Confession

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- ... Oui, Maître.


La réponse de Aiden eut sur Jean l'effet d'une bombe. Jamais il n'aurait pensé qu'il accepterait qu'il punisse un autre que lui et encore plus avec une cravache. Il scruta quelques instants les yeux sombres fixant le sol et y vu briller une lueur de curiosité qui lui fit comprendre que son soumis le testait. Il voulait savoir de quoi il était capable et s'il était différent ou non des hommes qui l'avaient torturé à l'Oasis. Le toussotement d'un des dominants le ramena à la réalité et il se leva du siège pour demander au maître du fautif :


- Où souhaitez-vous faire cela ?

- Mon soumis est débutant dans le monde BDSM, je préférerais que ce soit en petit comité pour ne pas l'effrayer.

- Je vois. Loup, amène ces messieurs dans ma chambre et sort la cravache du tiroir de la commode. Pose-la dessus puis assied-toi près du lit.

- Oui, Maître, répondit le brun en se levant.


Il fit signe aux trois hommes de le suivre et alla vers les escaliers menant à l'étage en slalomant entre les différents clients du club. Ils montèrent dans la pièce réservé à son dominant où le manager invita les deux hommes à s'asseoir sur le canapé et le soumis à s'agenouiller sur le tapis au centre. Il alla ensuite vers la seule commode de la pièce et ouvrit le premier tiroir en inspirant profondément. Il posa ses yeux sur la cravache somme toute normale à l'exception de son manche fait de bois noble légèrement sculpté pour laisser place à une main qu'il devina facilement être celle de Jean. Étrangement, elle ne l'effraya pas comme il s'y attendait... il la trouvait magnifique et rien que de l'imaginer à la main de son maître il frissonna d'un mélange d'excitation, de peur et d'appréhension. Il se reprit cependant bien vite en sentant trois paires d'yeux le fixer et sortit l'objet comme une pierre précieuse avant de le poser sur le meuble et de gagner la place que lui avait indiqué le châtain. 

Ce dernier arriva dans la pièce quelques minutes plus tard et lança un regard approbateur vers Aiden qui ne le manqua pas. Il se mordit la joue pour rester impassible mais un petit rictus fier naquit sur ses lèvres malgré tout. Le gérant saisit la cravache qui, comme l'avait pensé le plus jeune, était faîtes pour lui. Il ne prit même pas le temps de la soupeser que déjà il ordonna au jeune garçon au centre de la pièce de tendre la main vers le haut. Il s'exécuta en tremblant légèrement et la voix grave de Jean commença à expliquer :


- Je vais te frapper sur la main deux fois avec une intensité différente. Ne te retiens pas de crier, je veux savoir ce que tu peux supporter.

- Ou-oui, monsieur, bafouilla le jeune garçon. 

- Bien. J'aimerais que tu me donnes ton prénom et tes mots de sécurité.

- Je m'appelle Lucas, monsieur. Mes mots de sécurité sont vert, jaune et rouge.


Aiden se fit la remarque que les mots étaient simples mais il n'y avait pas obligation de se les rattacher personnellement après tout. D'autant plus que ce code couleur était très efficace. Il leva un peu les yeux vers Jean en évitant soigneusement son regard et le détailla. Il était beaucoup trop parfait, d'un seul coup. Jamais il ne lui avait vu cette prestance, ce visage fermé et froid, ces iris verts brillants d'une lueur dominatrice et cette voix grave et un peu rauque qui lui donnait des frissons. Il le trouvait horriblement séduisant dans son costume anthracite fait sur mesure et il n'eut aucun mal à rêver de la chemise blanche cintrée se trouvant en dessous. Même le cri de Lucas quand le châtain frappa sa main un peu trop fort ne suffit pas à le sortir de cette étrange torpeur qui semblait avoir effacé le monde autour de lui pour le laisser seulement avec son maître dans la pièce. Ce sentiment était tellement étrange, il ne l'avait jamais ressentit auparavant. La voix des dominants discutant de la punition ne lui parvint qu'à travers un bourdonnement. 

Aiden comprit soudain au nouveau frisson qui le parcourut qu'il était parvenu à atteindre cet endroit si mystérieux dont lui parlait Marc quand ils étaient en séance. Son sous-espace. Ici, il n'y avait que son maître et lui. Mais il n'était pas sûr que le châtain le sente. Ses yeux s'accrochèrent d'eux-mêmes au mouvement de bras du plus vieux et il courba le dos au moment où il abattit la cravache sur celui de Lucas. Comme si le coup dosé à la perfection était pour lui. Il se surprit à jalouser le jeune garçon de recevoir le traitement du gérant jusqu'à ce qu'il croise son regard émeraude infiniment mélancolique.

Jean venait de donner le dernier coup au soumis quand il se tourna vers Aiden. Il ne s'attendait pas à le voir légèrement courbé et haletant mais aussi à se faire happer par ses pupilles beaucoup plus sombre qu'à l'accoutumée. Le brun semblait dans un état second, état qu'il n'avait vu que très rarement et jamais aussi rapidement sans stimulus. Il invita les deux Doms et le soumis à sortir, ce qu'ils firent sans protester, et reposa la cravache à sa place d'origine. Il alla ensuite devant le manager et saisit son menton pour lui relever la tête.


- C'est la première fois que tu l'atteins ?

- Oui, Maître...

- Comment tu te sens, Loup ?

- Comme... comme s'il n'y avait que vous. Je veux vous faire plaisir et je suis prêt à tout pour.

- Ta déclaration me touche, Aiden, souffla le plus vieux, mais j'aimerais que tu redescendes un peu sur terre... j'ai comme l'impression que tu as des questions et je veux en parler sérieusement.


Aiden dut fermer les yeux et se laisser porter par la voix du plus vieux pour quitter son sous-espace. Quand enfin il put de nouveau discerner son entourage autrement que par un brouhaha, il les rouvrit doucement et demanda :


- Pourquoi il n'y a qu'une photo de tes parents et qu'elle est cachée dans ton bureau ?

- C'était donc ça que tu regardais hier soir... C'est la seule que j'ai réussi à conserver d'eux. Ma mère est morte peu après mon départ, sûrement à cause d'une dépression, et mon père a disparu de la circulation dès que Christian et moi avons repris la succession du gang alors je ne saurais jamais la vérité. Mon oncle m'a fait couper les liens avec eux quand il a commencé à s'occuper de mon éducation alors je ne les ai pas revus depuis mes huit ans.

- Ils te manquent ?

- Ma mère, surtout, elle a toujours été très aimante. Mon père est plus un inconnu responsable en partie de mon calvaire, répondit Jean en serrant les poings.

- Jean, pourquoi tu étais triste en fouettant Lucas ?

- Fouetter pour faire plaisir m'intéresse plus que de fouetter pour punir, Aiden.

- Pourquoi ?

- Quand j'étais petit, je comprenais pas trop ce qui se passait et ce que mon oncle attendait de moi. Je faisais énormément de bêtises alors Christian se désignait à ma place. Ça n'empêchait pas que mon oncle savait qui en était à l'origine. Alors il nous punissait tous les deux. Il... il me donnait sa putain de ceinture et je devais frapper mon cousin. Ça a duré jusque mes douze ans, je crois, jusqu'à ce que nous ayons à tuer. Un groupe de mecs défoncés qui n'avaient pas payés... Chris s'y est opposé, au départ, et j'allais le suivre mais... il m'a menacé. Il lui a dit de se taire ou il me tuait. Depuis, j'avais trop peur de faire la moindre bourde au risque de le perdre.

- C'est pour ça que quand il est parti en vacance tu as tout dit.

- Exact. À force de frapper Chris, j'ai appris à ne plus faire mal... C'est pour ça que j'ai cette réputation au club.


Aiden regarda longuement le plus vieux avant de poser sa main sur les siennes, presque blanches à être trop serrées, et chuchota :


- Maître. Je pense être prêt pour cela.

- Pas ce soir, mon Loup... mais bientôt...


Et sur cette étrange promesse, ils échangèrent un baiser chargé de regrets et de non-dits qui peut-être finiront par exploser.

Soumets-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant