Book of regrets

Coups et blessures

Pourquoi tes caresses me laissent-elles des brûlures ? D'où me vient cette soif qui me hante et qui ne peut être épanchée? J'aimerais te tordre, te briser en milles morceaux de verres, te réparer, afin de mieux te détruire à nouveau. Inlassablement, ce jeu ne te semble t-il pas merveilleux ?

L'atmosphère s'était considérablement refroidie. Rien ne bougeait, comme si tout était gelé afin de mieux conserver la magie de la scène. Les yeux verts des shinigamis étaient des étoiles luisantes, accrochées dans un espace noir et lugubre. Ils n'étaient pas très nombreux, sept tout au plus, mais étaient assez dangereux pour démolir à eux seuls une armée humaine. Le croissant de lune, faible et mystique, éclairait de ses faibles rayons les deux ennemis qui se toisaient avec fougue. Aucun des deux camps n'osait rompre le silence et la fine buée glacée qui s'échappait de leurs bouches avides était le seul signe de leur présence. Ils tenaient en un équilibre instable et il aurait suffit d'une seule brise de vent pour écourter cet instant de silence malsain.

_Esther, chuchota presque le démon en continuant de fixer ses adversaires. Vous allez courir et vous enfuir, maintenant.

La jeune femme se releva doucement, frissonnant de toute part.

_Je ne peux pas vous laisser, contesta t-elle en secouant la tête, semblant refuser l'idée de l'abandonner à son triste sort.

_Je ne vous laisse pas le choix, fit-il en mettant ses mains sur ses deux épaules, agacé. Si vous restez, vous allez me gêner. Partez vous réfugier. Tout de suite.

Il la repoussa sur le côté et sourcilla en voyant que les shinigamis ne l'attaquaient pas encore.

_Mais...

_Il n'y a pas de mais, bon sang, partez d'ici ! lui hurla t-il, maintenant énervé.

Elle écarquilla ses yeux, pesa le pour et le contre et finit par concéder aux paroles du majordome.

_Je vous attendrais, je vous le promet...! Ne tardez-pas!

Ils se lancèrent un regard appuyé et il distingua son inquiétude. Toutefois, elle s'exécuta et commença à courir loin de lui. Lorsqu'elle disparut totalement de sa vision, il en fut instantanément soulagé, quoique l'idée de la savoir loin et sans protection l'effrayait quelque peu. Cependant, ce n'était pas le plus important pour l'heure. Elle était hors de leur portée et s'ils avaient voulu la déranger, les shinigamis l'auraient fait depuis bien longtemps. Mais ils ne l'attaquaient pas et cela avait eu le mérite de perturber encore plus le démon. Pourquoi restaient-ils là, silencieux...?

_Ah la la, Sebas-chan...! s'écria une voix moqueuse que Sebastian ne connaissait malheureusement que trop bien. Tu es devenu un vrai chevalier servant depuis notre dernière rencontre sur le... campagnia, c'est cela non...? Maintenant, tu sauves les jeunes demoiselles en détresse...

Grell sauta de son immeuble, suivie de près par d'autres shinigamis aux traits effacés par l'indifférence. Elle se plaça devant lui, un grand sourire aux lèvres.

_Je déteste ce genre de comportement. Tu es bien trop gentil, je ne te reconnais pas. J'en serais presque jalouse, moi.

Sebastian la fixa sans rien dire, sentant sa motivation baisser rien qu'à l'idée qu'elle était elle aussi de la partie. Sa présence lui faisait hérisser les poils tant il la méprisait mais la soif de savoir l'intimait à ne pas céder à l'envie de lui botter les fesses.

_Que fais-tu ici, Grell...? Et vous autres...? Je me demande bien ce qui vous retiens de m'attaquer, ajouta t-il en arborant un sourire volontairement exaspérant.

Un grand shinigami s'approcha en réajustant ses lunettes noirs et frappa de son arme le sommet du crâne de Grell, qui cria de douleur. Sebastian n'avait même pas envie d'en voir plus : il savait pertinemment qui était ce dérangeur.