour partir du bon pied. Il se leva en baillant puis se rendit dans la chambre que lui avait donné le châtain la veille pour enfiler rapidement un jean et un pull rouge qui lui allaient à merveille. Il descendit ensuite les escaliers jusqu'à la cuisine où il trouva Morgane et Jean, l'une aux fourneaux et l'autre attablé devant un café et des tranches de brioche.

— Oh ! Bonjour, Aiden ! Jean m'a dit que tu étais arrivé dans la nuit, tu aurais dû prévenir, mon petit ! Enfin, ce n'est pas grave ! Tu veux boire quelque chose ?

— Désolé, Morgane, je le ferai la prochaine fois. Je peux avoir un chocolat chaud, s'il te plaît ?

— Bien sûr ! Assieds-toi, je te prépare ça.

Le brun remercia la veille femme en souriant et tira la chaise en face du châtain pour s'asseoir dessus. Ce dernier lui lança un petit sourire moqueur, le faisant grogner, avant de prendre le couteau qui traînait sur la table. Aiden le reconnut au premier coup d'œil. C'était celui qu'il avait voulu utiliser pour le tuer. Jean lui coupa quelques tranches de brioche avant de les tartiner de Nutella, toujours avec le même rictus collé aux lèvres. L'ancien manager serra son poing sur la table et s'empressa d'attraper la tartine qu'il lui tendait ainsi que le couteau pour pouvoir étaler de lui-même la pâte à tartiner sur le reste de brioche. Une fois qu'il eût terminé, il remarqua que Jean avait innocemment poussé les siennes vers lui. Il lui jeta un regard noir mais il n'eut pas le temps d'argumenter quoi que ce soit que ce dernier demanda sèchement, avec cette intonation si propre aux dominants :

— Tartine-les.

— Non, répondit le brun sur le même ton, même si sa voix était plus rauque.

— Tartine-les, Aiden, ou tu n'as pas ta clope matinale, le menaça le second gérant du club en sortant un paquet de cigarette de sa poche.

— Connard.

Jean, un, Aiden, zéro. Il soupira longuement et tartina, comme le lui avait si gentiment demandé l'homme en face de lui avec son foutu son sourire en coin, les tranches de brioche. Morgane déposa sa tasse de chocolat fumant devant lui, leur lançant un regard plein d'incompréhension, mais aucun des deux ne fit de remarques. Aiden lui rendit ses tartines et commença enfin son petit-déjeuner, qu'il termina assez rapidement. Il tendit la main vers Jean pour récupérer son paquet, mais ce dernier, qui avait aussi fini, décida plutôt de sortir fumer avec lui, ce qui le fit soupirer une énième fois.

Ils sortirent tous les deux de la bâtisse en prenant une cigarette. Le brun alluma la sienne puis tendit son briquet à son ennemi avant de partir s'asseoir près du vieux chêne dépourvu de feuilles, étant donné qu'ils étaient en plein hiver. Il frissonna d'ailleurs en sentant l'air frais s'engouffrer sous son pull, mais il ne bougea pas. Il se rappela alors que Alexei avait eu vingt-six ans le mois dernier mais qu'il n'avait pas fait de fête surprise à son meilleur ami, comme à son habitude. Cette constatation le fit grimacer et, une fois sa cigarette terminée, il se leva pour rejoindre Jean.

— Je retourne à Paris, j'ai quelques trucs à faire.

— Mm ? Ok... Tu veux passer au club ce soir ?

— Je verrais.

Aiden rentra dans la maison avec un léger sourire, allant chercher ses affaires et saluer Morgane. Déjà, un nouveau plan de vengeance commençait à mûrir dans son cerveau. Cette fois, personne ne mourrait. Mais il allait blesser Jean, il s'en faisait la promesse. 

Soumets-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant