Une fleur écarlate

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Et je glisse, je tombe, je suffoque, je perds pied. «C'est de sa faute » ! me crie mon âme. « C'est de la tienne !» me susurre mon cœur. Qui croire, finalement, lorsque tout semble s'opposer et se déchirer ?

Sebastian errait dans les rues de Londres, le pas lent et le regard perdu dans le vide. Il ignorait totalement quelle heure il pouvait être mais il s'en fichait éperdument. Dans le lointain, Big Ben retentit cependant, quand bien même le temps s'était totalement arrêté dans les pensées du démon. Des nuages écrasants s'amoncelaient dans le ciel. L'astre nocturne n'était plus visible, toutefois cela lui importait peu. Il ne savait guère où lui menaient ses pieds, ni même s'il était déçu, malheureux ou enthousiaste. Tout était vide et morne : les rires, qui résonnaient comme des échos dans les ruelles, les hurlements provenant de différentes tavernes animées... Lui-même. Il n'arrivait même pas à se convaincre qu'il était indifférent à son malheur. Il n'arrivait plus à nier : quelque chose changeait doucement en lui, sans qu'il ne puisse réagir ou même se défendre. Il était pris en traître entre ces deux femmes qu'il haïssait secrètement du plus profond de son être tant leur attraction était insupportable. Le démon ne souhaitait qu'une seule chose à cet instant même ; fuir, loin d'elles. Il se détestait à l'idée d'être aussi lâche et pathétique à cause de ces deux horribles femelles. Mais elles allaient le rendre fou, c'était certain. Il sentait que tout lui échappait, que tout se refermait sur lui dans un élan d'impuissance. Qu'il n'était plus le même. Or, dans un monde aussi changeant où la seule valeur sûre restait la connaissance de soi, que pouvait-il bien lui rester s'il se reniait de la sorte ? L'ignorance était la pire des souffrances et, ici plus qu'ailleurs, il commençait à en faire les frais. «Maria, qu'ai-je bien pu te faire...?»


* * *


«_Ce n'est pas possible. Elle n'aurait jamais pu faire ça.

Sebastian était totalement abasourdi par cette découverte même si, dans le fond, il avait comprit ce qu'il en résultait. Tout prenait progressivement place dans son esprit, provoquant en lui d'irrépressibles frissons. « Ainsi, les hommes qui se suicident deviennent des shinigamis et les femmes des anges ? Impossible...! » Et nonobstant toutes ses réfutations... Les paroles que lui avait dit Maria prenaient sens désormais pourtant, il aurait préféré se tromper mille fois. Le peu de fierté qu'il avait à l'idée d'avoir deviné ne lui provoquait aucune joie. Bien au contraire, il se trouvait ridicule.

_De qui parles-tu...? demanda Grell en haussant un sourcil, la mine sombre. Tu connais un ange, toi... ? J'imagine que vous ne faites pas bon ménage.

Grell s'était redressée sans un mot de plus tout en époussetant sa veste écarlate remplie de poussière. Quand bien même le majordome ne trouvait pas les mots pour décrire le capharnaüm de ses émotions grandissantes, il fut étonné de voir le shinigami prendre un air si sérieux.

_Tu pars déjà. Moi qui ait cru devoir me débarrasser de toi par la force, voilà que tu t'absentes de ton propre gré, remarqua Sebastian, tentant de repousser pour le moment ses émotions parasites.

_Tu n'as juste plus rien à me demander alors je pense que la discussion est close, n'est-ce pas...? Je dois rejoindre les autres, sous peine d'être encore punie par Willy.

Elle lui tourna le dos et lui fit un léger signe de la main, tandis qu'elle se dirigea lentement vers les ténèbres d'une rue non loin. Sebastian remarquait bien la distance qu'elle avait soudainement mise entre eux et cela l'intriguait. «Si tout cela est bel et bien logique, Grell s'est suicidé également...»

_Grell ! l'interpella t-il de façon involontaire, sans même contrôler ses paroles tant il était curieux. C'est aussi ton cas, non...? Alors, tu étais humain avant.

Book of regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant