Chien

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Aiden jouait nerveusement avec l'hélix que venait de lui offrir Jean, attendant le retour de son maître sur une des nombreuses banquettes de l'Oasis. Enfin, ladite banquette faisait partie du carré VIP du club, si bien qu'il était isolé du reste de la salle. Il aurait aimé voir ses amis mais cela avait été tout bonnement impossible puisque Philippe s'était empressé de le coller à sa place. Il aurait voulu hurler, passer derrière les rideaux pour s'enfuir, mais la peur le clouait sur place. Il n'y avait plus que le pauvre anneau à son oreille qui pouvait le rassurer, et la prière silencieuse que jamais on ne lui enlèverait. C'est fou comment ce simple petit objet était devenu en à peine quelques minutes ce à quoi il tenait le plus au monde et qui assurait le maintien de son équilibre mental. Le rideau finit par s'ouvrir de nouveau sur l'homme qu'il craignait et ce dernier entra dans la pièce avec deux verres de cocktail. Il prit place en face de son soumis en lui tendant une des deux boissons avant de demander en souriant :

— Alors, comment était ta soirée ?
— Très bien, même si j'ai dû l'écourter. Puis-je savoir pourquoi vous vouliez que je vienne ?
— Oh... te revoir m'a rappelé nos longues discussions lorsque tu étais à mon service, ça m'a manqué... pas toi ?
— Pas vraiment, non, monsieur.

Le plus jeune lâcha son hélix pour attraper le verre devant lui et en boire quelques gorgées afin d'hydrater sa gorge sèche. Le regard du Sultan s'attarda sur le bijoux et il demanda :

— Tu n'avais pas d'anneau avant.
— C'est un cadeau de Marc, monsieur. J'y tiens énormément alors je ne le mets pas souvent.
— Mm... Je comprends. Je te le laisserai alors, mon joli chien.
— De... de quoi parlez-vous... monsieur ?

Le brun serra les dents en sentant sa tête tourner et s'appuya sur la table qui le séparait de son maître. L'homme aux cheveux poivre et sel le regarda faire avec un petit sourire moqueur, ce qui le fit tiquer. Il grogna malgré son esprit qui commençait à s'embrumer :

— Qu'est-ce qu'il... y avait dans mon verre ?
— Rien de bien grave, Aiden. Juste de quoi t'en-...

La fin de la phrase de Philippe se perdit dans le bourdonnement des oreilles du brun, qui tenta de lutter pour ne pas s'évanouir. Malheureusement, il finit par s'effondrer sur la table sans aucune force et vit son maître se lever pour aller vers le rideau. Ce fut d'ailleurs la dernière chose qu'il put observer avant de sombrer dans l'inconscience.

~~~

Quand Jean sortit de la chambre, il se fit presque agresser par une tête blonde plus tout à fait blonde à cause de sa perruque. Alexei lui colla son chaton contre le torse en demandant sur le ton le plus suppliant au monde :

— Tu peux garder Historia ? S'il-te-plaît !
— Tu peux pas t'en occuper toi-même ?
— Oh si ! Mais je crois que Chris’ ne va pas supporter deux chatons dans la chambre, expliqua Alexei en se tortillant légèrement.
— On aurait dû t'offrir deux lapins, souffla le châtain en prenant le petit chat dans ses bras.
— C'est pas ma faute, moi, si l'uniforme l'excite... mm... en fait, tu sais pourquoi Aiden est parti aussi tôt ?
— Il était fatigué, il voulait se reposer avant qu'on parte demain matin. D'ailleurs, je comptais y aller aussi... m'enfin, je vais garder ta chatte.

Alexei fronça légèrement les sourcils mais le sourire sincère de Jean le dissuada d'insister. Après une dernière caresse sur la tête de Historia, il s'éclipsa pour rejoindre son dominant dans sa chambre alors que Jean regagnait la sienne pour travailler ses accusations. Christian, lui, attendait son soumis dans la chambre, sélectionnant tranquillement ses joujoux du soir. Quand il entendit la porte s'ouvrir, il ordonna avec sa voix grave et sèche :

— À genoux, Kitty.

Quelques bruits lui indiquèrent que le mannequin se déshabillait et qu'il s'agenouillait au centre de la pièce, sur le tapis moelleux. Il tourna la tête pour l'observer, appréciant la délicate cambrure de son dos qui faisait ressortir ses petites fesses rebondies. Il finit de sélectionner son dernier accessoire. Le châtain s'approcha du corps vibrant d'impatience devant lui et en caressa doucement la colonne vertébrale à l'aide d'une petite plume, souriant en voyant les frissons le parcourir, avant de lui ordonner d’aller s’allonger sur le lit. Le blond s'exécuta sans discuter et s'installa sur la moelleuse couette, allongé sur le dos, les jambes ouvertes et repliées de manière à ce que ses pieds touchent ses fesses. Son époux lui adressa un sourire satisfait, prit un plateau sur lequel étaient posés des bougies, un flacon d'huile et un seau rempli de glaçon censé contenir une bouteille de champagne malheureusement disparue dans les méandres de la fête, et le ramena auprès de son joli chaton totalement offert.

— Je vais huiler ton corps, et ensuite, on va faire un petit jeu de chaud-froid. Des questions ?
— Oui, Maître. Pourquoi huiler mon corps ?
— Je vais y mettre de la cire chaude, c'est pour t'éviter les brûlures. Rien d'autre ?
— Mm... Si. J'aimerais si possible que vous évitiez d'en mettre sur mon sexe, Maître. Je n'en ai pas vraiment envie à ce niveau-là...
— Je vois, ce n'est pas grave, je ne comptais pas vraiment m'aventurer ici, de toute manière.

Christian prit le flacon d'huile et en mit un peu sur ses mains avant de commencer à masser en douceur le torse du plus jeune, insistant bien sur ses tétons pour le faire couiner de plaisir. Quand le corps de Alexei fut recouvert d'une fine couche brillante, il prit une bougie et fit tomber quelques gouttes de cire sur le sternum du mannequin. Il le regarda grimacer de douleur à cause de la légère piqûre de la chaleur avant de se cambrer quand la cire commença à durcir et tirailler sa peau. Le dominant attrapa un glaçon dans le seau et le mit entre ses dents pour le faire glisser juste à côté de l'épaisse couche rouge. Le blond commença à frémir légèrement en sentant le glaçon fondre au contact de sa peau et laisser un traînée humide sur cette dernière. Son mari continua à s'amuser des réactions de son corps pendant plusieurs minutes avant d'enfin commencer à le préparer tranquillement. Quand il trouva que ça faisait trop longtemps qu'il le torturait, il décida de lui faire l'amour passionnément et pendant toute la nuit.

~~~

Ce fut une sensation d'inconfort qui força Aiden à ouvrir les yeux. Au départ, il ne vit pas grand chose. Quand il se concentra sur ce qu'il ressentait, il constata qu'il s'agissait d'une vive brûlure entre ses fesses et cette gêne qui l'avait tiré de sa douce torpeur. Une fois les effets de la drogue à peu près dissipés, tout du moins, ils n'engourdissaient plus ses sens autant qu'à son réveil, il parvint enfin à distinguer à travers le ruban noir en dentelle une petite dizaine d'hommes réunit en face de lui dans une salle aux lumières tamisées. Il tenta de parler mais se rendit bien vite compte que quelque chose entravait sa mâchoire. Après une intense réflexion de son pauvre cerveau embrouillé, il comprit que ce quelque chose avait la forme d'un os de chien et était maintenu dans sa bouche par une lanière en cuir passant autour de sa tête. Il émit un léger grognement et une faible tentative de mouvements lui confirma que son maître avait renoué avec une vieille ennemie, la barre d'écartement, qui laissait ses jambes bien ouvertes en l'empêchant de joindre ses chevilles. De plus, il sentait des menottes autour de ses poignets et ces dernières étaient liées à la barre, ce qui le forçait à se tenir légèrement cambré. Le léger brouhaha des hommes cessa soudainement, éveillant l'attention de son esprit fatigué. Ils se tournèrent tous pour regarder derrière lui, d'où une voix sèche qu'il reconnaîtrait entre milles s'éleva :

— Bien, messieurs, je suis ravi de vous voir réunis ici. Comme vous le savez, le club accueille un nouveau, son petit surnom sera Chien. J'ai évidemment besoin de vous pour le dresser, comme les autres. Je le veux en état d'ici mercredi.
— Merci de nous confier cette tâche, Sultan, fit un petit homme bedonnant en s'avançant dans leur direction, nous allons bien nous en occuper.
— Je n'en doute pas. Oh, et je compte aussi sur vous pour le déposer dans sa chambre ensuite. L'Indien s'en occupera.
— Bien évidemment, Sultan.

La présence que le brun sentait dans son dos s'éloigna, le laissant seul face aux charognards en face de lui. Il tenta bien de bouger mais cela était malheureusement impossible. Petit à petit, un sentiment nouveau l'envahit.
Il avait peur. Il avait affreusement peur, au point de vomir ses tripes. Et malgré ce goût de bile dans sa bouche et cette envie de hurler qui ne le quittait pas, il sentit cette présence rassurante à son oreille, en se concentrant assez sur le petit anneau toujours en place. Il sentit la main de Jean sur sa joue et son souffle chaud contre son oreille. Alors il laissa son image danser devant ses paupières fermées pendant que tout en lui se brisait et se déchirait à nouveau.
Et dans une prière silencieuse, il supplia quelqu'un de le ramener en bon état à celui qui l'attendait en dehors de ses murs.

Soumets-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant