Prologue

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Aiden se réveilla et serra un peu plus le corps chaud près de lui, un léger sourire aux lèvres. Il s'apprêtait à l'embrasser quand il se rendit compte que quelque chose clochait. Il ouvrit doucement ses paupières lourdes, fixant tristement l'oreiller qui lui faisait face. Il avait encore rêvé que Marc était à ses côtés, blottit tout contre son torse, comme avant. Mais ce n'était plus possible. Parce qu'il était mort.

Il enfonça la tête dans le coussin et sanglota silencieusement. La solitude et la douleur s'abattirent de nouveau sur lui. Ça faisait déjà deux mois et demi que Marc était mort, mais il lui était impossible de l'oublier. Il se demandait comment il faisait pour survivre. Parfois, son cerveau lui rappelait avec sadisme la mort de son petit ami mais aussi le coupable de cette dernière. Et cela éveillait avec vigueur son désir de vengeance inassouvi. Il avait essayé d'y résister, au début, il avait vraiment essayé. Mais maintenant, il s'en foutait royalement. Pire, il lui arrivait de passer des soirées à imaginer ce qu'il lui ferait subir. Il savait que sans le sacrifice de Marc, personne n'aurait survécu ce jour-là, il ne pouvait s'empêcher de détester celui qui lui avait tiré dessus aussi froidement, sans même faire l'effort de lui laisser une petite chance de survie. Ses larmes se tarirent à mesure que la rage l'envahissait. Pourquoi ? Pourquoi ce connard était-il encore en vie et pas Marc ? Il étouffa un hurlement dans son oreiller. Il aurait voulu mourir aussi. C'était trop dur de supporter tout ça.

Après de longues heures à pleurer et crier dans son lit, il finit par se lever. Constatant qu'il était plus de midi, il alla manger rapidement ce qu'il restait dans son frigo, même si l'envie de s'alimenter lui manquait. Il se demandait même pourquoi il le faisait. Alors qu'il grignotait du bout des lèvres un morceau de pain en observant les photos de son défunt soumis sur sa table basse, son téléphone sonna. Il soupira. Il savait qui l'appelait, il n'y avait que lui qui le faisait désormais. Il décrocha presque à contre-cœur et demanda de sa voix brisée à la fois par les sanglots, les cigarettes et son mutisme :

— Pourquoi tu appelles ? Je vais bien, tu sais ?

Tu as besoin de quelque chose ? Je suis pas loin de chez toi, je peux...

— Je n'ai besoin de rien, Alexei, merci, le coupa-t-il en retenant un nouveau soupir.

Tu es sûr ? Je peux aller te faire des courses si tu veux ?

— Oui, belle blonde, arrête un peu de t'en faire pour moi, fit-il semblant de rigoler pour détourner son attention, comment ça va, toi ?

Ça va ! On vient de finir le magazine du mois avec Christian, tu veux que je te l'envoie ?

— Euh... ouais. Ouais, pourquoi pas...

Ok ! En fait, tu veux venir au club ce soir ? Christian dit que tu es toujours le bienvenu même si tu as rendu ta carte de membre.

Aiden soupira légèrement et répondit à son ami qu'il réfléchirait à la proposition, tout en sachant que sa décision était déjà prise, avant de raccrocher. C'était simplement pour ne pas plus l'inquiéter. Il ne voulait pas aller au club, il risquait de croiser Jean. Ce connard... Rien que de penser à lui, il avait envie de... Son poing partit de lui-même s'écraser sur sa table basse, lui arrachant un cri de douleur. Puis, il se remit à fixer les photos, les larmes aux yeux.

Même s'il essayait de faire croire à son meilleur ami qu'il allait bien, il savait qu'il n'était plus qu'une coquille vide, animé par ce seul désir de vengeance et son immense tristesse. Il avait bien essayé d'oublier. Sauf qu'il en avait été incapable. Les yeux bleus de Marc le hantaient. Toutes les nuits, il revoyait son corps s'effondrer devant lui, alors que son sang le recouvrait. Très vite, il n'avait plus eu envie de rien. Les seuls instants où il sortait de chez lui, c'était quand Alexei voulait le voir pour s'assurer de son état ou essayer vainement de lui remonter le moral. Dans ces moments-là, il tentait de se rendre plus présentable. Autrement, il se laissait aller. Sa barbe brune qu'il prenait normalement soin de tailler régulièrement était devenue hirsute, ses cheveux bruns habituellement coupés assez courts sur les côtés et long sur le dessus avaient poussé et étaient devenus un amas de longues mèches désordonnées. Il n'était plus que l'ombre de lui-même, et rien ne parviendrait à le faire redevenir comme avant.

Il finit par se lever avec un soupir. Il était déjà si fatigué... Peut-être que ce serait moins dur s'il retournait dans son lit ? Il n'avait plus la force d'affronter tout ça. Alors qu'il traversait son appartement pour rejoindre sa chambre, son regard dériva vers la cuisine. Ses yeux noirs se fixèrent sur un couteau posé sur le plan de travail, sûrement une tentative abandonnée de se préparer un vrai repas. Sa lame semblait vraiment coupante. Une idée germa dans son esprit alors qu'il attrapait l'ustensile, faisant naître un sourire sur ses lèvres sèches.

Ce soir, tout sera terminé. 

Soumets-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant