Tate – Mardi 8 février
J'avais encore en tête les mots de cette fichue lettre. Toute la nuit, j'avais attendu son retour sans jamais le voir rentrer. Toute la nuit, j'avais oscillé entre les larmes et la colère. Comment pouvait-il me demander cela ? Comment pouvait-il croire que je pouvais l'oublier ? D'ailleurs pourquoi me laisser cette lettre à moi ?
Tout se mélangeait, ma tête était pleine à craquer et douloureuse. Mes yeux me brûlaient d'avoir tant pleuré et d'être aussi fatigué, mais je n'avais pas réussi à les fermer pendant plus de quinze minutes. Il n'avait pas le droit de me demander de l'oublier. Je ne comprenais même pas pourquoi. Quel intérêt ? En avait-il assez de me voir ?
Paul était mon meilleur ami, mon seul repère stable depuis autant d'année dans ces lieux. Il avait rempli mes jours, m'avait consolé les nuits, m'avait ouvert les yeux à la fois sur notre monde et sur mes propres émotions. Pourquoi voulait-il que j'oubliasse tout cela ? Quel était son objectif ? Comme si c'était seulement possible de le retirer de ma tête.
Bien malgré moi, pendant une partie de la nuit, j'avais pensé que c'était peut-être Yann qui le lui avait demandé, par jalousie. Plusieurs choses ne collaient pas, cependant. Mon ami n'était pas supposé savoir que j'étais amoureux de Paul, pas plus qu'il ne devait se sentir menacé par ma présence à ses côtés. Mon meilleur ami n'avait jamais rien envisagé avec moi. Alors j'avais culpabilisé d'avoir pensé du mal de l'un de mes proches.
J'avais tenté de me convaincre que c'était une mauvaise plaisanterie, je n'avais pas réussi. Depuis quand Paul savait-il faire des blagues, après tout ? Cela faisait bien cinq ans qu'il n'avait pas remis les pieds dans l'humour, comme s'il avait totalement oublié ce que c'était. Il prenait tout au sérieux, c'était impossible qu'il me fît une farce pareille.
Imaginer ma vie sans lui à mes côtés avait été la goutte de trop.
Adonis s'était levé plusieurs fois dans la nuit. J'avais veillé à ne pas faire de bruit pour ne pas me faire rouspéter par notre dernier colocataire qui était également le moins aimable, mais comme mû par l'instinct, mon ami savait. Il s'était déplacé plusieurs fois pour me serrer dans ses bras, pour finir la nuit dans mon lit. Il s'était blotti contre moi et ne m'avait jamais lâché. Trop épuisé cependant, il n'avait pas réussi à rester éveillé. Je ne lui en tenais pas rigueur, au contraire.
Néanmoins, l'heure du réveil avait sonné depuis plusieurs minutes et il était en train de s'habiller face à son casier. Il avait lu la lettre. Adonis était un garçon très sensible, c'était sûrement le plus à-même de comprendre ce que je ressentais.
« Tate, tu dois te lever, maintenant, soupira longuement l'intéressé qui enfilait sa veste. Il va être sept heures. À la demie, je te rappelle que tu dois aller au réfectoire pour t'occuper du repas des tout-petits. Si tu as une seconde de retard, tu es bon pour un remède à la banane.
- S'il ne revient pas, Ad ? demandai-je piteusement. Comment je vais faire ?
- Que veux-tu faire, de toute façon ? dit-il en s'asseyant au bout de mon lit après avoir posé sa main sur ma cheville. S'il part, c'est que Bluesfield l'a décidé, alors on n'y pourrait rien. À quoi ça te sert de te remplir la tête de trucs inutiles et forcément faux ? Il ne pourra pas te fuir si l'institut ne le veut pas, je te rappelle qu'on ne choisit rien ici.
- Mais je ne lui ai pas dit au revoir, sanglotais-je.
- Tu n'es même pas sûr qu'il soit définitivement parti. Puis s'il ne revient pas, je serai là, tout comme tous les autres. On compensera à notre manière, on fera tout ce qu'on pourra et ça finira par fonctionner parce qu'il n'est pas question qu'on te perde toi en plus. Mais pour l'instant, pars du principe qu'il reviendra. »
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Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]
Science FictionUn institut spécialisé nommé Bluesfield. C'était là que Tate avait atterri dés sa naissance comme une dizaine d'autres enfants la même année. Qu'est-ce ? Un endroit effrayant où le groupe de garçons arrachés à leur monde vit de la naissance à la mor...