Attaque frontale

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Si, pour rester auprès de toi, je dois m'abaisser à sacrifier mon honneur et même ma quiétude, alors je suis prêt à tout. Il te suffit de dire un ordre, une seule petite phrase : « je le veux » et je m'exécuterai.

_Te marier...?! Tu vas me quitter de la sorte...?

La magnifique et gracieuse jeune femme qu'elle était devenue observait l'horizon, lui apportant peu de considération tant sa crainte était palpable. Les paroles qu'elle lui avaient adressées auparavant le faisait atrocement souffrir, à tel point qu'il sentait son cœur s'agiter fortement dans sa poitrine.

_Réponds-moi...! Pourquoi avoir accepté alors que...

_Je ne pouvais pas faire autrement, le coupa t-elle en soupirant longuement, l'air profondément fatigué. Tu sais, la pression de mes parents, mes obligations, mon avenir... Toutes ces choses-là.

Elle haussa les épaules, un sourire espiègle aux lèvres. Malheureusement, il la connaissait trop bien ; elle ne souriait pas véritablement, elle jouait encore son rôle. Il ne pouvait pas accepter qu'elle cache ainsi son mal-être devant lui, alors qu'ils avaient vécu tant de choses ensemble.

Sans qu'elle ne puisse répliquer, il l'a pris dans ses bras et camoufla sa tête au creux de son épaule. La jeune femme se laissa faire, profitant sans doute de cette embrassade sincère.

_Et si quelqu'un nous voyait...? Tu sais bien que tu serais aussitôt renvoyé. Serais-tu prêt à prendre ce risque?

Elle lui avait chuchoté ceci au creux de son oreille et déjà il s'était mis à frissonner. Cependant, il ne répondit rien et elle le repoussa doucement.

_Nous allons faire ce que tu as prévu. Je te suivrais.

_Tu dis cela sincèrement...? répondit-il, hésitant, en prenant ses mains.

Elle sourit, le regard attendrit et profondément amoureux.

_Bien sur, Vincent. Je te suivrais jusqu'au bout du monde s'il le fallait.

* * *

Son cœur s'emballa dans sa poitrine, semblant déchirer sa chair et compresser son torse.

De la sueur vint perler sur son front et glissa sur le pyjama bleu uni du garçon.

Ses yeux, embués de larmes, battaient l'espace machinalement, espérant ainsi remettre de l'ordre dans les idées de leur propriétaire.

Ciel jeta un rapide coup d'œil à l'horloge, accrochée sur le mur de sa chambre.

3h00 du matin. Comme d'habitude. «Encore ces rêves...»

Il n'en dormait plus la nuit et en subissait les conséquences le jour. Toujours ensommeillé, mais jamais satisfait, ces songes oniriques le gardaient en un parfait état de réveil. Convalescent et presque incapable d'aligner deux pas sans tomber, l'état de Ciel s'était considérablement aggravé ces trois dernières semaines. Fatigue, maux de tête, asthme, toux... Un simple rhume ne durait pas aussi longtemps. Quelque chose veillait à le mettre hors d'état de nuire, il en était certain. Mais que pouvait-il bien faire contre cette force qui agissait dans l'ombre...?

Il songea aux paroles de la femme, présente dans son cauchemars. «Vincent...» La plupart du temps, il s'agissait de ce couple et Ciel incarnait directement le garçon, prénommé Vincent. Il devenait Vincent, pensait comme lui et aimait cette femme à sa façon. Ciel ne contrôlait en aucun cas ces rêves et ne comprenait pas leur sens. Qui étaient-ils ? Pourquoi ne voyait-il pas leurs visages ? Et surtout, ce Vincent... S'agissait-il là de son père...?

Il soupira longuement, désabusé, et se leva sans un bruit. Maintenant debout, les deux pieds nus sur un tapis moelleux, il tendit l'oreille. Rien. Pas un seul bruit dans la maison Phantomhive, ni aucun signe de vie particulier. L'atmosphère était étrangement pesante, toute la demeure était plongée dans un silence indescriptible, bien trop irréel pour être véritable. Néanmoins, il avait besoin de sortir. Enfermé dans sa chambre depuis tant de jours, il suffoquait. Qu'importe l'interdiction de se retrouver seul ou si son majordome était parti en mission de surveillance...!

Book of regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant