Échecs

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Aiden sortit de sa douche en soufflant. Il mentirait en disant qu'il ne redoutait pas ce qu'il allait faire ce soir. Mais il ne pouvait plus supporter ce qu'était devenue sa vie depuis que Marc avait été tué. Il rasa l'amas de boucles brunes sur sa mâchoire et tenta de dompter ses cheveux, essayant de sourire devant le miroir afin de tromper les gens qu'il croisera. Il devait avoir l'air d'aller bien, sinon on se douterait de quelque chose. Il alla ensuite dans son dressing et enfila un costume bleu roi avec une chemise blanche et de belles chaussures noires. Il ne savait pas vraiment si c'était la dernière tendance, il avait arrêté de feuilleter les magazines de modes et avait lâché ses mannequins juste après la mort de Marc, alors il n'était plus au courant de rien. Mais il n'avait pas envie de recommencer. Plus rien ne l'intéressait. Et puis à quoi bon, puisque tout allait se terminer ce soir ?

Il sortit de la pièce et envoya un message à Alexei, le prévenant qu'il viendrait au club. Il s'en voulait un peu de faire ça là-bas, alors que son meilleur ami pourrait y assister, mais c'était sa seule chance. Avant de quitter son appartement, il prit soin de glisser le couteau de cuisine dans son veston, tentant de le masquer au mieux. Puis, il alla chercher un bouquet chez le fleuriste et partit au cimetière dans lequel lui et le blond avait réussi à faire mettre des tombes à la mémoire de son petit-ami et sa sœur. Il déposa doucement le bouquet sur le marbre et s'accroupit en face. Il caressa le marbre froid du bout des doigts et murmura :

— T'en fais pas, bébé, je vais m'occuper de lui. Je te rejoindrai après.

~~~

Aiden arriva au club aux alentours de vingt-et-une heures. Le vigile le reconnut et le laissa passer sans même le contrôler, ce qui fit énormément diminuer son stress. Il n'aurait pas su quoi faire si ce dernier avait trouvé le couteau caché dans son veston. Il se dirigea aussitôt vers la piste de danse pour la traverser et atteindre son objectif. Il devait rester focalisé dessus, ne pas réfléchir. Il avait trop peur de se dégonfler s'il commençait à hésiter.

En passant entre les hommes et femmes qui dansaient, il sentit cette odeur si particulière que formait le mélange entre le cuir, le sexe et la sueur. Il se rendit compte qu'elle lui avait manqué, au final, même si elle faisait remonter des souvenirs devenus douloureux. Ceux d'un Marc aux cheveux flamboyants sous les lumières du club, déhanchant son corps pâle contre le sien avec un sourire éclatant qui faisait briller ses magnifiques yeux bleus. Il ferma les yeux et marqua un temps d'arrêt. Il ne devait pas craquer. Ce n'était pas le moment. Pas alors qu'il avait quelque chose à faire.

Il joua encore un peu des coudes pour arriver au niveau de l'estrade au fond de la salle où se situait les sièges de Jean et Christian. Sauf que Jean n'était pas sur le sien. Il retint une grimace. Sérieusement, pourquoi ce connard devait-il être absent le jour où il venait ? Il aurait bien fui aussitôt après avoir découvert son absence mais Christian et Alexei étaient eux bien présents à leur place et l'avaient déjà remarqué. Il se força à sourire, comme il l'avait répété devant le miroir, et s'avança vers eux en essayant de paraître détendu. Il salua le châtain d'une poignée de main et, après en avoir reçu l'autorisation, son meilleur ami se leva et l'enlaça doucement.

— Ça faisait longtemps...

— À peine deux semaines, Alex', ça fait pas si longtemps, souffla-t-il en répondant tant bien que mal à son étreinte pour ne pas qu'il sente le couteau.

— ... On se voyait tous les jours, habituellement, répliqua tristement son ami en le lâchant.

Il ne répondit rien. Fut une époque où voir son meilleur ami triste lui aurait sûrement fait plus d'effet que ça. Mais maintenant, alors que son cœur lui avait été arraché, plus rien n'avait d'importance. Alexei avait Christian maintenant. Il était sûr de ne pas lui manquer si longtemps que ça. Et puis, s'il devait être honnête, il lui en voulait à lui aussi. S'ils n'avaient pas été au secours de Christian, Marc ne serait jamais mort. Il savait que ce n'était pas lui qui avait pressé la détente, qu'il n'aurait jamais pu prévoir une telle chose, mais c'était plus fort que lui. Quand ce n'était pas la tristesse qui le rongeait, c'était la colère. Et il devait absolument la diriger contre quelqu'un.

Soumets-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant