But the heart refused to die

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Aiden gémit de douleur. Un énième coup de fouet venait de s'abattre sur son dos. Il était déjà marqué par de multiples bleus et il avait quelques plaies où le sang séchait. Depuis combien de temps ses hommes testaient leurs coups de poignet sur son corps ? Depuis combien de temps avait-il cessé de pleurer et de crier ? Il ne savait plus... il ne comptait plus... tout ce qui importait était la douleur qui parcourait son corps à chaque fois qu'une blessure était ouverte ou approfondie et qu'un bleu se formait sur sa peau. Il voulait que ces salopards disparaissent de sa vue, il voulait qu'on le laisse seul, même s'il devait rester suspendu à ce stupide plafond avec ces putains de menottes qui lui coupaient les poignets. Tout sauf ça. Ce serait beaucoup moins douloureux... tellement moins douloureux que ça...
Le nouveau coup le fit à peine réagir, mais il sentit tout de même la brûlure lancinante de la canne sur son ventre. Ils avaient encore changé de jouet, constata-t-il en fermant ses yeux lourds à force de pleurs maintenant taris. Ils étaient arrivés au plus douloureux, celui qui mal manié pourrait laisser des marques indélébiles sur sa peau.
Le brun était à bout. Il voulait dormir, s'évader de cette pièce, ne serait-ce que pour quelques minutes. Il tenta de se concentrer sur le piercing et d'imaginer un instant agréable avec Jean. Mais rien ne vint, il n'y parvenait pas. Il n'y parvenait plus. Il tenta de se concentrer sur autre chose, qui l'apaiserait, et la musique préférée de Marc s'imposa à lui. Il la chantonnait souvent quand ils étaient tous les deux à l'appartement. Une douce mélodie qu'il ne se lassait jamais d'entendre. Les notes refirent surface dans son esprit. La douce berceuse fit son effet et aussitôt tout sembla disparaître autour de lui. Enfin, il parvint à trouver l'image de Jean. Il apparu pour venir toucher sa joue et la caresser délicatement. Les coups ne furent plus qu'une lointaine douleur alors qu'il s'accrochait désespérément à cette pensée, dernier de ses remparts.
Au bout d'un moment, il se rendit compte que tout avait cessé. Seul un brouhaha de cri l'entourait. Cette constatation lui fit ouvrir curieusement les paupières. Il paniqua aussitôt quand il vit qu'il y avait un homme inconnu en face de lui. Il donna comme il le pouvait des coups de pieds en direction de ce dernier en le suppliant de sa voix brisée de ne pas l'approcher plus. L'inconnu leva rapidement les bras en l'air et recula de deux pas avant d'appeler un autre homme que le brun ne connaissait pas. Ils parlèrent à voix basse avant de sortir de la pièce dans le sillage de ses tortionnaires. Il le laissèrent là, accroché au plafond avec ses plaies sanguinolentes.
Un léger soupir de soulagement passa la barrière de ses lèvres quand il fut sûr d'être enfin seul et il referma ses yeux pour recommencer à rêver, laissant son esprit vagabonder loin de cet enfer.

~~~

Si Jean avait pu le faire, il serait actuellement en train d'égorger tous les hommes qui sortaient un à un de l'Oasis sous les invectives des forces de l'ordre avant d'être traînés dans leur voiture. Les pauvres soumis du Sultan étaient aussitôt pris en charge par une équipe de pompiers, leurs yeux grands ouverts de surprise et de frayeur mais aussi d'un soulagement infini. Il ne pouvait pas lâcher des yeux cette porte, il voulait le voir sortir avec les autres, un magnifique sourire aux lèvres, même s'il savait que c'était impossible. Au lieu de cela un raclement de gorge à ses côtés le tira quelques secondes de sa rage silencieuse :

— Vous êtes Jean, n'est-ce pas ?

Le châtain arracha difficilement son regard de la porte pour le poser sur son interlocuteur, un métis aux yeux bleus turquoise. Il le reconnut assez aisément pour en avoir vu la photo dans son dossier. Il lui renvoya alors sa question en fronçant légèrement les sourcils, méfiant :

— Et vous Karim, non ?
— Oui. Je suppose que vous avez dû enquêter sur moi...
— Comment savez-vous qui je suis, demanda-t-il abruptement en scrutant désespérément de nouveaux hommes en train de sortir.
— Aiden. C'est lui qui m'a parlé de vous.
— Vous savez où il est ?!
— J'ai déjà demandé à un groupe de policiers de s'y rendre... mais je ne pense pas qu'il ait véritablement besoin d'eux. Que faites-vous ici ?
— J'attends que ces idiots me donnent l'autorisation d'entrer, mais je pense clairement que ça ira plus vite si vous me dites où aller.

Karim sonda les yeux verts de son vis-à-vis pour tenter de comprendre ce qui animait véritablement cet homme derrière ses intentions tout à fait louables. Il ne parvint cependant qu'à y trouver une profonde inquiétude mêlée à la rage. Mais il y avait aussi quelque chose de plus doux que ses pupilles refusaient de trahir. Le métis décida de faire confiance à ce sentiment caché et lui indiqua la direction à prendre pour retrouver Aiden.
Jean prit à peine le temps de remercier Karim avant de se glisser discrètement à l'intérieur du bâtiment. Il alla dans la pièce qu'il lui avait indiqué, priant silencieusement pour y trouver celui qui faisait battre son cœur beaucoup plus qu'il ne le laissait paraître.

~~~

Aiden ouvrit subitement les yeux en entendant un bruit quelque part autour de lui. Il eut à peine le temps de réagir. Il sentit une piqûre au creux de son bras qui l'entraîna aussitôt dans un état comateux, assez pour le garder immobile mais pas assez pour qu'il s'endorme.
L'ombre d'un homme se dessina derrière lui, le détachant et lui retirant tous les accessoires superflus. Il le prit dans ses bras et s'enfuit avec son fardeau. Il lui permettrait de reconstruire son empire dans un endroit beaucoup plus calme.
Au moment où l'ombre disparu, Jean arriva essoufflé dans la salle suivit par quelques policiers qu'il avait croisés en chemin et auxquels il avait rapidement exposé la situation de Aiden. Il était obligé de les avoir à ses côtés, juste au cas où il devrait faire face à quelqu'un d'armé alors qu'il n'avait rien pour se défendre. Le châtain fouilla rapidement la pénombre du regard. Il n'y vit que des accessoires laissés au sol avec une seringue et pas son précieux cadet. La rage et l'inquiétude s'emparèrent de lui.
Il se mit à chercher une autre issue supposant que Philippe avait dû prendre la fuite en l'entraînant de force avec lui. Les fonctionnaires arrivèrent aux mêmes conclusions et l'aidèrent au mieux, jusqu'à ce que l'un d'eux trouve un rideau menant à un couloir de service au bout duquel venait tout juste de tourner un homme portant sur son dos une masse que Jean devina être Aiden. Il ne réfléchit pas beaucoup plus avant de foncer à sa suite pour le rattraper. Il parvint à le faire en quelques secondes puisque Philippe s'était arrêté un peu plus loin et avait posé le corps inanimé du brun pour prendre une arme.

— Ne t'approche pas plus, cria-t-il à l'intention du second gérant du Guardian club.
— Alors rendez-moi Aiden !
— Pour qui tu te prends ?! C'est mon soumis, il reste avec moi !

Jean fixa les yeux froids de son adversaire tout en tendant l'oreille à la recherche des bruits de courses des policiers. Il devait le retenir assez longtemps.
Un léger gémissement détourna son attention et lui ôta toute sa raison. Aiden était réveillé. Aiden était réveillé et venait de couiner son prénom de sa voix brisée et suppliante. Il se jeta sur Philippe sans réfléchir, sous les yeux encore brumeux de son ami et ceux des policiers qui venaient d'arriver.
Le Sultan n'hésita pas une seconde avant de lui tirer dessus.
Jean s'effondra.
Aiden hoqueta et regarda son corps tomber.
Il s'évanouit, incapable d'en supporter plus.

~~~

— Là ! Je te dis qu'il a bougé, Chris' !
— Alexei, calme-toi par pitié...
— Je ne peux pas rester calme alors qu'il est dans cet état !
— Si je peux me permettre... il vous regarde...

Alexei tourna brusquement sa tête blonde vers son meilleur ami. Ce dernier le regardait, un peu perdu. Il était dans une chambre d'hôpital, couvert de bandages, et autour de lui se trouvait en plus du couple, Mike et Karim qui paraissaient en pleine santé. Le mannequin comprit aux yeux noirs qu'il devait expliquer la situation et soupira légèrement avant de commencer :

— On a reçu un appel hier soir pour nous dire que tu étais ici... en arrivant on a croisé tes amis, ils m'ont tout expliqué sur... ce mec, là, bref... et... on est resté veiller... tu vas bien ?
— ... Jean... ?

Alexei mordilla sa jolie lèvre rosée en essayant de trouver du soutien dans les yeux de son mari et des deux autres hommes. Il savait qu'il ne pouvait pas retarder certaines choses. Il prit une grande inspiration et souffla :

— Jean est plongé dans le coma.

Aucune larme ne coula. Aucun son ne sortit de la bouche de Aiden. Il se roula simplement en boule, attrapa son hélix et le fit tourner entre ses doigts.
Son cœur aussi résistant soit-il, venait de se briser une seconde fois. Et plus personne ne serait là pour le réparer.

Soumets-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant