Book of regrets

Rencontre fortuite

Qui aurait cru que j'allais réagir ainsi en ta simple présence...? Et comment aurais-je pu deviner ce que cette rencontre allait engendrer ? J'étais si ignorant.

_On rentre, je suis fatigué, déclara Ciel après quelques temps de marche silencieuse dans les rues de Londres, qui prenaient l'allure d'un labyrinthe géant duquel personne n'arrivait à s'échapper. Nous nous installerons dans ma résidence, à Londres. Je n'ai guère envie de côtoyer Soma. Il va encore être trop bruyant, je parie mais je n'ai pas le choix.

_Très bien. Je vous préparerai un thé bien chaud.

L'air s'était refroidi et les douces lumières orangées du soir avaient laissé place à un ciel d'encre, sans aucune étoile. L'ambiance pesante était palpable et l'absence totale de vent renforçait paradoxalement encore plus le mal-être du jeune Phantomhive. Le comportement étrangement distant de son majordome le perturbait aussi quelque peu. Alors qu'il s'apprêtait à lui demander ce qu'il pensait de l'enquête, un cri déchira les ténèbres, clair et perçant. Ciel et Sebastian s'échangèrent un bref regard. Déjà, Sebastian l'avait pris dans ses bras et courrait à toute vitesse dans les rues, en quête du bruit.

_Dépêche-toi ! s'écria Ciel, qui sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine. Il ne faut pas le rater...!

Encore maintenant, un curieux sentiment de malaise étouffait sa conscience et il tenta de repousser cette peur qui le paralysait. Il devait avancer.

Ils arrivèrent sur les lieux. C'était une ruelle comme toutes les autres, rien ne la distinguait à première vue. Cependant, une très forte odeur de sang s'infiltra à travers les narines de Ciel et celui-ci fut pris par une violente envie de vomir. Sebastian le reposa à terre et tira de sa poche l'argenterie des Phantomhive, prêt à attaquer ses assaillants. Une forme gisait à terre, baignant dans son propre sang. C'était un jeune homme d'une trentaine d'année, les yeux vides et blancs comme ceux d'un poisson mort. Sebastian ne sentait aucun signe de vie en lui. A quelques mètres à peine, deux personnes marchaient nonchalamment, vêtues d'une étrange robe blanche à capuche dont les manches étaient ornées de broderies représentant des myosotis. Le démon pouvait distinguer une femme, évanouie, sur l'épaule de l'un des deux attaquants.

_Ne les tue pas, capture-les simplement... tenta de dire péniblement son maître, avant d'être repris par une crise de toux.

Le majordome couru alors à leur poursuite et fut étonné de voir qu'ils ne s'enfuyaient pas à toute jambe. Il sauta sur l'un d'eux, le faisant tomber à la renverse et rattrapa alors la jeune femme, qu'il posa en sécurité sur le sol.

_Alors, leur demanda t-il, un faux sourire particulièrement effrayant au visage, vous pouvez m'expliquer ce que vous allez faire de cette demoiselle...? Je doute qu'une prostituée vous convienne...

Les yeux de Sebastian brillaient dans le noir, telles les lanternes de la boutique de Lau. Seulement, ici, ses prunelles apportaient non pas de l'espoir mais plutôt un profond tourment duquel il était impossible de s'échapper. L'homme à la capuche se releva sans difficulté, nullement abîmé par le puissant coup de pied du démon. Il réajusta tranquillement sa capuche, qu'il repositionna devant ses yeux mornes et Sebastian remarqua le temps de quelques secondes que l'homme arborait sur le front un huit renversé, symbole de l'infini. L'homme cacha finalement son visage, sembla le regarder sans même le voir et répondit :

_Toute personne ayant les caractéristiques convient. L'ACV a toujours besoin de membres.

L'autre capuchonné attrapa par les pieds le cadavre de ce qui était apparemment le client de la prostituée et le tira derrière lui. Il s'arrêta à hauteur de son acolyte. Sebastian fronça les sourcils. Outre l'étonnement que lui provoquait le simple fait qu'il lui avait répondu, le trop-plein d'informations lui faisait travailler ses méninges à fond. Ciel était dans le même état que son serviteur. Qu'était L'ACV ? Pourquoi avaient-ils besoins de femmes et de cadavres ? Et plus que tout... Ils étaient sur l'enquête depuis aujourd'hui seulement et déjà ils avaient des indices supplémentaires, qui pouvaient surpasser ceux de Scotland Yard. De plus, ils étaient tombés sur les membres de cet ACV par hasard, alors qu'aucun témoin n'a pu informer les policiers. C'était trop... parfait. Comme si tout cela faisait parti d'un plan, d'un jeu, et que quelqu'un dans l'ombre tirait les ficelles tel un marionnettiste. Seulement, ici, les marionnettes n'étaient autres qu'eux-mêmes et cela déplaisait fortement au garçon.