Balade Nocturne

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Je me fiche de ce qu'il adviendra de toi. Pars, loin d'ici ! Laisse mon âme tranquille ! Ah, que fais-tu, devant moi? Arrête de me séduire. Arrête de me tenter. Les noirceurs m'appellent, je souhaite y retourner...

La taverne du Myosotis était bel et bien une fausse piste.

Le lendemain même de leur rencontre avec Esther, d'autres enlèvements avaient été répertoriés. Ciel s'y attendait mais il fulminait de rage. Faisant les cents pas dans sa chambre, où il était consigné jusqu'à nouvel ordre par le prince Soma, des plans se bousculaient dans son esprit fatigué, plus farfelus les uns que les autres. Son ennemi était bien trop intelligent à son goût et il ignorait comment faire cesser cette comédie grotesque avant qu'elle ne finisse vraiment par dégénérer. Bien sur, les meurtres n'auguraient rien de bon dès le début. Cependant, la tension continuait à grimper, tenace comme un mauvais rhume et allait bientôt toucher L'Angleterre dans son intégralité. Qui sait jusqu'où allait pouvoir s'étendre le malice ? Scotland Yard se penchait sur la théorie du complot allemand avec acharnement, ce que le jeune comte trouvait totalement ridicule. Les anglais ne cherchaient qu'à trouver un prétexte afin de mettre de l'huile sur le feu et déclarer une guerre sans merci contre leurs ennemis. Cette affaire n'était que de la poudre aux yeux, destinée à faire s'entre-déchirer les hommes et aucun citoyen de ce fichu pays ne comprenait qu'il se faisait manipuler par une force obscure bien plus effrayante encore qu'une simple guerre. C'était là ce qu'avait déduit Ciel. Pour lui, ces disparitions ne cherchaient qu'à raviver la flamme de colère dans les yeux des deux belligérants. Après tout, pourquoi ce membre de L'ACV lui aurait-il dit que leur «association a toujours besoin de membres » si ce n'était pas pour lui faire croire qu'ils réunissaient une armée, ou quelque chose du genre... ? Mais une chose restait peu clair. Pourquoi des femmes étaient-elles enlevées et non les hommes...? Ciel avait bien songé à des tests sur cobayes humains, praticables uniquement sur des demoiselles ayant les caractéristiques adéquates, ou encore à une reproduction de masse avec ces femmes, pour il ne savait quelle raison. Mais quelque chose clochait. Il en était certain. Un curieux pressentiment lui faisait penser que cette enquête était sans doute la plus importante de sa vie. Voire la dernière. « Tu ne le sens peut-être pas, mais j'ai l'impression que cette affaire va bouleverser de nombreuses choses... » Lau lui-même l'avait mis en garde. Alors, il devait rester fort et vaincre cet obstacle coûte que coûte. Il allait renverser son ennemi et cela, il le jurait sur son blason bafoué.

_Ciel ! hurla une voix familière, atténuée par l'épaisseur des murs. C'est terrible... !

Quelqu'un courrait dans les couloirs de la demeure et les bruits de pas se rapprochèrent du jeune comte. Soudainement, la porte de sa chambre s'ouvrit avec fracas sur le prince Soma, les yeux écarquillés et le teint verdâtre. Sa respiration était saccadée, signe qu'il avait couru dans toute la bâtisse afin de le prévenir le plus vite possible.

_Qu'y a t-il ? s'enquit Ciel, le cœur battant à tout rompre.

Ce n'est que lorsqu'il croisa enfin le regard attristé du jeune indien que Ciel comprit.

_Tes serviteurs, May Linn et Finnian... Ils ont été enlevés...!

* * *

Sebastian avait passé sa journée à observer les faits et gestes de la jeune Esther, suite à la demande de son maître. «Tu devras la surveiller. Même si son implication dans l'enquête est fort peu probable maintenant, il n'en reste pas moins qu'on l'a trouvée dans un bar aux allures suspectes. Surveille-la, mais soit plus que discret dans ta tâche désormais. » Alors, Sebastian effectuait les ordres de son maître sans broncher, telle était la nature profonde du pacte qui les unissait. Maria avait été assignée à résidence pendant trois jours suite à l'incident de la Taverne et devait veiller sur le jeune Phantomhive. Ce soudain isolement, après des semaines de travail commun, permettait au démon de souffler un peu. Il était difficile pour lui de côtoyer des personnes, anges ou humains, vu son habituel aspect solitaire. Il détestait devoir compter sur les autres, revendiquant pouvoir tout faire de ses propres moyens. Le majordome se trouvait bien plus efficace seul qu'accompagné. Pourtant, il avait pris l'habitude de sa présence. Ses regards, vifs et clairs, qui se posaient sur la ville endormie lorsque celle-ci était éclairée par des milliers de feu ardents. Ses tics de langages et de comportements, lorsqu'elle se mettait à rougir de honte de façon subite alors que tout en elle semblait calme et parfait. Sa silhouette, qui se dégageait dans le ciel lorsqu'elle surplombait la ville. Tout. Il se souvenait de tout cela et avait fini par vivre avec. Alors, maintenant qu'il se retrouvait isolé de tous, il ressentait pour la première fois ce qui semblait être de la solitude. Sauf qu'ici, ce n'était en rien agréable.

Book of regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant